b. ±al…t, †ikr et du‘…’

Avec la prière nous sommes à la base de la pratique religieuse. La problématique là aussi se présente de manière manichéenne : la prière musulmane est-elle bonne ou mauvaise ? Comme pour des thèmes tels que la mystique, les femmes ou encore le fondateur de l’islam, cette thématique de la prière se retrouve de manière récurrente sous la plume de nombreux missionnaires.

Nous avons opté pour une étude de trois documents produits par trois personnalités différentes, à trois dates différentes. Le premier est écrit par Focà et représente la tendance missionnaire la plus réservée sur l’islam et les musulmans 660 . Le deuxième article, de d’Alverny 661 , donne une autre perspective plus ouverte qui se retrouve aussi dans le dernier document étudié 662 .

Les deux premiers textes ont connu une large diffusion dans les milieux missionnaires car ils ont été publiés dans deux organes majeurs pour cette période. Ils représentent les deux grandes orientations des missionnaires catholiques de l’entre-deux-guerres. Quant au troisième texte nous ne savons pas s’il a été publié ou diffusé à l’intérieur de la société des missionnaires d’Afrique, toutefois la probabilité qu’il émane de l’un de ses membres est forte et rend compte de la rupture qu’a constitué le second conflit mondial dans l’évolution de la représentation de l’islam.

dans son article sur la prière musulmane Focà 663 expose des positions moins tranchées que celles qu’on lui connaît. Mais, au delà de ce qui pour nous n’est que précaution oratoire, la pensée du père reste dans une ligne plutôt négative pour tout ce qui touche à l’islam et a fortiori sur un sujet comme la prière. La semaine de missiologie de Louvain est une tribune où il peut exprimer ses opinions sur sa conception de l’islam, mais avec les nuances que nécessitent un auditoire composite et susceptible d’opposer des objections.

l’essentiel de son article repose sur la présentation de la prière musulmane qui bien souvent se transforme en la prière des musulmans. Focà ne fait pas de distinction entre la théorie et les pratiques. Pratiques dont il relève les tendances les moins édifiantes. L’apologétique n’est jamais loin dans le discours du père qui profite de toute occasion pour procéder à des comparaisons, et à opposer les deux religions entre elles. La première phrase de son exposé est éclairante sur ce point : « Les Musulmans se croient supérieurs aux Chrétiens parce que leur religion leur prescrit une prière solennelle et que beaucoup d’entre eux la pratiquent ostensiblement » 664 . Le sentiment de supériorité des musulmans réside donc dans leur prière, Focà s’attache à la décrire afin de démontrer qu’une telle pratique ne peut engendrer un tel sentiment. La problématique de l’article suit, « Hypocrisie ou haute morale ? » 665 .

L’article commence par une liste de versets qur’…niques sur la prière 666 . Comme pour Focà le Qur’…n est la parole de MuŸammad, il faut se reporter à sa vie afin de comprendre l’évolution du sens de la prière islamique. Dans un premier temps, la prière est recommandée par MuŸammad pour adorer Dieu, il faut « se présenter devant lui avec crainte et humilité : ce sont des élans de l’âme pour demander pardon des fautes commises, c’est l’affirmation qu’il faut prier pour se vaincre et faire le bien .» 667 . Cette démarche Focà l’explique par les contacts avec les chrétiens et les juifs. C’est l’époque, période mecquoise, où le prophète multiplie les exercices de piété. La mise en forme de la « prière liturgique » se fait de façon progressive avec des emprunts au judaïsme et au christianisme (ablutions, génuflexions, prostrations) 668 . Cependant, les premières contradictions, selon Focà, apparaissent : « Ici on se demande comment concilier ce souci de la prière et du recours à Dieu avec les expéditions à but intéressées, les razzias [...] » 669 . Contradictions qui ne font que s’accentuer car MuŸammad cède à sa sensualité qui heurte profondément le père blanc au point de lui faire donner de fausses interprétations à 23, 49 auquel il se réfère et dans lequel il voit une invitation des femmes à se donner au prophète 670 . Ce thème de la sensualité débridée du fondateur de l’islam est récurrent et son étude approfondie fait l’objet d’un paragraphe précis. La position des missionnaires sur ce sujet est généralement très virulente et peut dans des cas extrêmes, comme celui-ci, conduire à une mauvaise foi caractérisée.

