3.3. La démarche Qualité

La démarche qualité est l’exemple type de l’évaluation globale. Elle est "fédératrice et englobante" à tel point qu’elle se détache de l’évaluation pour se situer à un niveau plus général et constituer une démarche à part. [MAYERE et MUET, 1998] On se retrouve alors dans une articulation inverse selon laquelle c’est l’évaluation qui est une partie intégrée de la démarche qualité et non plus cette dernière qui est un type d’évaluation.

‘“ La démarche qualité peut se définir comme l’ensemble des actions que met en place une organisation pour assurer sa mission et atteindre la satisfaction du public. C’est donc une démarche globale. Dans ce sens, elle entre "en contact" avec d’autres préoccupations managériales de l’organisation, et doit se situer par rapport à elles. Nous retiendrons ici prioritairement deux de ces approches : la notion d’évaluation, et la démarche marketing. ” 141

Nous aurons l’occasion de revenir sur l’articulation entre évaluation et démarche marketing dans le chapitre 6 consacré aux niveaux d’ancrage des effets qualitatifs du réseau sur une bibliothèque.

Le principe de la démarche qualité est de construire dans un premier temps des indicateurs qui permettent “ de localiser les améliorations possibles, d’indiquer par quel endroit commencer de façon profitable une action sur les défaillances. ” 142 Autrement dit, ces indicateurs permettent de mesurer l’écart entre les objectifs de départ (les spécifications), les besoins (réels) et les résultats obtenus (la réalisation). Ce sont les trois éléments sur lesquels se base Eric Sutter en les croisant pour fonder la qualité (voir figure suivante) :

Figure 9 : Les trois sphères fondatrices de la qualité
Figure 9 : Les trois sphères fondatrices de la qualité [Selon Eric Sutter, 1992]

Trois situations différentes se dégagent de ce schéma :

Les aspects de non-qualité signifient que des surcoûts pèsent sur l’organisation. Leur maîtrise implique, à son tour, des coûts appelés coûts cachés. L’objectif de la démarche qualité est de faire en sorte que les coûts cachés (les coûts de la qualité) soient inférieurs aux surcoûts (les coûts de la non-qualité).

Jean-Philippe Neuville (1996) articule la démarche qualité autour de deux enjeux. Le premier est orienté marketing et donc centré sur la satisfaction de la clientèle. A ce niveau, l’attention est portée sur les demandes (requêtes, commandes de produits, etc.) non satisfaites, le temps d’attente, l’appréciation du client (usager) de la nature de l’accueil et du contact avec l’organisation, etc. L’autre enjeu est tourné vers la capacité de l’entreprise “ à réduire ses coûts de développement, de production et maintenance grâce à la qualité de l’organisation. ” 143 On rangera dans cette deuxième catégorie les phénomènes de déperdition de toutes sortes : pannes, défauts de fabrication, absentéisme, retards, conflits internes, manque de motivation, etc.

C’est en ce sens que Pierre-Yves Gomez (1994) parle de la rencontre de deux conventions, l’une porte sur l’externe : convention de qualification du produit en relation avec la satisfaction de l’usager,l’autre sur l’interne : convention d’effort qui porte sur la qualité de l’organisation et de la gestion.

De son côté, le choix du réseau est motivé, entre autres, par le double objectif de mieux servir l’usager et de maîtriser les coûts de gestion. Dès lors, le réseau se prête parfaitement à une analyse sous l’angle de la démarche qualité comme définie par Pierr-Yves Gomez (convention externe de qualification du produit pour la satisfaction de l’usager et convention interne d’effort qui porte sur la qualité de l’organisation et de la gestion). Nous nous en sommes servi comme fondement de deux parmi les trois niveaux d’ancrage de notre évaluation de l’effet du réseau sur une bibliothèque : l’organisation interne et le rapport aux usagers.

La démarche qualité selon cette double facette est à l’origine de plusieurs normes relatives à la satisfaction des clients (les usagers pour les services) et à la gestion interne (contrôle qualité au niveau de la chaîne de production, apprentissage, etc.). En bibliothèques, cette tendance s’est traduite par la mise en place de plusieurs outils de mesure de la qualité dont notamment la norme ISO 11620 sur les indicateurs de performance des bibliothèques qui a été homologuée en avril 1998. Les tableaux de bord sont, eux aussi, un moyen efficace de suivi et de contrôle de la qualité en bibliothèque.

Cette démarche présente l’avantage d’intégrer les effets qualitatifs dans le calcul puisqu’elle ne se limite pas aux seuls effets comptables. Mais en revanche, elle débouche sur des chiffres globaux et ne permet pas d’affiner l’analyse jusqu’à affecter à chaque aspect de non-qualité son équivalent comptable (monétaire). C’est une phase intermédiaire entre l’impossibilité d’incorporer les effets qualitatifs dans le calcul comptable et leur possible intégration mais à un niveau de comptabilité générale et non de comptabilité analytique, car les aspects de non-qualité ne se prêtent pas à la classification en des catégories étanches.

Notes
141.

- MAYERE, Anne & MUET, Florence. – “ La démarche qualité appliquée aux bibliothèques et services d’information ”, in : BBF, T. 43, n° 1, 1998, pp. 11-19

142.

- SUTTER, Eric. - Services d’information et qualité, Paris, Éditions ADBS, 1992, p. 99

143.

- NEUVILLE, Jean-Pilippe. - " La qualité en question ", in : Revue française de gestion, n° 108, 1996, pp. 37-48