2.2. Les Throughputs en réseau

Le traitement des documents (catalogage, indexation, etc.) représente une importante charge de travail dans les bibliothèques. C’est une des raisons qui expliquent pourquoi les plus grands réseaux de bibliothèques nationaux ou internationaux se spécialisent dans ces aspects. Une autre raison tient à l’aspect technique de cette coopération qui, contrairement au partage des acquisitions, ne soulève pas de questions politiques (quels documents se procurer, pour quels usages, dans quels buts ?).

L’informatique a permis de construire de gigantesques bases de données bibliographiques partagées. Le principe est que chaque bibliothèque membre du réseau met à la disposition de ses partenaires les notices qu’elle crée et récupère les notices créées par l’ensemble de ces partenaires. Ainsi, comme le note un rapport de la commission des finances du Sénat,

‘“ le catalogage partagé permet à toute bibliothèque de récupérer pour ses besoins propres les notices bibliographiques existant dans le catalogue collectif en n’ayant à ajouter à une notice existante que peu d’éléments spécifiques (cote, numéro d’inventaire par exemple). Le catalogage représentant une importante charge de travail dans les bibliothèques, il s’agit là d’un dispositif particulièrement efficace pour réaliser des gains de productivité. ” 79

Le volume de catalogage réalisé par chaque bibliothèque est minimisé.

Les grandes bibliothèques qui reçoivent beaucoup de volumes à traiter ne peuvent plus se passer du catalogage partagé qui leur permet de gagner du temps, d’alléger la charge de travail et aussi d’être signalées sur des réseaux mondiaux. Même dans l’hypothèse où le catalogage partagé revient plus cher à la bibliothèque que si elle avait à le faire toute seule, la qualité de l’information bibliographique fait que le rapport coût-avantage est nettement positif. Une étude réalisée par le cabinet René Deriez Consultants a montré que le coût moyen d’un livre serait, pour les bibliothèques municipales, d’environ 275 francs répartis en ¼ pour l’achat et de ¾ pour le traitement, et que ce coût serait de 700 francs pour les BU répartis respectivement en 1/3 contre 2/3. 80 La comparaison de ces chiffres avec les prix pratiqués par les fournisseurs des produits bibliographiques (notices catalographiques, autorités matière, etc.) ne laisse aucun équivoque quant au bien fondé économique du recours des bibliothèques à ces derniers. A titre indicatif une notice catalographique BN-OPALE ne dépasse pas 3,00 francs, ainsi qu’une autorité matières. Les tarifs d’OCLC sont plus chers (environ 20,00 francs), mais ils restent largement en deçà des coûts supportés par la bibliothèque assurant ce travail en autarcie.

Les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC)), notamment les autoroutes de l’information, ont donné un nouveau souffle aux bases et banques de données qu’elles soient bibliographiques ou textuelles. Les catalogues deviennent accessibles de partout, sans accord préalable, ni même obligation de créer des catalogues collectifs. 81 Des protocoles de communication et des normes telles que la norme Z39.50 permettent d’interroger les catalogues à distance directement et individuellement de partout. De l'avis de certains auteurs [DEVEROEY et al. 1999], la révolution des NTIC, notamment Internet, a rendu obsolètes certaines problématiques liées aux réseaux. Ils mettent en doute par exemple le bien fondé de la création des catalogues collectifs fort coûteux, alors qu'il suffit à l'utilisateur final de répéter sa requête pour chaque catalogue de bibliothèque accessible à distance directement et individuellement grâce au protocole Z39.50.

Encadré n° 1 : Qu’est-ce que Z39.50 ?
“ Z39.50 est un “ protocole de réseau pour la recherche et le rapatriement d’information. ” Cela signifie qu’au départ d’un poste appelant, une requête structurée (telle une recherche combinant auteur et titre d’ouvrage, par exemple), dûment “ traduite en Z39.50 ” par un logiciel adéquat (le “ client Z39.50 ”), peut être acheminée vers un serveur d’information, et, là, traduite à nouveau de Z39.50 vers le langage d’interrogation de la base de donnée distante par un autre logiciel (le “ serveur Z39.50 ”). Ceci autorise donc l’interrogation individuelle de nombreux catalogues en ligne.
Il permet aussi en principe de faire une recherche dans plusieurs catalogues simultanément et d’obtenir les résultats regroupés, en une sorte de “ fusion ” en ligne et en temps réel de plusieurs catalogues. ” 82

Par ailleurs, le partage bibliographique dépasse le cadre du catalogage pour toucher d’autres aspects du traitement des documents comme l’indexation. C’est le cas notamment de la liste d’autorités-matière RAMEAU 83 (Répertoire d’Autorités-Matière Encyclopédique et Alphabétique Unifié). RAMEAU est un langage d’indexation pré-coordonné, élaboré et utilisé par la Bibliothèque nationale de France, les bibliothèques universitaires, ainsi que de nombreuses autres bibliothèques de lecture publique ou de recherche. Cette liste est dérivée du Répertoire de vedettes-matières de l’Université de Laval, elle-même empruntée à la Library of Congress. RAMEAU est composée d’un vocabulaire de termes reliés entre eux et d’une syntaxe (règles de construction pour l’indexation). A la différence d’un thésaurus, la liste d’autorité encyclopédique n’est pas constituée a priori mais au fur et à mesure des besoins d’indexation et évolue sur la base des propositions faites par le réseau de ses utilisateurs. RAMEAU évolue grâce à l’ensemble du réseau des utilisateurs qui peuvent faire des propositions de modification ou d’ajout de nouvelles vedettes matières. Ces propositions sont traitées par des experts de la BnF qui travaillent en collaboration avec un certain nombre de “ bibliothèques-experts ”.

De nos jours, les nouvelles possibilités d’extraction directe et automatisée des informations bibliographiques (les métadonnées) que ce soit au niveau de la description physique ou intellectuelle (indexation) du document vont transformer ces volets de l’activité des bibliothèques jusqu’à les remettre en question de l’avis de certains. [GRADMANN, 1997] Ce n’est pas pour autant que toute coopération bibliographique perd sa raison d’être. D’ailleurs tous les indicateurs vont dans le sens d’une forte croissance des autres formes de réseaux bibliographiques. * L’offre bibliographique constitue de nos jours un vrai marché mondial avec des enjeux financiers importants. Les acteurs privés (producteurs de bases de données, éditeurs de cédéroms, agences d’abonnements et autres intermédiaires) ne cessent d’y prendre des parts de marché de plus en plus importantes.

Notes
79.

- LACHENAUD, Jean-Philippe. – Bibliothèques universitaires : le temps des mutations, Rapport d’information n° 59, 1998-1999, Commission des finances, in :
[ http://www.senat.fr/rap/r98-059/r98-059_mono.html#toc34 ] [consulté le 04/01/2001]

80.

- Cf. DERIEZ, René “ Quelques coûts dans les bibliothèques ”, Intervention au séminaire sur l'économie des bibliothèques, non publié, Ecole Nationale Supérieure des Sciences de l’Information et des Bibliothèques (ENSSIB), 12 avril 1996, p. 9, document disponible à la bibliothèque de l'enssib.

81.

- Cf. DEVROEY, Jean-Pierre & GILSON, Hervé & VANDOOREN, Françoise, Op. Cit.

82.

- Idem

83.

- Cf. http://www.bnf.fr/web-bnf/infopro/rameau / [consulté le 04/01/2001

*.

- Voir le chapitre "l'heure de la dérégulation a-t-elle sonné ?"