Avec le temps, la sincérité de MuŸammad pour la prière se trouve émoussée et sans réprouver directement dans le Qur’…n la vie ascétique, sa rupture avec les chrétiens et avec les juifs doit être interprétée en ce sens pour Focà 671 . « La prière liturgique adoptée par Mahomet était vouée à se dessécher, à se momifier, tout d’abord à cause des idées paralysantes, qui sur la fin de la vie du Prophète, obscurcit la simplicité des vues sur Dieu et l’au-delà. Je veux parler surtout du fatalisme. » 672 . La prière est alors qualifiée de froide, de stérile, d’exercice quelconque obligatoire, où les sentiments intérieurs ont peu d’importance 673 . Sa fréquence, trop élevée pour Focà, et son formalisme dans les purifications, absorbent toute l’énergie du fidèle 674 . de plus, pour les non-arabophones elle se transforme en parodie de prière faute de comprendre ce qu’ils disent 675 .

Grâce aux convertis venus des monothéismes bibliques, un nouvel élan est donné par la mystique. Mystique que l’auteur développe sur quelques pages en rappelant les déviations 676 . Il aborde ensuite un troisième paragraphe intitulé « Comment on prie en islam » 677 . Il souligne l’aspect mécanique de la prière qui a pris une dimension « nationale ». Il consacre quelques lignes à ce qu’il nomme la prière « privée » qu’il juge plus sincère mais dont il ne peut estimer l’étendue. Plus loin, il fait un rapide tour d’horizon des différents pays musulmans et donne une estimation qualitative de la pratique de la prière sans indiquer ses sources 678 .

Focà admet l’existence de points positifs dans la prière musulmane : inculquer un plus grand respect de Dieu, pureté et tenue respectueuses, silence, recueillement, adoration, acte de foi, etc. : « En résumé, le Musulman prie (sic) à sa façon, il fait un acte incomplet mais bon en soi. », puis il ajoute « Mais pratiquement toute la piété consiste à exécuter rigoureusement l’exercice liturgique, sous peine d’invalidité. » 679 . Cette prière est pour lui incapable de sanctifier l’âme car elle ne présuppose aucune disposition intérieure. À quoi parviennent les musulmans qui prient ? À « un vague sentiment religieux, un plus grand attachement à l’islam et un peu plus d’orgueil et de complaisance en eux-mêmes. » 680 . Finalement, la prière musulmane n’a pas pour objectif de rapprocher l’âme de Dieu, même si quelques âmes parviennent à s’en faire une idée plus haute « éclairées peut-être par des idées chrétiennes » 681 . Dans sa démarche il se réfère à des Ÿad€ミ-s qui font l’éloge de comportement moralement douteux d’un point de vue catholique 682 . Il a recours à l’anecdote pour étayer des affirmations indémontrables. Il s’éloigne du sujet pour asséner des sentences sur le fondateur de l’islam et sur le ™Žfisme. Cette approche critique de la prière musulmane ne fait que corroborer la position de Focà sur l’islam en général.

D’une toute autre nature est l’article de d’Alverny « La prière dans le Coran » 683 . Sa démarche est diamétralement opposée à celle de Focà. D’un point de vue méthodologique, il ne choisit de ne s’intéresser qu’au texte qur’…nique. À partir de ce dernier, il distingue trois types de prière dans l’islam. il ne résume donc pas tout à la prière rituelle. Il retient le †ikr comme une des prières de l’islam mais l’envisage à ses débuts et non à partir de son évolution postérieure, i.e. l’usage qu’en font les confréries.

