3.2. Les études d’impact

Appelée aussi la méthode des effets, l’étude d’impact est une variante de l’analyse coûts-avantages mais qui intervient ex-post. Son principe est fondé sur une comparaison avant-après la réalisation d’une action, de la situation économique à un niveau bien circonscrit (une ville, une région, parfois même un pays). Son objectif est d’apprécier les retombées de l’action entreprise sur la vie économique de la circonscription considérée.

Cette approche est surtout utilisée dans l’évaluation économique des politiques publiques où les investissements visent à améliorer le bien être collectif, c’est-à-dire l’ensemble de la dynamique économique et sociale. Exemples : investissements dans la protection de l’environnement, investissements culturels (festivals, patrimoine, musées, etc.) investissements dans la santé publique, investissements en sports et loisirs, etc.

Parmi les flux financiers à l’échelle de la zone en question, on cherche à déterminer ceux qui sont générés par l’action objet de l’évaluation. Ces flux se répartissent en trois catégories [BENHAMOU, 1996] :

Les deux dernières catégories soulèvent des réserves, car la causalité entre le flux et l’action ne peut être établie d’une façon incontestable.

‘“ Il est difficile d’identifier avec précision les dépenses du public pour les imputer à la fréquentation de telle ou de telle activité culturelle. Il n’y a pas de véritable causalité, tout au plus une corrélation, entre le fait de fréquenter un spectacle et celui d’aller au restaurant. ”  140

Transposée sur les réseaux des bibliothèques, une évaluation selon cette approche signifierait que l’on s’interroge sur les retombées du réseau sur une localité, du moins une collectivité : Exemples, les retombées de la participation d’une bibliothèque municipale à un réseau national ou international sur l’économie locale, ou encore les retombées de la participation d’une B.U. à un réseau national ou international sur l’économie de l’université. Or, cela nous éloignerait des objectifs que nous visons dans ce travail, à savoir les retombées du réseau sur la bibliothèque elle-même.

Ce n’est pas pour autant que l’étude d’impact perd tout intérêt pour l’évaluateur qui se penche sur des contextes ayant des particularités organisationnelles et de vocation comme les réseaux des bibliothèques. Tout en gardant comme objectif la détermination de l’impact économique et comme méthode la comparaison "avant/après" parfois déclinée en comparaison "avec/sans", certaines évaluations réalisées dans le monde des bibliothèques ont élargi le raisonnement au-delà du calcul micro-économique des flux monétaires pour intégrer l’impact social de la bibliothèque dans l’analyse de l’impact économique de cette dernière.

Une étude menée à Sheffield en Grande-Bretagne [USHERWOOD, 1999] sur l’impact de fermeture et de réduction des heures d’ouverture des bibliothèques montre que quand une bibliothèque locale ferme, c’est environ le tiers des adultes qui s’estime privé de l’accès à la bibliothèque publique. Plus gravement affectés sont les enfants en bas âge et les vieilles personnes. Les parents et les enseignants affirment que l’impact de la fermeture de la bibliothèque était dévastateur. Bien que quelques enfants aient continué à lire autant qu’avant, leur choix et qualité de lecture ont souffert excessivement. Les gens estiment que seule une bibliothèque locale peut les aider à :

D’autres études se sont intéressées, toujours dans une perspective économique, à l’impact cognitif et éducatif sur une communauté de lecteurs. Elles ont révélé que dans les communautés défavorisées, la bibliothèque locale peut être une ressource importante pour le développement personnel, en particulier quand les utilisateurs ont eu une expérience faible d’enseignement conventionnel. Les données ont également démontré à quel point la lecture est un facteur essentiel et critique dans les vies des utilisateurs de bibliothèques. La plupart des personnes ne peuvent pas se permettre d’acheter assez de livres pour substituer ceux fournis par la bibliothèque. [USHERWOOD, 1999]

D’autres études se sont intéressées à l’impact des changements structurels (décentralisation, délocalisation, réseau, privatisation, etc.) sur l’économie des organisations publiques. [HIRTZLIN, 1999] Mais encore une fois, ces études se sont trouvées obligées de s’ouvrir sur d’autres outils d’évaluation que le calcul monétaire. Les flux à observer ont aussi une nature humaine et relationnelle (redéploiement des personnels, jeux des acteurs et pouvoirs), matérielle (locaux, mobiliers et équipements) et cognitive (apprentissage, échanges d’expérience et de savoir-faire), etc.

Sans cet élargissement de la logique monétaire, l’étude d’impact ne peut répondre aux objectifs que nous visons. Or, jusqu’où peut-on pousser cet élargissement sans faire perdre à la démarche ses fondements théoriques et méthodologiques ?

Notes
140.

- Observatoire des politiques culturelles & Département des études et de la prospective (Ministère de la culture, Op. Cit., pp. 72-73