a. Marchal et Alii

L es grandes lignes de l’apostolat des Pères Blancs en Afrique du Nord musulmane

Le premier document, dont nous nous proposons de faire l’étude, se trouve aux archives de la maison généralice des Missionnaires d’Afrique. Il s’agit d’un texte du père Henri Marchal, alors assistant du général de la Société, intitulé L es grandes lignes de l’apostolat des Pères Blancs en Afrique du Nord musulmane (Approuvées par S.E. Mgr Birraux, Supérieur Général de la Société, pour la préparation missionnaire des Pères Étudiants de l’ ibla de Tunis), de 62 pages dactylographiées. Il est donc destiné aux futurs missionnaires formés depuis 1926 à l’Institut des Belles Lettres Arabes de Tunis 1272 .

La datation de son texte est difficile à établir de manière précise. L’exemplaire H13/1 est daté de 1932, mais une note de la page 19 se reporte à des événements des années 1935-1938. De plus Mgr Birraux ne fut général qu’à partir de 1936. Nous pensons que le texte a été présenté pour la première fois devant les étudiants de l’ibla en 1932, puis remanié et représenté en 1938 1273 . Nous ne sommes pas en mesure de savoir si le texte a été présenté entre 1932 et 1938, ni quels sont les passages qui ont été modifiés. Le problème de la datation a son importance dans la mesure à la même période la France connaît un débat théologique autour du problème du salut des infidèles 1274 .

Des orientations diverses caractérisent la pratique des pères blancs depuis la mort du cardinal Lavigerie. C’est une des raisons qui incite le Chapitre de 1912 à rappeler les principes du fondateur : le but n’est pas de baptiser des individus mais de former une société chrétienne. Au cours de ce Chapitre a lieu l’élection de Marchal, depuis trois ans régional d’Algérie-Kabylie, comme assistant du supérieur général. Pendant 35 ans, il reste à ce poste et redéfinit les buts et les méthodes de la mission auprès des musulmans. Sa pensée devient la ligne officielle entre 1912 et 1945, mais de manière effective du début des années 1930 à la veille de la seconde guerre mondiale. En revanche ses idées n’ont pas constitué l’unique stratégie missionnaire au sein de la société : ses orientations ont fait l’objet de critiques et de contestations. Cependant sa réflexion constitue, à notre connaissance, la seule à avoir été systématisée et à avoir été enseignée aux futurs missionnaires d’Afrique. Certes, la pensée de Marchal se modifie après la seconde guerre mondiale, mais il reste fidèle à ses grandes orientations.

Le document n’est destiné qu’aux étudiants de l’ibla : l’auteur s’y exprime en toute liberté d’autant plus qu’il a le soutien du supérieur général. Ce texte constitue donc un témoignage de première importance sur la perception des Missionnaires d’Afrique et des musulmans et de l’apostolat en milieu musulman.

L’idée directrice de Marchal, en écho avec les nouveaux courants de la pensée chrétienne en Europe (cf. l’Action Catholique 1275 ), consiste à adapter l’apostolat au public à convertir. Ainsi il s’interroge sur les origines de « l’égarement » de plusieurs catégories d’infidèles : les Noirs, les incroyants rationalistes, les juifs, les schismatiques, les hérétiques et les musulmans 1276 « Pour les musulmans c’est l’affirmation que nous n’avons plus la Révélation, que nos Écritures sont falsifiées » 1277 . Il explique ensuite quelle est la méthode adaptée à chacun et s’interroge sur la plus adéquate pour les musulmans 1278 .

La démonstration de Marchal est claire :

il y a plusieurs catégories d’hommes et de femmes en dehors de l’Église catholique ;

elles sont en dehors pour des raisons différentes ;

pour les amener à l’Église il faut avoir recours à des techniques adaptées.

D’où la nécessité de concevoir un programme d’apostolat spécifique aux musulmans que le père élabore à partir des instructions du cardinal Lavigerie.

Les instructions de Lavigerie ont été rassemblées en un volume dont la première version date de 1929 1279 . Il n’y a pas de distinction entre l’apostolat auprès des musulmans et celui auprès des Noirs avant le Directoire de 1938. En outre les musulmans ne font l’objet d’aucun paragraphe spécial.

Marchal rappelle l’importance que l’archevêque d’Alger accordait à la prudence. Le contexte politique était tel que toute manifestation de prosélytisme pouvait entraîner la fermeture des établissements des pères blancs. Les autorités françaises ne voulaient provoquer aucun trouble chez les populations indigènes 1280 . D’autre part, le contexte de la IIIème République anticléricale, même si le mot que l’on prête à Gambetta 1281 s’avère exact dans bien des situations, oblige à la discrétion 1282 .

Il faut donc être prudent vis-à-vis des autorités, mais aussi vis-à-vis du fanatisme musulman. C’est pourquoi le cardinal établit plusieurs principes. Le premier concerne les vérités essentielles, qui constituent le cœur de tout l’apostolat 1283 . En milieu musulman il ne faut pas commencer par préparer les infidèles au baptême mais il faut leur prêcher les vérités essentielles. Ces dernières consistent en l’affirmation de l’existence de Dieu, Dieu rémunérateur, en l’existence d’un jugement et d’une vie après la mort. Le corollaire de ces vérités essentielles est le Décalogue, qui apparaît comme leur mise en pratique. Le deuxième principe regroupe une série de recommandations sur ce que doit être le rôle du missionnaire 1284 . Une phrase du cardinal résume bien cette mission « être tout à tous » 1285 . Il faut donc se faire accepter, « se concilier les chefs et les autorités sociales par de bons procédés » 1286 . Ce type de recommandation n’est pas sans rappeler les techniques des jésuites 1287 .