C’est toujours à partir du Qur’…n qu’il brosse le portrait de MuŸammad et non à partir du —ad€ミ. Il recourt rarement à la comparaison avec le christianisme et jamais sur le mode de l’affirmation catégorique. Il propose, à partir du texte qur’…nique, une lecture qui s’attache à décrire certes les rituels extérieurs, mais aussi les dispositions intérieures relatives à la prière telles qu’elles sont prescrites dans le Qur’…n. Sa démarche est de partir du Qur’…n pour dire de la prière ce que le texte sacré des musulmans en dit et de ne s’attacher qu’au dogme et non à la pratique qui peut en être faite.

Sans vouloir faire d’anachronisme, il nous a semblé d’après certains passages, notamment quand intervient un début de comparaison ou une corrélation avec le christianisme ou encore dans sa traduction de la f…tiŸa, l’auteur s’engage dans une démarche du type dialogue islamo-chrétien. En effet, il choisit d’insister sur ce qui rapproche et non sur ce qui sépare les deux religions. Habituellement le recours au christianisme a un but apologétique, ici il devient le lieu où un contact peut s’établir. L’auteur manifeste un véritable souci de ne pas heurter les musulmans. Notamment quand il émet quelques réserves sur la prière rituelle (l’unique réserve de tout le texte) : « On pourrait se demander si la salât, à elle seule, pourra résister aux tentations de formalisme ou de juridisme qui s’attaquent à tous les rites sociaux lorsque le temps fait son œuvre et que l’esprit ne parle plus » 684 . Ce n’est pas tant sur la prière rituelle musulmane qu’il émet des doutes, mais sur tout rituel religieux.

La première partie de l’article de d’Alverny 685 s’organise autour de quatre thèmes. cesthèmes se retrouvent chez tous les auteurs qui abordent la prière musulmane : MuŸammad, les périodes mecquoise et médinoise, la description de la prière (intérieure et extérieure), et le problème de la validité de la prière musulmane.

L’auteur de l’article aborde le fondateur de l’islam avec des a priori positifs. Il entend ne se servir que du Qur’…n qu’il ne présente pas comme la parole de MuŸammad : « Dans une de ses premières révélations, le Prophète reçoit l’ordre de “prier et de sacrifier” » 686 . La prière apparaît donc comme l’une des premières obligations faites par Dieu à MuŸammad : « Au lieu d’une religion du sacrifice, nous voyons apparaître avec l’islam une religion de la prière [...] » 687 . La dimension spirituelle de l’islam est réelle et, de facto, celle de son fondateur. L’importance de la prière dans la vie de MuŸammad, d’Alverny la rappelle en précisant qu’il consacrait ses nuits à la prière 688 . Son zèle est tel que « condescendant aux plaintes de ses voisins, Mahomet baissera un peu la voix ou le ton de la psalmodie qu’il exécute fidèlement » 689 . Même à Médine il conserve son attachement à la prière 690 . S’il opère la distinction entre périodes mecquoise et médinoise, d’Alverny n’y voit pas de divergence de fond mais des nuances comme l’instauration de la prière commune du vendredi 691 , les prescriptions pour effectuer la prière en temps de guerre 692 ou encore le changement d’orientation, qibla, de Jérusalem vers la Mecque 693 . La piété du fondateur de l’islam ne diminue pas, car il joint à la ™al…t la méditation solitaire 694 . En d’autres termes, d’Alverny donne du fondateur de l’islam une image très éloignée de celle généralement véhiculée par les missionnaires catholiques.

