Chapitre II : Une perspective académique du christianisme

Le livre du šay¢ AbŽ Zahra, MuŸ…£ar…t f€ l-na™r…niyya 1757 , regroupe un ensemble de conférences données dans le cadre d’un cours sur l’histoire des religions ; il s’agit du versant consacré au christianisme. dans les années 1940, cette université des sciences religieuses dispense des cours sur les autres religions, comme c’est le cas dans le monde chrétien.

AbŽ Zahra, šay¢ d’al-Azhar, est « instructor in the ‘Islamic Shari’ah’ in the College of Law and in ‘Religions and Sects’ in the Specialization Section in the College of Religious Principles of al-Azhar » 1758 . Après ce poste de professeur à al-Azhar, il a enseigné à la Faculté de Droit de l’Université du Caire, dont il est devenu le doyen. Il est l’une des grandes personnalités du monde religieux égyptien. À ce titre, les médias (radio, presse, télévision) n’hésitent pas à faire appel à lui sur des questions religieuses 1759 . Il est donc l’un des …lim-s de la prestigieuse Université d’al-Azhar, gardienne de l’orthodoxie sunnite.

La lecture de la table des matières met en évidence la structure d’une compilation de cours et non d’un livre écrit d’un seul tenant, car il y a de nombreuses répétitions 1760 . Seul le thème général unit entre eux les différents chapitres. Le livre laisse une impression de travail décousu, mais cela permet, dans le même temps, d’avoir une idée plus proche de la réalité des cours dispensés.

En effet, parmi les premiers destinataires du livre se trouvent les étudiants d’al-Azhar qui ont choisi cet enseignement optionnel. D’après Adams, ces étudiants sont destinés aux fonctions de prédication, d’enseignement, de missions... 1761 . Ils sont, en d’autres termes, les futures têtes pensantes du monde musulman. Les rôles qui leurs sont dévolus sont centraux car ils auront une incidence directe sur des milliers d’autres personnes. Leur influence sera d’autant plus forte qu’ils sont les produits d’une institution qui se veut la gardienne de l’orthodoxie musulmane. Le savoir qui leur est transmis est, à terme, celui qui se diffusera dans le reste de la société.

Ils ne sont pas les seuls à qui l’ouvrage est destiné. Toute personne à la recherche d’un avis musulman autorisé sur le christianisme peut le trouver dans les écrits du šay¢ AbŽ zahra. Les fidèles musulmans sont les premiers concernés. Toutefois, des chrétiens en quête de ce que peuvent penser leurs compatriotes s’y réfèrent, nous le verrons en conclusion. Le livre retient aussi l’attention des occidentaux comme l’attestent les articles de J. Jomier et de C.C. Adams. Ce dernier écrit en 1945, alors que le livre a été publié en 1942. Son témoignage est celui d’un contemporain et son analyse traduit les préoccupations du moment. Grâce à Adams, nous avons le recensement des réactions suite à la publication du livre. En revanche, l’article de Jomier de 1962, intervient à l’occasion d’une des rééditions du texte, dans une conjoncture marquée, du côté catholique, par la préparation du dialogue inter-religieux. sa motivation et la lecture qu’il en donne sont à analyser dans une perspective différente.

À notre connaissance, il n’existe pas d’autres cours sur le christianisme dans l’entre-deux-guerres qui aient été publiés, mais cela ne signifie pas que d’autres enseignement n’aient pas été dispensés 1762 .

Ce cours sur le christianisme s’organise autour de deux grands thèmes : l’histoire du christianisme et la religion chrétienne.

Notes
1757.

M. Ab• Zahra, MuŸ…£ar…t f€ l-na™r…niyya, Le Caire, chez l’auteur, 1942. Il ne figure pas dans le A‘l…m de Zirikl€ (¼ayral-Dƒnal-Ziriklƒ, Al-a‘l…m. Q…mŽs tar…‰im, Beyrouth, D…r al-‘ilm li-l-mal…y€n, 1976).

1758.

C.C. Adams, « Comparative religion in the Azhar University », The Moslem World 35, 1945, p. 111.

1759.

Cf. J. Jomier, « Réflexions à propos d’un ouvrage musulman sur le christianisme », Parole et Mission octobre 1962, p. 553, n. 1.

1760.

Il est ainsi question des hérésies chrétiennes des premiers siècles quand il évoque les conciles (p. 118-145), quand il traite des sectes chrétiennes (p. 145-150) et quand aborde les « sectes de l’époque de la trinité » (p. 151-157).

1761.

C.C. Adams, art. cit., p. 111.

1762.

Nous avons interrogé à ce propos M. Borrmans et A. Mérad, qui pensent qu’aucun autre cours n’a été donné sur le christianisme dans la période étudiée.