Pour se faire accepter, il faut être « homme de Dieu » 1288  : serviable, bon, « être des modèle de piété, de vertu, de justice, de bienveillance » 1289 pour susciter l’estime. À la suite de Lavigerie, les missionnaires insistent beaucoup sur cette notion. En effet, ils ne veulent pas être pris pour des médecins ou des enseignants 1290 . Dans toutes leurs actions, ils doivent montrer que c’est Dieu qui agit : « Rends grâces à Dieu : ce n’est pas moi qui t’a pansé, qui t’ai soulagé : c’est N.S. Jésus-Christ (ou la S.V. Marie) qui te l’a fait par mes mains. » 1291 C’est l’occasion de les encourager à les invoquer lors des prières 1292 . De fait, un parallèle peut facilement être fait par les musulmans entre les missionnaires et les marabouts. Une des grandes satisfactions des pères est d’être considérés comme des « marabouts chrétiens » 1293  : c’est la preuve qu’ils se sont intégrés au milieu musulman et que les indigènes les reconnaissent avec des critères qui leur sont propres. Le cardinal insiste sur la justice et la bienveillance car l’objectif est de prouver que les missionnaires sont différents et des colons, et des autorités. Ce souci ira croissant pendant l’entre-deux-guerres 1294 . L’idée générale est celle du modèle de la mission par rayonnement. En étant parfaits les missionnaires rayonneront et attireront à eux bien des âmes. Cela permettra de les instruire en leur apprenant « à prier eux-mêmes, à faire des œuvres, à se garder des transgressions contre les commandements du Décalogue » 1295 . Pour les missionnaires la prière musulmane et les bonnes œuvres musulmanes sont inutiles car tout acte cultuel ne peut être valable qu’animé par l’esprit chrétien qui lui confère alors une dimension religieuse. A fortiori, l’islam ne peut que vider de sa substance spirituelle toute démarche religieuse : il ne conduit qu’à des actions mécaniques.

Il nous faut noter l’insistance sur le Décalogue qui est l’outil indispensable à l’assimilation des vérités essentielles et donc, indirectement, au salut 1296 . il nous est apparu que cette référence au Décalogue pourrait aussi être motivée par la familiarité supposée des musulmans avec ce texte dont les grandes lignes ont été révélées à un des prophètes reconnus par le Qur’…n 1297 .

Parallèlement à cette action religieuse, les missionnaires doivent assurer des activités séculières qui, tout comme les œuvres spirituelles, contribuent à dé-fanatiser le milieu et c’est là le but premier de l’apostolat en milieu musulman. Parmi les œuvres, l’école demeure centrale : « il faut préparer les nouvelles générations par l’ouverture de nombreuses écoles » 1298 . en agissant sur la jeunesse les missionnaires pensent désamorcer l’hostilité séculaire envers le christianisme, hostilité générée, selon eux, par l’islam mais aussi par l’ignorance.

Pour seconder les pères dans toutes ces tâches des auxiliaires seront nécessaires, mais quand cela sera-t-il possible ? La réponse n’est pas donnée. Le cardinal voulait peut-être faire un parallèle avec l’Afrique Noire, sans ignorer la difficulté d’un tel projet dans l’immédiat. Il apparaît que l’idéal serait d’avoir des catéchistes. D’ailleurs, Mgr Lavigerie renoue avec le catéchuménat des Églises primitives : c’est en soi une très grande nouveauté. Un véritable parcours initiatique est proposé d’une durée de six ans : deux ans comme postulant et quatre ans comme catéchumène. De plus, l’enseignement de vérités propres au christianisme ne doit être réservé qu’aux catéchumènes et avec des restrictions : « sans leur parler encore du culte eucharistique et des sacrements autres que le baptême. On ne les en instruira que lorsque on les croira en toute prudence susceptibles à la préparation prochaine du baptême » 1299 . Dans l’esprit du cardinal, d’après la présentation qu’en fait Marchal, l’enseignement chrétien ne doit intervenir que très tardivement et selon certaines restrictions. Pourquoi tant de réticences ? L’explication de Marchal est celle de la prudence pour les motifs invoqués précédemment mais aussi parce que le cardinal redoutait les apostasies. D’ailleurs, cette dernière étape ne serait envisageable pour Lavigerie, d’après Marchal, que dans un temps reculé, une centaine d’années est même avancée 1300 . il convient donc de consacrer l’essentiel de l’apostolat aux autres principes.

Pour Marchal la présentation des instructions de Mgr Lavigerie a pour objectif de donner à sa méthode l’aval posthume du fondateur et, ainsi, de l’inscrire dans la ligne « orthodoxe » des pères blancs. Il s’agit bien d’une lecture de l’apostolat et non pas de la lecture de tous les missionnaires d’Afrique. Marchal se sait contesté et cherche tous les moyens pour donner une assise institutionnelle à sa position. sa présentation des instructions du fondateur 1301 , dans la première partie de son exposé, lui permet d’exposer sa méthode et de la faire apparaître comme conforme à l’esprit et à la lettre du fondateur.

Sa méthode lui apparaît la bonne car, d’une part, elle permet de préserver la présence des pères blancs en Afrique du Nord, en cela elle répond aux conseils de prudence du cardinal ; d’autre part, elle permet d’atteindre « le but essentiel qui est de sauver les âmes » car « Que faut-il à une âme pour faire son salut ? Un seul acte final de surnaturel amour de Dieu, de surnaturel repentir. Que faut-il pour la disposer à cet acte ?

1/ “credere oportet accedentem ad Deum quis est et inquirentibus se remunerator sit” (Hébr. XI, 6., cité dans Instr. p. 130)

2/ être prévenu d’une grâce intérieure qui la meut et qui la porte à se tourner vers Dieu dans cette sincère disposition de foi, d’amour humble et confiant. cette grâce, Dieu l’offre avec insistance aux pécheurs : l’Écriture nous en est garante en tant d’endroits : “Hæc dicit Dominus : quaerite me et vivetis” (Amos, V, 4). “Bonus est Dominus animæ qæurenti illum” (Thren III, 25). “Non dereliquisti quærentes te, Domine” (Ps. IX, 11) etc.