Sa description de la prière rituelle s’attache systématiquement à mettre en correspondance expression rituelle et disposition intérieure. Ainsi, il analyse le choix de la qibla pendant la période mecquoise comme une manière de mettre en relation attitude physique et attitude morale 695 . La prière dans ses manifestations extérieures commence par une station dans une direction sainte 696 . Il fait alors le parallèle avec le judaïsme, les premiers chrétiens et les liturgies orientales sans laisser sous entendre qu’il puisse y avoir eu de la part de l’islam imitation. Il décrit ensuite les gestes qui interrompent cette position debout : le su‰Žd et le rukŽ 697 . Le su‰Žd est la prosternation qu’il inscrit dans un héritage sémitique d’hommage à la divinité. Le rukŽ‘ est le geste de salut qui se retrouve certes dans d’autres liturgies orientales, mais qui connaît une fortune particulière dans l’islam. « À cet hommage du corps correspond la louange de l’âme. Elle s’exprime d’abord par des eulogies ou des doxologies fréquentes dont le type est la fatihât. » 698 . MuŸammad lutte contre les hypocrites qui sont présents de corps seulement 699 .

D’Alverny explique aussi le sens des purifications comme le moment qui marque la rupture entre le domaine du profane et celui du sacré. Quel sens, quelle valeur prend alors cette prière rituelle musulmane ? Elle est pour d’Alverny une véritable prière car elle réclame attention intérieure et perfection des gestes, elle est individuelle et collective : « Cette conception de la prière est vraiment grande. Elle n’est ni impétration, ni élévation mystique, ni sacrifice rédempteur. Elle est louange, hommage, offrande de la personne à son Dieu. Par là, elle sort réellement l’homme du domaine du profane et le rend capable d’être atteint par la bonté de Dieu (rahmat). » 700 . Il perçoit les limites de cette prière mais sans qu’il ne face part des insuffisances de manière explicite. Ces réserves sont partiellement annihilées par les deux autres types de prière de l’islam : la du‘…’ et le †ikr.

La du‘…’ est la prière d’invocation. D’Alverny explique le peu d’attrait qu’elle exerce sur MuŸammad : il l’a juge trop intéressée 701 . C’est pourquoi, quand ses disciples lui demandent une du‘…’ à dire dans leur prière, la f…tiŸa lui est révélée 702 . D’Alverny donne pour la traduction de la première phrase de cette prière une version qu’il reconnaît lui-même différente de celles généralement admises : « Au nom de Dieu d’amour et de pitié » 703 . Il s’en explique dans la note 1 de la page 246 : « À rapprocher la formule rahmân rahim de la révélation sinaïtique (Exode, 34/6), à étudier le sens de rahmat dans le Coran, quel que puisse être l’origine de rahmân, nous avons acquis la conviction que si Mahomet avait voulu exprimer que Dieu est amour il n’aurait pas pu le dire autrement que par ces deux mots, enveloppant les aspects actif et passif de l’amour des parents. ». Il va plus loin encore : « Si le musulman demande à Dieu d’être pour ses parents aussi paternel (et maternel, rahm) qu’ils l’ont été pour lui, c’est peut-être que Dieu est vraiment Père. » 704 . L’orientation « islamo-chrétienne » de d’Alverny semble percer dans ce passage. Il cherche de toute évidence à rapprocher les deux religions mais il n’entend pas considérer l’une inférieure à l’autre. Les similitudes dont il rend compte ne sont jamais interprétées comme un plagiat du christianisme par l’islam. Cependant, dans son désir de rapprochement il force la conception islamique de Dieu pour en donner un « esprit » chrétien que tout lecteur averti peut percevoir. Quelques mois plus tard, il reprend et développe son interprétation de raŸ€m et raŸm…n dans un autre article 705 .

Il explique les raisons des réticences de MuŸammad face à cette prière d’invocation, « Il [MuŸammad] semble défiant sur ce qui vient de l’homme. Etre avide, qui pense plus à l’objet désiré qu’à celui qu’il invoque. » 706 . Religion théo-centrée, l’islam ne souffre pas de voir Dieu amoindri et la faiblesse de l’homme rend la du‘…’ suspecte d’accorder une importance moindre à Dieu. il ne s’agit pas d’un empêchement dogmatique car dans de bonnes conditions cette prière d’invocation n’est pas rejetée.

