Chapitre 5 : L’évaluation économique des réseaux de bibliothèques

1. Introduction : Evaluer le réseau pour maîtriser le changement organisationnel

Le passage d’une bibliothèque de l’autarcie au réseau représente un changement organisationnel qui peut être lourd de conséquences économiques. L’importance des enjeux du réseau varie d’une bibliothèque à une autre en fonction de l’importance de la coopération engagée au sein du réseau. A titre indicatif, nous signalons quelques exemples des changements organisationnels générés par ce passage de l’autarcie au réseau.

  • Le réseau peut modifier la cartographie des postes de travail au sein d’une bibliothèque (l’articulation des activités et des tâches). Le mouvement de centralisation/décentralisation de certaines tâches de travail oblige à reconsidérer cette cartographie. Certains postes de travail disparaissent ou fusionnent : par exemple, le catalogage peut disparaître ou fusionner avec l’indexation au sein d’un même poste appelé traitement. D’autres postes émergent ou éclatent en plusieurs : par exemple, la création d’un poste "veille informationnelle" qui aurait été dans la situation d’autarcie une simple tâche du poste "développement des ressources documentaires".
  • Le réseau peut entraîner un redéploiement des ressources matérielles préexistantes (mobiliers, espaces, ordinateurs et autres équipements technologiques).
  • En fonction de l’importance de la coopération engagée, le réseau peut se traduire par la création d’une structure transversale de coordination nécessitant des ressources humaines et matérielles communes. La question de qui apporte quoi et dans quelles proportions devient alors inévitable pour toute bibliothèque concernée par le réseau.

Sur le plan économique, Véronique Malleret (1995) distingue entre trois catégories d’effets de réseau en fonction des critères qui permettent de les établir : critères financiers, critères quantitatifs non financiers et critères qualitatifs.

Les deux premiers types de critères ont en commun l’aspect quantitatif. Ils sont à l’origine de la plupart des approches économiques de l’évaluation, qu’il s’agisse de micro ou de macro-évaluation. Quant aux critères qualitatifs, ils ont toujours représenté un défi pour une analyse des effets économiques réels du réseau qui sont différents des effets tangibles. L’économétrie se révèle incapable de faire face à ce problème. D’où, les tentatives d’ouverture sur la sociologie des organisations, l’analyse psychologique et cognitive, etc.

Certes la macro-évaluation permet, en se limitant aux bilans et chiffres globaux, de surmonter le problème du coût réel posé à la micro-évaluation. Mais, c’est en même temps la globalité de ses résultats qui est son point faible, parce qu’elle ne permet pas une analyse fine.

Nous allons identifier trois approches de la micro-évaluation (analyse comptable, analyse coûts-avantages et analyse coûts-efficacité) et trois autres que l’on peut ranger sous la macro-évaluation (évaluation par le coût global, études d’impact et démarche qualité). Nous verrons que ces approches n’ont pas réussi à proposer des solutions pour surmonter les écueils dressés par les critères qualitatifs. Cependant, la théorie des coûts de transaction semble marquer une avancée décisive dans le sens de la prise en compte de ces critères dans l’évaluation économique. Mais avant d’analyser les forces et faiblesses de ces différentes approches dans l’analyse des effets économiques caractéristiques du réseau, essayons d’abord d’identifier ces effets.