La seule condition de réceptivité et d’efficacité qui soit posée et exigée c’est la prière “quærentes te”. Ce point est capital [...] 1302 . »

Que faut-il retenir ? Tout d’abord que le but principal de la mission est de sauver des âmes et non pas d’administrer le baptême. Il apparaît de manière implicite que le sacrement du baptême n’est pas indispensable pour garantir le salut. Cette position n’est pas en désaccord avec la théologie catholique. Toutefois, si la position de Marchal n’est pas audacieuse en droit, elle l’est dans la pratique. si l’universalité du salut est admise pour tous les hommes, dans les faits pour un non-chrétien, qui a entendu l’annonce de l’Évangile, le salut demeure très difficile. Mais Marchal, en homme de terrain, en pasteur, ne soulève pas cette dimension quantitative. implicitement et indirectement, il estime que les musulmans, grâce aux vérités essentielles et au respect du Décalogue, seront sauvés. Il adopte une attitude plus ouverte, ce que la théologie thomiste, alors à l’honneur, ne le permet. Cependant, l’Église n’a jamais défini de manière positive les conditions requises pour obtenir le salut, elle n’a procédé que par la négative en indiquant ce qu’il ne fallait pas faire pour ne pas être exclu du salut. notre période est caractérisée par la reprise du débat autour du problème du salut des infidèles 1303 .

Marchal ne se situe pas sur le plan théologique mais dans une logique purement pastorale. Tout comme Lavigerie, il croit en la possibilité du salut sans le sacrement du baptême. selon nous, c’est une des explications des exigences du cardinal en matière de baptême. Nous pensons que Lavigerie devait être convaincu de cette possibilité de salut, en avoir eu l’intuition théologique. Sans cette intime conviction, ses orientations pastorales sont difficilement compréhensibles. Le père Marchal est lui aussi convaincu du bien fondé de cette voie de salut. mais il lui faut la rendre orthodoxe.

Pour ce faire, il déclare qu’elle est conforme aux prescriptions divines, car elle est « de toutes la plus respectueuse de l’action de la grâce, de son processus divin dans l’ordre des conversions [...]. C’est Dieu en définitive qui est le maître et de ses dons et du degré d’efficacité auquel il entend les conduire » 1304 . C’est donc Dieu, et non les hommes, qui convertit. Il peut convertir dans les derniers instants de la vie terrestre 1305 , il ne faut donc rien hâter, mais préparer car, les âmes, même si les individus restent musulmans, conduites à Dieu seront admises au paradis 1306 .

Marchal a une conception de l’action missionnaire que nous pouvons qualifier de moderne et qui, par certains aspects, s’inscrit dans la lignée d’un Charles de Foucauld. L’annonce de l’Évangile et l’administration du baptême, qui relève traditionnellement des attributions du missionnaire, ne constituent pas pour lui le but de l’action missionnaire 1307 . Or, si Marchal peut justifier cette pastorale spécifique, il ne peut trouver dans la théologie de son temps le fondement, la structure, les outils adéquats. C’est pourquoi il fait fréquemment appel à des références de l’Ancien et du Nouveau Testament 1308 . il se réfère aux prophètes (cf. Amos, Jérémie), aux Apôtres et à Jésus qui « s’en sont tenus aux vérités essentielles » 1309 . Nous percevons tout au long du texte la fragilité de sa construction théologique, qui, finalement, consiste en une série de citations et de références extraites de la Bible. Il adapte les citations à ce qu’il entend prouver par sa pastorale. Marchal n’est pas un théologien, il est un pasteur qui veut sauver des âmes.

Pour résumer sa pensée, nous pouvons dire que pour obtenir le salut il faut avoir assimilé les vérités essentielles c’est-à-dire : observer le Décalogue, avoir une disposition d’esprit chrétienne (même si l’on n’en a pas conscience), pratiquer des œuvres dans cet esprit, aimer Dieu. Comment entend-il mettre en application ces principes ?

Il reprend dans leurs grandes lignes les idées de Lavigerie. Le premier stade est identique : s’insérer par tous les moyens dans la société 1310 . Le deuxième est celui des vérités essentielles qu’il convient de diffuser dans la masse pour faire l’éducation du sentiment religieux 1311 . Il donne pour cela des conseils qui en fait sont une série d’interdictions. En effet il recommande de ne pas prendre à partie la fausseté de l’islam. Il renonce à l’apologétique classique de l’approche de l’islam telle que la pratique Focà ou Giacobetti (même s’ils s’en défendent) ou encore, à l’extérieur de la Société mais avec un rayonnement très important, Lammens s.j. 1312 . Marchal souhaite donc rompre avec l’approche dont Y. Moubarak a retracé une histoire 1313 . Il voudrait aussi mettre un terme au dénigrement de son prophète, dont Lammens a dressé un des tableaux les plus négatifs 1314 . Il recommande de ne pas les inciter à se faire chrétiens et de ne pas leur parler des mystères chrétiens, qui ne doivent être abordés qu’à l’approche du baptême.

D’autre part, l’enseignement des vérités essentielles doit se faire sans aucun emprunt à l’islam 1315  : Marchal n’est pas un précurseur de la théorie des pierres d’attente. Ces vérités sont entièrement chrétiennes mais il serait dangereux de montrer qu’elles sont aussi contenues dans l’islam. Elles pourraient être comprises dans un sens musulman ce qui aurait pour conséquence de leur faire perdre toute vertu surnaturelle et salvatrice 1316 . Cette directive est encore rappelée lors du Directoire de 1938 1317 .

C’est au deuxième stade que se trouve l’Afrique du Nord et, pour Marchal, cette période risque de se prolonger. En effet le fondement de leur travail consiste à faire changer le milieu par la prédication des vérités essentielles. Elles sont importantes pour préparer les chrétientés futures et parce qu’elles permettent la conversion du cœur 1318 . Après cette conversion, le musulman cesse d’être un véritable musulman, car il n’est plus sous l’emprise de « l’esprit musulman » 1319 , mais il ne le sait pas.