Le troisième type de prière que l’auteur envisage est le †ikr. La description de d’Alverny en fait le moyen pour accéder aux dispositions intérieures nécessaires à la ™al…t 707 . Le †ikr apparaît comme le souvenir de la révélation, d’où la récitation du Qur’…n qui en est le signe tangible 708 . Dans sa forme verbale le mot prend le sens d’acte par lequel on se souvient et devient l’aspect dominant du †ikr ; il est bien sur présent dans la prière rituelle mais se prolonge hors de son temps 709 . La ™al…t est un †ikr rituel car elle fait prendre conscience de ce dont l’homme religieux doit se souvenir et ainsi le sauve du péché 710 . « Si pour Mahomet, le dhikr a la valeur que nous venons de constater, nous pouvons comprendre pourquoi, dans sa psychologie, la prière “par cœur” n’est pas sans importance pour assurer la véritable prière du cœur » 711 .

Pour conclure, d’Alverny rappelle l’importance de la ™al…t et le rôle secondaire de la du‘…’ 712 . L’origine de la vie de foi réside toutefois dans le †ikr car « la prière de l’Islam, d’après le Coran, avant d’être un cri d’espoir, est un souvenir qui s’exprime et s’achève en un acte de foi et en un geste d’adoration » 713 .

Le dernier document, H57/5, « La prière d’après le Coran +/– 1945 par le P. X’ », n’apporte pas de nouveauté par rapport à ce que nous avons pu trouver dans l’article de d’Alverny dans la lignée de laquelle s’inscrit ce document et que l’auteur a lu car il le cite. Le P. X.’ s’en éloigne sur certains points et reproche à d’Alverny d’avoir embelli certains passages qur’…niques. Ce document atteste d’une nouvelle orientation dans la pensée de certains pères blancs, nous supposons que le rédacteur du document est un membre de la Société des Missionnaires d’Afrique. Nous ne sommes pas en mesure de déterminer quelle fut la diffusion de ce texte, ni l’impact qu’il a eu sur les autres missionnaires.

Nous avons avec l’article de d’Alverny une rupture dans la pensée catholique sur l’islam. Ce tournant à la veille de la guerre de 1939-1945 est loin d’être représentatif des milieux missionnaires. Il s’ancre dans les milieux intellectuels qui n’ont pas forcément des contacts avec le terrain de la mission et envisagent l’islam à partir de ses textes plutôt que de ses pratiques. Une approche intellectuelle et livresque de l’islam éloignée de tout esprit polémique ou apologétique est en train de se constituer dont la revue eti est le propagateur principal. Certes, dans un autre de ses articles, d’Alverny rend compte de la piété populaire car il a conscience que la prière rituelle n’est pas tout l’islam 714 . Il ne développe longuement aucun des sujets qu’il évoque. L’auteur donne un catalogue des différentes pratiques et croyances. Il commence par la piété féminine dont l’animisme et la magie constituent, écrit-il, les bases : « Elles ont donc développé tout un courant religieux que Mahomet avait dépassé, mais n’avait pas formellement condamné » 715 . L’absence de condamnation de ces croyances par MuŸammad participe, selon d’Alverny, de son intelligence politique dont le maintien du pèlerinage de la Mecque est une autre illustration. En revanche, le fondateur de l’islam est étranger au culte qui s’est développé autour de sa personne après sa mort et à la naissance du culte des saints : « Ce respect religieux des forces occultes, l’importance donnée aux fêtes à rites sacrificiels, la place que prend le Prophète dans les prières de l’Islam indique une tendance profonde de la piété populaire, quoique toujours orthodoxe, à trouver des intermédiaires qui puissent établir avec Dieu ces contacts que les rites canonique ou mystique n’obtiennent pas toujours. » 716 L’islam populaire occupe donc une place importante et apparaît comme un des éléments vivifiant de l’islam 717 .

