B. Une organisation pyramidale

a. Des institutions hiérarchisées et centralisées

Les organigrammes proposés par R.P. Mitchell et O. Carré et G. Michaud 250 , mettent en évidence la structure pyramidale qui induit la hiérarchisation et la centralisation de l’association. Pour s’élever dans la pyramide, il est nécessaire de gravir les échelons progressivement, ce que ne laisse pas directement entendre l’organigramme. Ainsi, le guide général doit être membre de l’assemblée consultative depuis au minimum cinq ans, avoir au moins 30 ans, son élection requiert la présence des 3/4 de l’assemblée consultative et n’est validée que par 4/5 de votes positifs 251 . Il doit être pourvu des qualités morales et intellectuelles revendiquées par l’association 252 . Il est élu à vie et doit entièrement se consacrer à ce rôle 253 car il est le centre du pouvoir réel.

Le bureau général de l’orientation a une composition numérique variable, de 12 à 20 membres selon les années. Pour y postuler il faut être membre depuis au moins trois ans de l’assemblée consultative générale et correspondre aux valeurs revendiquées par l’association 254 . parmi cette assemblée sont élus le représentant, le secrétaire général et le trésorier 255 . « The council presided over the operations of the society, supervised its administration, snaped and executed its policy [...] The council was authorized to create whatever committees sections, and divisions were necessary to fulfil the goals of the organisation. » 256

Le secrétariat général est élu par l’assemblée consultative parmi les membres du bureau général 257 . « His tasks were to execute the decrees of the Guidance Council, supervise and direct the administrative apparatus of the organization, call meetings and prepare the agenda for them, and control and file the council records » 258 . Pour être membre de l’assemblée consultative, il faut être membre actif depuis au moins cinq ans et posséder les mêmes qualités que celles demandées pour faire partie des autres organes 259 . Le guide général, le bureau et l’assemblée consultative exercent leurs prérogatives depuis le quartier général du Caire 260 .

Comme le figure les organigramme, toute une série d’activités sont ensuite réparties entre les sections techniques et les appareils locaux. Le schéma général de l’organisation ne rend toutefois pas compte du parcours que chaque adhérent doit effectuer pour devenir membre actif 261 . L’intégration aux structures dirigeantes se fait par paliers successifs où la volonté du membre est constamment éprouvée. Le guide général entretient des liens directs avec les hauts responsables mais aussi avec la base qu’il rencontre lors de meeting. C’est lors du 3ème congrès des Frères Musulmans en 1935 que les différents rouages de l’association et les degrés d’appartenance ont été définis 262 .

Dans l’organigramme une institution n’apparaît pas : l’appareil secret. Il s’agit d’un organe secret sous la direction de —assan al-Ašm…w€ 263 . En 1944 est créé au sein de l’armée une organisation secrète dont sont issus les Officiers Libres qui serait, d’après al-Ašm…w€, confondue avec celle des Frères Musulmans jusqu’en 1948 où elles se seraient alors séparées tout en continuant à coopérer, jusqu’au coup d’état de 1952 264 . Derrière cette organisation secrète se trouvent toutes les actions violentes menées par les Frères Musulmans en Égypte et à l’étranger. Les milices armées participent aux actions en Palestine mais servent aussi de soutien au roi en 1946 265 . Le roi n’a pas d’organisation populaire à sa solde car tous les partis politiques créés par le palais ont été un échec et n’ont pas su mobiliser les masses. Les milices des Frères Musulmans pallient cette carence et offrent au roi le pendant des chemises bleues du Wafd ou des chemises vertes de Jeune Égypte 266 . En revanche, les milices combattent aux côtés de l’armée royale en Palestine et sont intégrées de force à l’armée égyptienne en 1948 267 .

À l’origine de ces milices se trouvent les scouts qui sont le fer de lance de l’association 268 . Disciplinés et soumis, ils sont un exemple de loyauté. Un tel résultat est possible grâce à un système de propagande très efficace.

Notes
250.

R.P. MITCHEL, op. cit., p. 164 ; O. CARRE, G. MICHAUD, Les Frères Musulmans (1928-1982), Paris, Gallimard, Julliard, 1983, p. 24.

251.

R.P. MITCHEL, op. cit., p. 165.

252.

Ibid.

253.

Ibid. ; son remplacement est prévu s’il faillit à certaines de ses obligations, p. 166.

254.

Ibid., p. 166.

255.

Ibid.

256.

Ibid.

257.

Ibid.

258.

Ibid.

259.

Ibid.

260.

Ibid.

261.

Ibid., p. 183.

262.

La situation religieuse en Égypte, p. 82.

263.

O. CARRE, G. MICHAUD, op. cit.., p. 29.

264.

Ibid., le premier contact entre al-Bann… et Sadate daterait de 1940 et celui entre al-Bann… et Nasser de 1944.

265.

Ibid., p. 28.

266.

Ibid.

267.

Ibid., p. 31.

268.

Ibid., p. 28 ; R.P. MITCHELL, op. cit., p. 200-208.