Marchal distingue deux étapes, la conversion à Dieu, puis la conversion au christianisme 1320 . Il insiste particulièrement sur la première, d’abord parce qu’elle est l’idée la moins familière à une époque où le mot de conversion signifie entrer dans l’Église catholique ; puis parce qu’il pense en premier lieu à sauver les âmes, donc à déterminer le genre de conversion suffisante et nécessaire au salut individuel ; enfin parce qu’il estime que c’est la seule actuellement possible en milieu musulman. La seconde conversion, elle, est donnée par la grâce. Il donne comme explication théologique que cette conversion du cœur a été prêchée par les prophètes, par les Apôtres, par Jésus 1321 . Par cette succession de références, le père place sa méthode dans la continuité de l’histoire sainte : « Notre condition est celle des Prophètes dont la mission était de préparer les hommes par la conversion du cœur [...] » à l’Incarnation 1322 . Marchal nous livre une lecture chrétienne de l’Ancien Testament : tout prépare, tout annonce, tout conduit à l’Incarnation. De manière implicite, nous pouvons comprendre le message qu’il essaie de faire passer à son auditoire. cette mise en perspective rappelle qu’il a fallu des générations de prophètes pour préparer l’Incarnation et quand cette dernière a eu lieu tous les juifs n’ont pas suivi, alors a fortiori en quelques années, sans être des prophètes, comment peut-on espérer que les musulmans puissent y adhérer sans difficulté ? Cette comparaison avec les prophètes permet aussi de rehausser le rôle des missionnaires. Il essaie de tempérer le zèle apostolique de ses futurs jeunes confrères en leur présentant une raison historique et religieuse pour justifier la nécessaire patience. Dans le même temps, leur action est loin d’être vaine car ils remplissent leur rôle : cette conversion à Dieu est présentée comme salvatrice pour les âmes.

Toutefois le père évoque l’éventualité de conversions « classiques ». Il faut être certain des engagements car de lourds sacrifices les attendent. Dans la situation actuelle, seul leur isolement est envisageable. d’une certaine façon, il semble envisager la reprise du modèle des villages chrétiens. Or, Marchal n’y voit que des inconvénients 1323 car les pères doivent assurer la subsistance des convertis. Ces derniers ne peuvent envisager de rester parmi leurs congénères. Marchal pense qu’ils ne peuvent vivre que dans la société des chrétiens de la colonie 1324 .

Mais il ne s’interroge pas sur l’accueil que leur réserveraient les Européens. la ségrégation caractéristique des sociétés coloniales est telle qu’une intégration est difficilement envisageable. D’autre part il ne parle à aucun moment du statut juridique des convertis. Il n’envisage, pas plus qu’aucun autre missionnaire à notre connaissance, les conséquences juridiques si le nombre de convertis atteint une forte proportion. Les conséquences légales des conversions semblent complètement échapper aux missionnaires. Comment expliquer ce silence ? estiment-ils que le problème ne se posera pas avant longtemps ? Veulent-ils ménager le gouvernement et les Européens ? Refusent-ils de participer au débat sur le statut des indigènes qui passionne l’Algérie de l’entre-deux-guerres 1325  ?

Marchal voit dans les convertis un poids pour la mission 1326 (opinion qui n’est pas partagée par tous les Missionnaires d’Afrique 1327 ), dans la mesure où ils peuvent contribuer à la desservir en attirant sur eux l’hostilité ou le mépris des musulmans 1328 . Le risque est de délaisser la masse pour ne se concentrer que sur le petit noyau de chrétiens 1329 . Cette tendance est courante : tous les missionnaires d’Orient ne se préoccupent que des chrétiens et ce depuis fort longtemps 1330 .

pour Marchal, le travail principal concerne la masse car « Les conversions se généraliseront quand la masse aura été assez longuement et patiemment travaillée, réellement travaillée » 1331 . Comme il se trouve toujours des conversions individuelles, il faut pouvoir en faire bon usage. Pour que les convertis participent à l’œuvre de la mission, il faut les éduquer, en faire des modèles attractifs 1332 aux structures morale et religieuse inspirées de celles des missionnaires, tout en demeurant des laïques. À terme, l’évangélisation doit passer par les indigènes. Ces derniers étant mieux préparés au milieu qu’ils comprennent et où ils sont acceptés. Ce thème est conforme à une des grandes orientations fondatrices de la Propagande souvent explicitée et actualisée par les papes 1333 .

Il convient en priorité de mener à terme la préparation du milieu. Une fois réalisée, les conditions d’apostolat seront comme ailleurs. Pour Marchal la conversion individuelle, dans son acception sociale et non théologique, est à éviter. Les chiffres vont dans le sens de ses souhaits car le nombre de convertis est très faible 1334 .

Marchal après avoir défini sa méthode, dénonce les autres techniques missionnaires mises en œuvres au Proche-Orient dans les écoles et dans les collèges catholiques 1335 . Il critique les cours de catéchisme obligatoires pour les juifs et les musulmans 1336 . De manière explicite il reconnaît que le but des écoles chrétiennes est apostolique, c’est une méthode de conversion. Beaucoup d’écoles et de collèges sont tenus par des jésuites 1337 et leurs techniques ne semblent pas avoir l’approbation des pères blancs 1338 . il convient de relativiser le pourcentage de juifs et de musulmans dans de telles institutions avant les années 1950, même s’il est vrai que l’enseignement catholique est très apprécié et prisé par l’élite musulmane 1339 . Il convient aussi de rappeler que les conditions ne sont pas les mêmes qu’en Afrique du Nord où il n’y a pas de communautés chrétiennes autochtones avant l’arrivée des congrégations missionnaires. Marchal vise dans cette critique un de ses plus ardents contradicteurs : le père Focà, qui d’ailleurs ne manque pas d’exprimer son sentiment négatif sur les dispositions de cette méthode 1340 .

