Seize ans plus tard, fidèle à ses premières orientations, d’Alverny précise ses positions de 1930 1515 sur l’apostolat social : « création ou organisation de groupement humains rayonnant socialement une atmosphère vraiment chrétienne : exploitations agricoles avec cadres chrétiens orientaux ou occidentaux, coopératives ou syndicats ouvriers de doctrine et de cadres chrétiens bien formés. Ceci exige naturellement la formation et l’utilisation de compétences professionnelles laïques (financières, industrielles, agricoles, commerciales). les réaliser là où c’est possible, c-a-d. là où il y a le plus grand besoin, le moins d’obstacles, et le plus de rayonnement ceci, pour les débuts. » 1516 il souhaite concrétiser la voie intellectuelle par la création de centres d’études où se côtoieront élites chrétiennes et musulmanes 1517 . Il préconise leur installation en priorité à Tunis, où se trouve l’ibla, au Caire, où élites chrétienne et musulmane sont présentes, à Damas, au Maroc et aux Indes 1518 . Le Proche-Orient concentre toujours toutes les initiatives. Sa ligne spirituelle est en conformité avec celle de Foucauld malgré des divergences. il souhaite des installations sur la route des villes saintes de l’islam, les z…wiyya-s devant servir de modèle. Sa recherche du contact et de la rencontre sur le terrain religieux est évidente tout comme son désir de se départir de l’occident. Il souhaite un monachisme dont les structures externes soient proches de ce qui se pratique dans le monde islamique. C’est une des rares fois où les confréries musulmanes servent de modèles même s’il n’est pas question de s’inspirer de leur spiritualité. Cette référence aux z…wiyya-s n’est pas très précise car il n’explique pas en quoi elles peuvent servir de modèles. Ce désir de se fondre dans la masse, d’adopter les aspects extérieurs fait penser aux habitudes des pères blancs qui s’habillent comme les populations de l’Afrique du Nord et qui ont adopté leur existence matérielle.
D’Alverny n’entend pas négliger les œuvres traditionnelles comme l’école et les soins médicaux. Pour dynamiser l’ensemble il veut mettre en place un organe de liaison sous la forme d’un bulletin mensuel 1519 . Il assigne à Beyrouth une place centrale qu’il justifie par l’importante présence chrétienne et par les structures dont les jésuites disposent dans cette ville.
Il est curieux qu’il ne fasse à aucun moment référence à l’initiative de Bonneville alors que ce dernier fait partie des destinataires de ce projet. Projet dont il espère la concrétisation : « Tout en étant bien persuadé qu’il faudra juger la réalisation d’après ses résultats et que sans doute l’expérience obligera à bien des modifications, j’aimerais pourtant sentir l’appui de mes supérieurs dans les débuts pour les points suivants : 1. Approbation de l’ensemble avec des réserves sur les point qui paraissent les plus délicats, 2. Titre et responsabilités de Préfet du Juvénat arabe, 3. Avoir pour l’arabe comme Père Oriental quelqu’un que je connaisse et avec lequel il soit facile de collaborer. Je suggère fortement s’il n’est pas pris par un emploi plus important, le P. Adem mon co-novice dont j’apprécie la valeur et la compétence ; il pourrait du reste assurer une certaine collaboration à l’i.l.o.. Sinon garder le P. Akl encore une année, quoi qu’il soit un peu faible en français, 4. ne pas avoir plus de 6 juvénistes occidentaux , 5. ne pas avoir de pères d’autres provinces, 6. Avoir l’auto, au moins en espérance proche, et un accord avec Beyrouth pour la Bibliothèque. » 1520
La position de d’Alverny est très offensive alors que les conditions politiques sont différentes. Il n’y a aucune mention du contexte de la période qui est celui des indépendances nationales tant au Liban qu’en Syrie. Il reste sur une ligne apostolique héritée des années trente alors que d’autres innovent des nouvelles orientations après la guerre.
AJV, RPO 113 b B2 eti II, note de d’Alverny du 1.11.1930.
AJV, RPO 40 dos. 10, d’Alverny « opinion sur l’action chrétienne e.t.i. », mars 1946, 3 pages dactylographiées.
Ibid.
Ibid.
Ibid., il a pour ambition de reprendre la publication de Machreq. Il entend faire jouer à l’édition un rôle important car il propose l’édition du Machreq sous trois formes : un bulletin mensuel, en arabe, d’informations sur les événements du Proche-Orient et du monde arabe, une revue trimestrielle en arabe de culture générale qui porterait sur ce qui se fait en Occident, mais aussi en Orient avec des études scientifiques précises sur les faits de société, et une collection de livres pour éditer des ouvrages scientifiques œuvres des maîtres de l’Institut de Langues Orientales de Beyrouth.
AJV, RPO 40 dos. 10, d’Alverny « opinion sur l’action chrétienne d’e.t.i. », mars 1946.