Il reste difficile de cerner et de cantonner l’islam populaire. Ce dernier part souvent de prescriptions dogmatiques ou recouvre des pratiques antéislamiques par une démarche musulmane. Un ensemble de pratiques s’est constitué au fil des siècles où se mêlent inextricablement dogmes et croyances populaires. Le cas de l’aumône est à ce titre révélateur d’une frontière dont les contours sont difficiles à établir. Mais elle présente l’intérêt de constituer un rite religieux à forte visibilité sociale dans la mesure où elle est en partie codifiée.

Notes
660.

R. Foca, « La prière musulmane », in Compte rendu de la 6 ème Semaine de Missiologie de Louvain, 1928, p. 167-187.

661.

A. d’Alverny, « La prière dans le Coran », eti 1er trimestre 1938, p. 233-255.

662.

Il s’agit d’un texte trouvé chez les pères blancs de Rome qui n’est ni daté ni signé, il s’intitule « La prière d’après le Coran +/- 1945 par le P. X’ », sous la cote H57/5.

663.

Il a été dans un premier temps donné sous forme de conférence lors de la 6ème semaine de missiologie de Louvain.

664.

Ibid., p. 167.

665.

Ibid.

666.

Ibid., p. 168sq.

667.

Ibid., p. 169.

668.

Ibid., p. 171.

669.

Ibid., p. 172.

670.

Ibid., p. 23, 49/47 : « et ils dirent “Croirons-nous en deux mortels comme nous dont le peuple fait nos esclaves ? ” » ; p. 23, 51/49 : « Certes, Nous avons donné l’écriture à Moïse [espérant que] peut-être ils iraient dans la bonne direction. ».

671.

R. Foca, art. cit., p. 173.

672.

Ibid., p. 174.

673.

Ibid.

674.

Ibid.

675.

Ibid., p. 175.

676.

Ibid., p. 175-178.

677.

Ibid., p. 178-182.

678.

On y apprend que « l’on dit couramment : “En Syrie on prie mais on ne jeûne pas, et en Tunisie, on jeûne mais on ne prie pas.” » (p. 181) ; au Soudan et en Afrique centrale la prière rituelle « se confond avec un exercice de gymnastique » (p. 181), etc.

679.

Ibid., p. 183.

680.

Ibid., p. 185.

681.

Ibid., p. 187.

682.

Ibid., n. 1, p. 173 et n. 1, p. 184.

683.

A. d’Alverny, art. cit.

684.

Ibid., p. 248.

685.

Ibid., p. 234-244.

686.

Ibid., p. 235.

687.

Ibid., p. 236.

688.

Ibid., p. 238.

689.

Ibid., p. 239.

690.

Ibid., p. 240-242.

691.

Ibid., p. 240sq.

692.

Ibid., p. 242.

693.

Ibid., p. 241.

694.

Ibid.

695.

A. d’Alverny, art. cit., p. 236.

696.

Ibid.

697.

Ibid., p. 239.

698.

Ibid., p. 237.

699.

Ibid., p. 241.

700.

Ibid., p. 244.

701.

Ibid., p. 246.

702.

Ibid.

703.

Ibid.

704.

Ibid., p. 247.

705.