À méthode spécifique, missionnaire adapté... Ce missionnaire « façon Marchal » sera fin psychologue 1341 , ce qui lui aura été possible grâce à une bonne connaissance de la langue 1342 et de l’islam. N’oublions pas que le père s’adresse aux étudiants de l’ibla 1343 . Le personnel missionnaire apparaît mal adapté aux conditions de l’apostolat auprès des musulmans, peu motivé et peu stabilisé. Cependant les généralités ne doivent pas faire oublier la présence de pères très érudits, parfaits arabisants ou kabylisants et animés par un zèle authentique.

Le texte de Marchal apparaît bien comme la ligne officielle de l’apostolat des Missionnaires d’Afrique. En 1938 est publié Les Grandes Lignes de l’Apostolat des Pères Blancs en Afrique du Nord (directives du Cardinal Lavigerie), tiré à 250 exemplaires de soixante et une pages, en polycopie à la demande de Mgr Birraux, pour être mis à la disposition des pères étudiants de l’ibla et des missionnaires qui le désireraient. Le document ne doit pas être diffusé à l’extérieur de la société. à quelques différences infimes au niveau de le forme, il s’agit du même texte que celui des archives (H13/1). Comment fut-il accueilli par les pères blancs ?

Certains contestèrent ces méthodes. Ce fut le cas, de Mgr Nouet 1344 , des pères Focà, Giacobetti 1345 et Diharce 1346 pour ceux que nous avons rencontrés. Il n’est pas à exclure qu’il y en ait d’autres. D’après le diaire de l’ibla de janvier 1939, les étudiants font un accueil plutôt favorable aux méthodes que vient de leur présenter Marchal en personne. En revanche, à la même époque, nous ne trouvons pas de mention de cet opuscule dans le diaire d’Aïn Sefra. D’autres, comme le père Miliniault 1347 ou encore le père Landru 1348 , partagent les vues de Marchal 1349 . Ils occupent dans les années 1930 des postes à responsabilités au sein de la Société 1350 .

La méthode de Marchal retient l’attention, mais suscite auprès des autorités romaines de la Propagande et de la Sacrée Congrégation pour l’Église Orientale des réactions apparemment contradictoires 1351 .

Dans quelle mesure cette méthode fut-elle appliquée et quels furent les résultats obtenus ? Comment quantifier l’apostolat ? Le début de la seconde guerre mondiale porte un coup d’arrêt à la méthode et l’après-guerre n’est guère propice à l’apostolat missionnaire. Les missionnaires doivent redéfinir les modalités de leur présence en Afrique du Nord en voie de décolonisation.

Avec le développement des missions, le problème du salut des indigènes s’est posé avec une nouvelle acuité, sans pour autant donner lieu à une mise au point de la part de l’institution. Plusieurs lectures et donc plusieurs démarches restent envisageables. Deux grandes tendances peuvent être repérées, avec de nombreuses sous-variantes, face au problème du salut. Pour certains il ne peut y avoir de salut en dehors d’une appartenance à l’Église visible. Pour d’autres, l’économie du salut est plus large. Après la première guerre mondiale, des théologiens comme Capéran, Maréchal et d’autres, rénovent la question. C’est à cette tendance que le père Marchal se rattache, tout en conservant sa spécificité. En effet nous avons essayé de montrer que c’est en pasteur, en homme de terrain, plus qu’en théologien qu’il élabore sa théologie et affirme ses positions.

Notes
1272.

Ce nom n’est donné à la maison de formation de Tunis qu’à partir de 1932.

1273.

Demeerseman dans son ouvrage Sagesse et apostolat. Le Père Henri Marchal des Pères Blancs, pro manuscripto, Alger, Imprimerie des Pères Blancs Maison Carrée, 1960, aux pages 1 et 2, confirme cette hypothèse. Cependant le diaire de l’ibla pour l’année 1932 n’indique rien à ce sujet, alors que celui de janvier 1939 fait mention des conseils donnés par le père Marchal lors de son passage en 1938.

Dans un texte de Focà, « Considérations sur les Grandes lignes de l’Apostolat des Pères Blancs en Afrique du Nord Musulmane », AGMAfr Z 32 A, à la première page est indiqué : « Cette “méthode” a été proposée dès 1933 à l’approbation de l’Archevêque d’Alger qui l’a rendue applicable à son diocèse, heureux, semble-t-il, de voir exprimer en une formule définitive inspirée par le Cardinal, une méthode d’apostolat en pays musulman. »

1274.

Voir L. CapÉran,Le problème du salut des infidèles, Toulouse, Grand Séminaire, 1934 (1ère éd. 1912), p. 511-572.

1275.

Cf. G. CHOLVY, Y.-M. HILAIRE, Histoire religieuse de la France contemporaine (1930-1998), III, Toulouse, Privat, 1988, p. 29-36.

1276.

H13/1,p. 40.

1277.

Ibid. ; pour l’islam, la Révélation a été donnée par Dieu aux juifs et aux chrétiens à travers la Torah et l’Évangile (c’est sous la forme du singulier que les musulmans parlent des évangiles), mais ces derniers n’ont pas respecté sa parole et ont falsifié le texte divin. C’est pourquoi, Dieu s’est à nouveau exprimé par le Qur’…n, qui lui est resté fidèle. Ainsi, pour les musulmans, la venue de MuŸammad est annoncée dans l’Évangile, mais les chrétiens ont modifié les propos de Jésus.

1278.

Ibid., p. 41sq.

1279.

Instructions du Cardinal Lavigerie à ses missionnaires, Alger, Imprimerie des Missionnaires d’Afrique, 1907. En 1929 les instructions de 1907 font l’objet d’une réédition à laquelle tous les écrits du cardinal, imprimés ou manuscrits, relatifs à la vie apostolique, sont ajoutés pour constituer un Directoire à l’usage des missionnaires. L’ensemble est constitué par 526 pages, qui sont rééditées en 1939.

1280.

