B. De nouveaux outils pour les missionnaires

a. Une science au service de la mission : la missiologie

À la fin du XIXème siècle, dans une Allemagne qui se lance dans la course coloniale, naît le besoin d’une étude scientifique des missions 474 . Dans les années qui précèdent la première guerre mondiale, des cours sont organisés dans différentes universités : Münster (la pionnière dans le domaine), Strasbourg, Würzbourg, Bonn 475 . Après la guerre, l’impulsion se diffuse dans d’autres pays, avec notamment la création de la semaine de missiologie de Louvain en 1923 476 . Dans cette période une presse aux titres innombrables se développe et toute une réflexion théorique prend corps 477 .

Ce deuxième élan missionnaire trouve dans les souverains pontifes des hommes préoccupés par les missions comme en témoigne les encycliques Maximum Illud (1919) de Benoît XV et Rerum Ecclesi æ(1926) de Pie XI. L’impulsion donnée par Benoît XV est poursuivie par son successeur. Benoît XV insiste, dans l’encyclique précédemment cité, sur la nécessité d’une formation scientifique adéquate des missionnaires. À la suite du texte pontifical est fondé une chaire de missiologie au collège de la Propagande qui se transforme en 1930 en Institut missionnaire, érigé lui-même en 1933 par la Congrégation des séminaires et des universités en Institut pontifical missionnaire scientifique de « Propaganda Fide » 478 . Des cours de missiologie sont fondés en 1929 à la Gregoriana et en 1932 une faculté de missiologie est canoniquement élevée 479 .

Les théories et les pratiques sont très nombreuses, il ne nous est pas possible d’en rendre compte de manière exhaustive, et même partiellement. En effet autour de la question « Qu’est-ce que la mission ? », toute une réflexion théologique s’impose. La pratique missionnaire ne peut se comprendre sans l’adoption d’une position théologique spécifique au peuple à convertir. Le problème trouve donc des solutions qui sont fonction de la conception que l’on se fait du peuple à évangéliser. Le problème est-il alors celui du salut ou de la « plantation de l’Église », en d’autres termes à quoi servent les missions ? Les réponses, comme on peut s’y attendre, couvrent un vaste panel, de Monchanin 480 à de Lubac 481 – pour ne rester que dans l’espace français – en passant par la parution de nombreux manuels 482 . C’est dans ce contexte d’élan missionnaire que s’inscrivent les préoccupations et les réalisations pour les musulmans.

Notes
474.

B. Arens, Manuel des missions catholiques, Louvain, Museum Lessianum, 1925, p. 419sq.

475.

Ibid., p. 422.

476.

L’importance de la presse catholique est à souligner : Les relations d’Orient, Les missions catholiques... sans faire référence à la multitude de petits bulletins. Les origines de la semaine de missiologie de Louvain sont exposées dans le Compte rendu de la troisième Semaine de Missiologie de Louvain, Les aspirations indigènes et les missions, Louvain, Museum Lessianum, 1925, p. 9-13. La première rencontre a lieu en 1923 (p. 14) et se place s’inscrit dans l’élan donné par l’encyclique de Benoît XV Maximum illud de 1919 (p. 9). Le but est de proposer une étude doctrinale de l’apostolat afin de fournir au missionnaire des données précises sur les sociétés qu’il est amené à rencontrer (p. 10sq.).

477.

Pour une approche synthétique, voir J. Comby, 2000 ans d’évangélisation, Paris, Desclée, 1992, p. 270sq.

478.

P.M. de Mondreganes, Manual de Misionologìa, 3ème éd., Madrid, España Misionera, 1951, p. 243.

479.

Ibid.

480.

J. Monchanin, Théologie et spiritualité missionnaires, Paris, Beauchesne, 1985.

481.

H. de Lubac, Le fondement théologique des missions, Paris, Seuil, 1946.

482.

P. Charles, Les dossiers de l’action missionnaire. Manuel de missiologie, Bruxelles – Louvain, Aucam, Universelle, 1938.