b. C’est la faute à...

État et autorités

L’argument qui accuse les autorités d’être un obstacle aux conversions n’est pas dominant dans les discours missionnaires mais atteste d’une certaine réalité. Les autorités européennes sont généralement hostiles à tout prosélytisme par souci d’éviter les troubles et les émotions au sein des populations soumises. Cette pratique n’est pas établie de manière explicite mais tacite. Dans notre période nous n’avons pas trouvé de documents attestant de conflit autour de ces questions entre autorités civiles et religieuses. De même l’argument réactivé pendant la séparation des Églises et de l’État de favoriser le culte musulman au détriment du culte catholique ne fait plus fortune 1195 . Une étude systématique permettrait d’évaluer le degré de coercition exercé sur l’apostolat chrétien. Jusqu’à présent nous n’avons pas trouvé trace de l’existence de dispositions légales régissant l’apostolat auprès des musulmans. Dans quelle mesure les autorités en place ont-elles voulu limiter le prosélytisme ? Les missionnaires sont très évasifs sur les restrictions dont ils se disent l’objet. nous ne pensons pas que des mesures légales ont été prises mais que l’atmosphère générale n’est alors guère propice au prosélytisme chrétien 1196 .

La deuxième obstruction au christianisme semble provenir des chrétiens.

Notes
1195.

L’explication d’un soutien étatique au culte musulman est à rechercher dans les modalités de la conquête pour Algérie. En effet le passage des biens Ÿubus-s à la propriété de l’État a eu pour conséquence la prise en charge financière du culte musulman par la France. Par ce biais financier, l’État acquiert un droit de regard et donc de contrôle sur l’encadrement religieux. Au moment de la séparation le culte musulman n’a pas été concerné par les dispositions de la loi. L’application de la loi à l’Algérie a fait l’objet d’un mémoire de maîtrise et d’un article : O. Saaidia, La séparation de l’Église catholique et de l’État en Algérie, mémoire de maîtrise soutenu en 1993 à l’Université Lyon III s.d. C. Prudhomme ; O. Saaidia, « La Séparation de l’Église et de l’État en Algérie, 1905-1909 », Ultramarines (Revue de l’association des amis des archives d’Outre-Mer d’Aix-en-Provence [A.M.a.r.o.m.]) 16-17 (déc. 1998), p. 13-17. En résumé, il faut savoir que la loi n’a pas été appliquée dans toute sa rigueur au culte catholique en Algérie pour différentes raisons. Des indemnités de fonction ont été instituées dans un premier temps de manière temporaire puis régulièrement prolongées jusqu’à l’indépendance, date à laquelle le gouvernement algérien prend le relais pendant un certain temps. Cette question ne se pose pas au Mašriq ni en tunisie et au Maroc, dans la mesure où les waqf-s ou Ÿubus-s ne sont pas passés sous la gestion de la puissance tutélaire.

1196.

Nous avons trouvé un article qui dément l’opposition au prosélytisme missionnaire : « Une pétition fut présentée aux autorités pour obtenir : la fermeture de semblables dépôts bibliques qui sont la sources de ces troubles, la défense à ces prédicants de répandre de pareils ouvrages et la défense à tous les missionnaires de pénétrer dans la ville. dans les mosquées on se mit à prêcher et à défendre au peuple d’assister aux réunions protestantes et de lire leurs publications. Evidemment les autorités ne firent pas droit à ces réclamations et même un des prédicateurs de la mosquée fut mis en prison. ce dernier fut relâché le lendemain, mais les esprits ne sont pas encore calmés. » (R. Foca, « Missions Chrétiennes en Pays d’Islam », eti mars 1928, p. 32). Mais les événements relatés se sont passés à Alep où la France exerce son protectorat et non pas en Algérie, ensemble de départements français soumis à une législation spécifique. De plus il s’agit ici de missionnaires protestants. Cet épisode n’a pas valeur de généralité.

P. Soumille nous indique qu’en Tunisie les autorités françaises sont plus inquiètes du prosélytisme de certains protestants anglo-saxons que de celui des protestants français ou des catholiques.