Il faut dire que la « pacification » de l’Algérie n’était pas encore totalement terminée. Des insurrections ont encore lieu et ce même au début du XXème siècle (cf. Margueritte en 1901, C.-R. AGERON, op.cit., 67sq.).

1281.

« L’anticléricalisme n’est pas un article d’exportation ».

1282.

Les jésuites ont été expulsés d’Algérie suite aux lois sur les congrégations en 1881.

1283.

AGMAfr., H13/1, p. 3 pour la première mention, puis tout au long du texte.

1284.

Ibid., p. 4sq. ; mais dans le texte il est noté comme 4ème principe.

1285.

Instructions du Cardinal Lavigerie, p. 45 : « [...] après vous être fait tout à tous, selon le langage de l’Apôtre : Omnibus omnia factus sum... ».

1286.

H13/1, 5.

1287.

Des liens historiques lient les pères blancs aux jésuites. Le premier noviciat de la société fut confié à un jésuite, le père Vincent (cf. J. CUOQ, op. cit.,p. 22). Pour Cuoq, « Les Jésuites étaient partisans d’un apostolat direct et au grand jour » (p. 30). D’où leur départ en 1881 suite aux lois anti-congrégationnistes et aux pressions de l’administration.

1288.

AGMAfr., H13/1, p. 5, p. 42.

1289.

Ibid., p. 5.

1290.

Ibid., p. 17.

1291.

Ibid.

1292.

Ibid., p. 52.

1293.

« Veni at vitam habeant », En Terre d’Islam novembre 1927 (par un missionnaire en terre d’islam), p. 6-16 ; p. 8 : « N’arrive-t-il pas souvent à un missionnaire de se voire baiser respectueusement la main par des vieillards fanatiques après une conversation dans laquelle il aura su leur parler de Dieu avec conviction : il leur a parlé de Dieu, à leurs yeux il est devenu homme de Dieu et ils lui donnent la marque de respect réservée par eux à leurs seuls marabouts. » ; eti janvier 1928 « Autour de la discussion » par un missionnaire en terre d’islam, p. 24-29 ; p. 28 : « J’ouïs même une femme dire à une autre : “Tu sais c’est un marabout roumi [...]” ».

1294.

Les pères veulent se démarquer de l’action des autorités mêmes religieuses. Ainsi, certains ont déploré la tenue à Carthage du Congrès Eucharistique ; J. CUOQ, op. cit., p. 154 : « Déjà en 1930, lors du Congrès Eucharistique, qui devait se dérouler à Carthage, l’ibla avait fait savoir à l’Archevêque Mgr Lemaître que cette manifestation chrétienne heurterait la sensibilité religieuse des Tunisiens ». Nous n’avons trouvé trace nulle part de ce texte dans les archives de Rome, ni dans les dossiers sur le congrès qui se trouvent actuellement à l’évêché de Tunis et que P. Soumille a consulté.

De nombreuses prises de position à partir de 1945 traduisent une nette démarcation d’avec la politique coloniale (cf. J. CUOQ, op. cit., p. 154sq. pour la Tunisie et 167-172 pour l’Algérie). Le parallèle peut être fait avec l’Afrique Noire où la perspective d’une éventuelle indépendance n’est plus exclue ; cf. M. MERLE (éd.), Les Églises chrétiennes et la décolonisation, Paris, Presse de la f.n.s.p., 1967 ; C.-R. A GERON, M. M ICHEL, L’ère des décolonisations, Paris, Karthala, 1995, p. 137-204.

1295.

AGMAfr., H13/1, p. 5.

1296.

Nous le verrons plus loin.

1297.

Le Qur’…n comporte 502 versets concernant le Prophète MŽs… (Moïse), regroupés dans quarante-huit passages qui se trouvent dans trente-six sourates et dix-huit qui évoquent la Torah (cf. M.F. ‘A BD AL-B‚Qƒ, A l-mu’‰am al-mufahras li-alf…‡ al-Qur’…n al-kar€m, Le Caire, D…r al-Ÿad€ミ, 1414/1994, p. 854a-855b ; Y. MOUBARAK, « Moïse dans le Coran », Cahiers Sioniens 1954, p. 373-391).

1298.

AGMAfr., H13/1, p. 5sq.

1299.

Ibid., p. 4.

1300.

Ibid., p. 6.

1301.

AGMAfr., H13/1,p. 1-13.

1302.

Ibid., p. 6sq.

1303.

Nous pouvons faire un parallèle avec le problème du salut des infidèles dans l’islam. Les positions varient dans le temps et selon les auteurs. Toutefois, la position de MuŸammad ‘Abduhet de Raš€d Ri£… est de considérer que l’infidèle de bonne foi pourra être sauvé s’il suit ce qu’il croit être la vérité (cf. R. CASPAR, Cours de théologie musulmane, II [Le credo], Rome, pisai, 1999, p. 170).

1304.

AGMAfr., H13/1,p. 7sq.

1305.

Marchal donne à la page 8 l’exemple du bon-larron.

1306.

Ibid., p. 9.

1307.

Cf. C. Prudhomme, « La conversion des païens est-elle le but de la mission Ad gentes ? », in N.-J. Chaline, J.-D. Durand (éd.), La conversion au XIXe et XXe siècles, Cahiers scientifiques de l’Université d’Artois, 1996, p. 71-84.

1308.

AGMAfr., H13/1, p. 7, p. 10 (Jean), p. 22 (Matthieu), p. 31 (Marc), p. 32 (Luc), p. 33 (Ezéchiel), p. 36 (Luc), etc.

1309.

Ibid., p. 29.

1310.

Ibid., p. 25.

1311.

Ibid.

1312.

Cf. H. LAMMENS, L’Islam, croyances et institutions, Beyrouth, Imprimerie Catholique, 1926.

1313.

Cf. Y. MOUBARAK, op. cit.

1314.

