c. Préserver la communauté

La protection de l’islam et des musulmans, qui incombe traditionnellement à al-Azhar, ne se manifeste pas uniquement dans la dénonciation des agissements des missionnaires. La population sait qu’elle peut y avoir recours pour toute question relative au quotidien des musulmans. Il nous est apparu intéressant de traiter d’un cas de société où chrétiens et musulmans sont confrontés et où la grande université, sollicitée par ses coreligionnaires, est appelée à donner son avis. Le problème concerne l’adoption d’un enfant par un chrétien 1668 . Le nourrisson a été déposé devant la porte du chrétien avec une étiquette indiquant son nom MuŸammad ¯um‘a. Le chrétien est allé au poste de police en indiquant son désir d’adopter l’enfant. Ce dernier n’ayant été réclamé par personne, le chrétien l’a adopté, fait baptiser et l’a considéré comme son fils. Les questions adressées à l’université sont les suivantes :

« 1. Est-ce que cette adoption par un chrétien est correcte surtout que l’homme savait le nom de l’enfant décidé selon la religion islamique ? 2. Est-ce que cet homme avait le droit de changer le nom de l’enfant et de l’éloigner de l’islam ? 3. Peut-on dans ce cas demander l’intervention du tribunal ? 4. Est-ce que l’enfant adopté a le droit de demander son retour à l’islam et reprendre son premier nom ? » 1669

Nous ne disposons malheureusement pas de la réponse apportée par la commission des fatw…-s. Cependant, le débat n’est pas nouveau car en 1944, le ministère des Affaires sociales, par une circulaire, a informé que tout enfant né de père et de mère inconnus doit être considéré comme musulman. Or, les docteurs qui ont traité de la présomption de religion des enfants trouvés distinguent quatre cas :

l’enfant est recueilli par un musulman dans un lieu musulman : il est musulman ;

l’enfant est recueilli par un †imm€ dans un lieu musulman : les docteurs ne sont pas d’accord, pour certains il est chrétien pour d’autre il est musulman ;

l’enfant est recueilli par un musulman dans un lieu non-musulman, les opinions sont divisées comme précédemment, même si l’on considère généralement que cela est dans l’intérêt de l’enfant d’être musulman ;

l’enfant est recueilli par un †imm€ dans un lieu non musulman : l’enfant n’est pas musulman.

Pour contester cette directive ministérielle, les chrétiens ont mis en avant le respect de la šar€‘a, précédemment citée, pour ces cas d’adoption 1670 . On le voit en 1949, le problème n’est toujours pas résolu. les musulmans font appel à al-Azhar alors que cette dernière n’a aucun pouvoir législatif. Le sujet est révélateur des tensions qui existent entre les deux communautés.

Notes
1668.

Cf. S. Baヘdadƒ Mu—Ammƒ, « L’adoption d’un enfant musulman par un chrétien », Ma‰allat al-Azhar 40, 1949, p. 63.

1669.

Ibid.

1670.

« La religion des enfants abandonnés », Le Rayon d’Égypte, 6.02.1944, p. 1, 4.