A. d’Alverny, « Le Dieu bon est-il le Dieu de Mahomet ? Étude sur la formule “Bi-smi-llâhi-r-rahmâni-r-rahîm” », eti 3ème trimestre 1939, p. 216-241, p. 224 : « D’après l’étude des noms ‘arhâm et rahmat, comme du verbe rahima, nous pourrions déjà conclure que la notion de clémence et de miséricorde n’est pas exactement celle qui est en général exprimée par la racine RHM dans le Coran. Il s’agirait plutôt d’un amour condescendant et paternel » ; p. 227 : « Serait-ce aller trop loin que de dire : “Les sentiments paternels de Dieu nous obligent à avoir des sentiments fraternels” ? » ; p. 233 : « Dire qu’Allah, le seul Dieu, c’était “Ar-Rahmân ar-rahîm”, c’était leur exprimer en langage clair et arabe, à travers un mot mystérieux et son étymologie providentielle, que le Dieu du Prophète, qui allait devenir le leur, était le Bon Dieu, au sens le plus fort possible de cette expression. Toute la grandeur et peut-être la faiblesse de l’Islam se retrouve en l’adoption de ce nom divin. Le Prophète rejoignait et condensait toute une tradition sémitique ancienne et sanctifiée, en insistant sur le caractère paternel d’un Dieu, à la transcendance par ailleurs si élevée, il ouvrait la voie à un véritable courant religieux. Et, d’autre part, le temps n’était-il pas accompli où de nommer Dieu Ar-rahmân devenait le refus d’un autre nom, plus mystérieux mais plus tendre encore, qui seul pouvait fonder, pour l’éternité, en Dieu lui-même, ces rapports de père et de fils, que le prophète entrevit pour le salut de sa race, mais qu’il ne put pleinement nommer. » ; p. 239 : « Mais alors pourquoi traduire couramment rahmân-rahîm par clément et miséricordieux ? Pourquoi l’interpréter ainsi dans les commentaires officiels ? Nous touchons là au drame qui s’est joué socialement au cœur de l’Islam, comme il s’est joué en l’âme du Prophète, comme il peut se jouer en chacun de nous. » D’Alverny est conscient que traduire par « Dieu d’amour » ne correspond pas à la réalité musulmane, p. 240sq. : « En rejetant cette filiation spirituelle, cette nomination de Dieu, en s’en tenant au vieux nom de la Bible, alors que l’attente était terminée et les jours révolus, Mahomet brisait l’élan des aspirations religieuses qui le soulevait et refusait à ses fidèles la révélation du Nom divin qui seul pouvait expliquer, dans l’humilité du mystère, la rahmat divine, cette bonté compatissante qui distinguait le vrai Dieu des idoles. Le païen ou le juif pouvaient, avant la venue du Christ, ignorer le vrai nom de Dieu ou l’attendre sans le trahir ; mais le refuser après sa venue c’est fatalement le perdre. Trop spirituel à la fois et trop charnel, Mahomet plaçait ainsi sa religion comme un guide peut-être pour certains égarés, mais trop certainement aussi comme un obstacle pour les fervents. » La conception d’un temps linéaire est fondamentale dans la perception que le christianisme peut avoir de l’islam.

Une dernière précision nous a semblé utile : en syriaque la racine Kxr<r Ÿ m> signifie à la fois « avoir pitié » et « aimer », alors que l’arabe ne retient que la première acception, « avoir pitié ». La parenté des langues sémitiques est réelle, toutefois les différences le sont aussi ; à titre d’exemple, la racine <l Ÿ m> peut avoir le sens de « pain » en hébreux (à partir d’une racine – dérivée de l’araméen lahama, au sens de « assembler » et du syriaque lahama, « unir ; poser » – dont les principaux sens antiques sont « combattre » et « manger » et qui développe des vocables aussi différents que µj²l;lahem, « guerrier » et µj²l²lehem, « pain ») et de « viande » en arabe ().

706.

Ibid.

707.

Ibid., p. 248.

708.

Ibid., p. 249.

709.

Ibid.

710.

Ibid., p. 251.

711.

Ibid., p. 253.

712.

Ibid., p. 254.

713.

Ibid.

714.

A. d’Alverny, « La piété populaire en Islam », eti 1er trimestre 1942, p. 3-7.

715.

Ibid., p. 3.

716.

Ibid., p. 5sq.

717.

Ibid., p. 7.