Cf. H. LAMMENS, op. cit. ; IDEM, « Mahomet fut-il sincère ? », Recherches de s cience Religieuse 1911, p. 25-53 ; IDEM, « Caractéristiques de Mahomet d’après le Coran », Recherches de s cience Religieuse 1930 (octobre), t. XX, p. 416-438. Y. MOUBARAK, op. cit., l’auteur fait une analyse de l’approche de Lammens sur Mahomet, (p. 181-184) et traite de l’œuvre du jésuite belge aux pages 177-205.

AJV, RPO 22, dossier Lammens, la notice nécrologique d’Henri Lammens (1862-1937) est rédigée par A. Demoment : après des études secondaires à l’école apostolique de Turnhout, à l’âge de 16 ans il fait part de son désir de se consacrer aux missions d’Orient dans le Compagnie de Jésus et part pour l’Orient où il se met à l’étude de l’arabe. En 1893, il est ordonné prêtre et prend la direction du journal al-Bachir. 1897 est l’année où il prononce ses vœux définitifs de religieux, « Puis, désormais, à part deux ans au collège de la Sainte-Famille au Caire (1908-1909), trois ans à Rome, professeur d’arabe et d’histoire orientale à l’Institut biblique (1911-1914), quatre ans de nouveau en Égypte au temps de la guerre (1915-1919), il restera jusqu’à sa mort affecté à la Faculté orientale de l’Université Saint-Joseph où il sera professeur, écrivain fécond, historien de l’Islam, de la Syrie et du Liban. ». Le nombre de ses publication est élevé : 185 en langue française et 127 en langue arabe. Ses articles paraissent dans des revues comme Études, En Terre d’Islam, Recherches de s cience r eligieuse... et il participe à l’Encyclopédie de l’Islam : il est l’un des grands orientalistes de la période. Il a écrit une Vie de Mahomet qui reste inédite. Pour Demoment, il s’agissait de ne pas heurter certaines susceptibilités, Moubarak émet une opinion différente : « [...] faut-il s’en tenir à la version courante, qui voudrait que l’autorité romaine s’y soit opposée, pour ne pas compliquer les relations islamo-chrétiennes au Proche-Orient ? » (Y. Moubarak, op. cit., p. 199). Demoment énonce aussi l’hypothèse que lammens serait revenu sur la fin de sa vie sur ses positions de « jeunesse », thèse à laquelle Moubarak ne semble pas souscrire car il pense que le jésuite n’a pas changé sa vision de l’islam et de son prophète, p. 199 et 201. Moubarak résume l’œuvre de Lammens : « avant 1914, Lammens œuvre comme missionnaire pour qui le problème musulman ne peut être résolu que par un sanatio a radice. C’est alors l’œuvre de science apologétique et de sape systématique. Mais, après la première guerre mondiale, la France arrive au Levant, et c’est la chance inespérée d’une restauration de civilisation chrétienne en Syrie. [...] La science serait donc ici soustraite au mobile d’une apologétique visant à la conversion des musulmans. Elle servirait plus tôt une politique visant à leur intégration dans une sphère de civilisation chrétienne détachée du monde islamique, ou tout au moins marginalisée par rapport à lui. » (p. 200 sq.).

1315.

AGMAfr., H13/1, p. 35.

1316.

Ibid.

1317.

Disponible aux archives de la maison généralice.

1318.

AGMAfr., H13/1, p. 33.

1319.

Cette expression revient plusieurs fois dans la présentation de Marchal mais ne recouvre pas une définition précise. Ce concept nous est apparu comme très fluctuant.

1320.

Ibid., p. 29 ; P. CHARLES, « Théologie de la conversion, Théorie catholique et théorie protestante », in Compte-rendu de la 8 ème Semaine de missiologie de Louvain, Louvain, Aucam Museum Lessianum, 1930, p. 28-36 ; p. 35 : « Dès le début le mot conversion avait pour les catholiques deux sens qu’il importe de distinguer sous peine de tomber dans l’hérésie la conversion à la foi marquée par l’entrée dans l’Église au baptême, et la conversion à de meilleures mœurs ».

1321.

Ibid., p. 33.

1322.

Ibid., p. 34.

1323.

Il n’est d’ailleurs pas le seul, nous avons trouvé dans les archives à la cote Dos 276/II/3 une critique très sévère de ces villages (extrait d’une lettre du P. Lemière au P. Morillot du 27.02.1937 où Saint-Cyprien et Sainte-Monique sont qualifiés « d’œuvre complètement ratée »). Il existe aussi en Tunisie un village de chrétiens arabes, en fait des orphelins venus d’Algérie, autour de la ferme de Thibar.

1324.

AGMAfr., H13/1, p. 15.

1325.

Cf. C.-R. AGERON, op. cit., p. 389-402, 449-466.

1326.

AGMAfr., H13/1, p. 26.

1327.

AGMAfr, Z32 A, fonds Focà.

1328.

AGMAfr., H13/1, p. 26.

1329.

Ibid.

1330.

Cf. B. HEYBERGER, Les chrétiens du Proche-Orient au temps de la Réforme Catholique, (Syrie, Liban, Palestine, XVII-XVIII ème siècles), Rome, École Française de Rome, 1994 (pour la mission p. 225-239, p. 273-377, pour l’approche des musulmans par les missionnaires p. 319-338).

1331.

AGMAfr., H13/1, p. 26.

1332.

Ibid., p. 26sq.

1333.

Conformément aux instructions de la Propagande de 1659 actualisées par Maximum illud de Benoît XV (1919) et Rerum Ecclesi æ de Pie XI (1926).

1334.

Voir le graphique sur le nombre annuel de conversion entre 1900 et 1950, à la p. 262.

1335.

AGMAfr., H13/1, p. 27.

1336.

Ibid. ;il n’est pas contre l’enseignement de la morale chrétienne mais il la souhaite adaptée au public non chrétien ; « Au sujet d’un manuel de morale pour l’Afrique du Nord », P. Marchal 1926, 9 p., AGMAfr, L82/1.

1337.

Nous pensons notamment à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth et au Collège de la Sainte Famille du Caire.

1338.

