2.3. La relation de service : quelle servuction ? Quel contrat ?

La servuction est une composante fondamentale de l’activité de service. Son principal enseignement est que le service se produit au moment de sa consommation. L’usager est en même temps consommateur et acteur actif de la production. Quels sont donc les effets du réseau sur la participation active de l’usager à la production du service (sur la servuction) ?

La coopération au niveau des back office (nous y reviendrons dans le prochain paragraphe que nous consacrerons à l’environnement interne en tant que troisième niveau d’ancrage des effets qualitatifs du réseau) a des incidences directes sur les front office. [MUNOS, 1998] Mais il serait hâtif de conclure que le partage des back office se traduit automatiquement par une amélioration de la qualité des servuctions. Dans son étude sur un réseau d’agences bancaires, Annie Munos a constaté que :

‘“ En uniformisant le back office, les unités du réseau ont dû faire face à des modifications contraintes et forcées de la relation de service. L’outil a fondamentalement modifié la nature du contact client. Le personnel est devenu dans un premier temps plus soucieux de gérer l’outil et l’exactitude des opérations que de gérer le contact client. ” 182

Les avantages du réseau au niveau de l’offre, à savoir l’élargissement de celle-ci à de nouveaux publics, sa diversification et l’amélioration de sa qualité, font souvent oublier les défis et les contraintes quant à la capacité qu’ont les membres du réseau à satisfaire les nouveaux publics ou à traiter une offre de service nouvelle ou modifiée. [MUNOS, 1998]

La première de ces contraintes est que les usagers doivent être gérés dans tout le réseau indifféremment de leur appartenance à telle ou telle bibliothèque membre du réseau.La même carte de lecteur doit permettre à son titulaire de fréquenter et emprunter des livres auprès de plusieurs bibliothèques. Or, comme le remarque Jean-Michel Salaün (1997), “ le service des lecteurs extérieurs peut entraver celui des lecteurs ordinaires. Et surtout, l’appartenance à un réseau peut induire des relations de domination ou de dépendance qui orienteront à l’avenir les services proposés. ” 183  ; si bien qu’il est difficile d’avoir la même servuction sur l’ensemble d’un réseau. L’éclatement géographique fait qu’il n’y a pas une servuction mais des servuctions. Les composantes ne sont pas les mêmes : personnel en contact, accueil, interaction, conditions du travail, public, etc. L’usager risque de devenir volatile [MUNOS, 1998] en préférant s’adresser à la bibliothèque qui offre la meilleure servuction. A terme, une bibliothèque fortement sollicitée risque d’être victime de sa propre réussite. Ceci est bien sûr pénalisant pour les usagers, les bibliothèques à succès ainsi que pour les bibliothèques boudées. Une réflexion en amont à ces phénomènes est indispensable. Il est primordial d’envisager une mise à niveau des personnels en contact pour homogénéiser la relation.

Il est également nécessaire d’harmoniser les ciblages du public. Offrir les mêmes conditions de servuction n’est pas synonyme d’offrir les mêmes services, autrement dit les mêmes contenus de l’offre. On voit bien l’intérêt que peuvent avoir des bibliothèques ne ciblant pas les mêmes publics à coopérer ensemble. Cela permettra à chacune d’elles de réorienter les segments qu’elle exclut de sa stratégie de ciblage vers les partenaires adéquats et vice versa.

‘“ Une servuction s’accommode très mal de la présence et de la gestion en simultané de plusieurs segments de clientèles différents. ” 184

Ces questions ont un rapport direct avec la satisfaction de l’usager qui se fie à ces éléments pour apprécier la qualité du service.

‘“ Les différences de climats et relations de services peuvent être perçues par le client et avoir ainsi une influence négative sur sa satisfaction globale. ”  185

Bien souvent, les usagers ne savent pas s’ils ont été bien servis. La mesure de leur satisfaction reste une opération délicate. Dans la réalité, l’usager est couramment influencé par la nature du contact (politesse, cordialité, etc.) et témoigne du degré de sa satisfaction par rapport à des critères, sinon peu fiables, du moins insuffisants comme la politesse ou la cordialité de l’accueil. [LYNCH, 1998] Or, sans nier l’importance de ces éléments dans la satisfaction globale de l’usager, ce ne sont pas eux qui permettent de déterminer si le service a répondu effectivement à la demande de l’usager.

Notes
182.

- MUNOS, Annie. – Op. cit., p. 55

183.

- SALAÜN, Jean-Michel, 1997, Op. Cit.

184.

- EIGLIER & LANGEARD, 1987, Cités par : MUNOS, Annie, Op. Cit., p. 59

185.

- MUNOS, Annie, Op. cit., p. 59