AGMAfr, L57/3. ACSF, Missio islamica 2, lettre de Perbal à de Bonneville du 31.08.1938 : « De Maison-Carrée, j’ai reçu quelques mises au point et surtout une liasse de documents. J’ai trouvé cette affirmation qu’au Proche-Orient, surtout dans les maisons d’éducation, on suit une méthode d’évangélisation qui est qualifiée d’imprudente, parce qu’elle expose notre dogme, livré sans ménagement au complet, à une rebuffade absolue, parce que les mystères de la Trinité et de l’Incarnation heurtent trop vivement le fanatisme musulman. »

1339.

Voir première partie pour les chiffres sur les élèves musulmans dans les écoles.

1340.

AGMAfr, Z 32 A. D’autres trouvent opportun de s’en inspirer, notamment Perbal de la congrégation des Oblats de Marie Immaculée, AGMAfr, Dos. 276/II/2. Sa position est plus complexe car dans une lettre adressée à Christophe de Bonneville, ACSF, Missio islamica 2, lettre du 31.08.1938, il est davantage critique : « La Propagande a certainement approuvé la méthode Lavigerie, mais pour les quatre ans de postulat et de Catéchuménat : est-il permis de conclure que la Théologie approuverait un étirement aussi long des quatre années, qui deviennent ici des siècles ? et surtout cette sorte de refus de donner aux âmes un enseignement complet de la doctrine chrétienne jusqu’à la mort ? »

1341.

AGMAfr., H13/1, p. 58.

1342.

Ibid., p. 59 ; c’est aussi une des premières recommandations du cardinal.

1343.

Un rappel historique de la fondation de l’ibla (l’institut et la revue) est disponible dans l’ouvrage de Cuoq précédemment cité, p. 112-120, p. 150-154, ainsi que du Centre d’études berbères, p. 127-140.

1344.

AGMAfr., Dos. 276/II/2 lettre du 14 avril 1939 de Mgr Nouet suite à sa rencontre avec le cardinal Tisserant.

1345.

Ils considèrent détenir le véritable message du cardinal et en faire une lecture conforme à celle de leur fondateur.

1346.

AGMAfr., Dos. 183/1/a, À la page 16 du document, il se déclare hostile aux vérités essentielles et à la méthode d’apostolat préconisée. Sa lecture des directives de Lavigerie est différente de celle de Marchal car pour lui le cardinal a fait admettre au baptême en 1888 à Rome les premiers chrétiens kabyles, et a autorisé à prêcher l’évangile. La conclusion de Diharce est sans appel : le cardinal n’aurait pas approuvé le texte des vérités essentielles (p. 20).

Toujours dans ce même document, Diharce affirme que les néophytes mènent une vie chrétienne intense avec une moyenne de 55 communions par an et par personne (p. 20).

Pierre Diharce (1866-1959), Notices nécrologiques 1957-1960, p. 15-17. Il entre au noviciat de Maison-Carrée et reçoit l’habit de la société en 1888 (p. 15). À l’exception de deux années passées à Sainte-Anne de Jérusalem entre 1892 et 1894, il séjourne pour l’essentiel de sa vie dans les oasis du Sahara et en Kabylie (p. 15). « En 1927 il demanda l’autorisation de sortir de la Société afin de se consacrer exclusivement à une œuvre spéciale, ayant pour but la formation de prêtres kabyles. Mais l’expérience se solda par un échec, et il se laissa convaincre alors de rentrer dans la Société. » (p. 15).

1347.

Notices nécrologiques VI 1937-1945, p. 148-150, Benjamin Miliniault (1875-1939) fait toutes ses études en France et intègre le noviciat en en 1898. En 1899 il est sur le terrain en Kabylie (p. 148). il est nommé en 1909 supérieur de Bou Noh et retrouve son poste après la guerre mais il reste peu de temps en Algérie car il est appelé en 1924 pour aller fonder une école apostolique en France qu’il dirige pendant 4 ans (p. 149). Il est de retour en Kabylie en 1928 (p. 149). En 1934 il devient supérieur de la mission de Kabylie, charge qu’il conserve jusqu’en 1938 (p. 149). Il est l’un des principaux animateurs de la conférence de Bou Noh de 1937.

1348.

Petit Echo numéro 592 novembre 1968, p. 491-498, René Landru (1901-1967) est ordonné prêtre en 1927, et reçoit l’habit des pères blancs la même année (p. 491). Sa première affectation est la Kabylie en 1928 (p. 492). En 1937, il participe comme supérieur du poste de Ouaghzen, à la conférence de Bou Noh (p. 492). « En août 1938, il est nommé supérieur de l’ensemble des postes de ce secteur montagnard découpé dans l’Est du diocèse d’Alger et l’Ouest du diocèse de Constantine. » (p. 493). 1947 est l’année de sa nomination comme préfet apostolique à Gao au Mali (p. 494 ; pour le reste de sa carrière se reporter au Petit écho, art. cit., p. 495-498). Il a beaucoup contribué à la mise en place du Centre d’études berbères.

1349.

AGMAfr., Dos. 183/2 lettre du P. Miliniault au P. Marchal du 7 novembre 1935 : « En quelques endroits où j’ai cru sentir quelques résistances j’ai imposé (sic) cette méthode comme ligne de conduite donnée par le chef de mission. »

AGMAfr., Dos. 183/2 lettre du Père Miliniault du 25 octobre 1934 au Père Voillard, lettre du 7 novembre 1935 au Père Marchal ; AGMAfr., Dos. 279/VI lettre du Père Landru du 1er octobre 1938 à ses confrères ; AGMAfr., Dos. 279/II lettre du Père Landru du 4 janvier 1939 au Père Constantin.

1350.

Miliniault est supérieur de la mission de Kabylie entre 1934 et 1938, (Notices nécrologiques VI (1937-1945), p. 149). Landru est supérieur des missions de Kabylie à partir de 1938.

1351.

Voir les positions attribuées à Tisserant par Nouet et les réflexions de Perbal.