b. Une lecture scientifique des textes sacrés du christianisme ?

L’exposé de la méthode

Il expose les éléments qui, à ses yeux, font d’un livre une œuvre religieuse de Dieu 1801  :

il ne doit y avoir aucun doute sur le prophète qui a ramené le livre sacré. Il doit faire des miracles en rapport avec sa communauté ;

le livre sacré doit être clair, précis, sans contradiction et sans lacune ;

le prophète doit montrer à sa communauté qu’il est réellement le messager de Dieu et le prouver par des miracles ;

le livre doit être l’œuvre absolue du prophète à qui il est destiné, de façon que les descendants l’apprennent de leurs ascendants sans le nier génération après génération.

Nous pouvons sans peine reconnaître dans cette description le schéma de fonctionnement pour le texte qur’…nique. Le miracle de MuŸammad est le Qur’…n. Ce miracle est en rapport avec sa communauté car l’humanité a atteint l’âge de maturité. Dans cette période il ne faut point rivaliser avec les magiciens comme du temps de Moïse, ou encore avec la science médicale comme du temps de Jésus 1802 , mais avec les poètes arabes réputés pour leur éloquence. Il est précisé dans le Qur’…n que les contradicteurs ont été dans l’impossibilité de l’imiter, en tout ou en partie (2, 22-24 ; 10, 38 ; 27, 88...). Les théologiens musulmans placent l’inimitabilité du Qur’…n dans la perfection de sa forme littéraire et/ou dans la sublimité de son contenu, les avis sont partagés, sans pour autant s’exclure.

L’un des critères de la sacralité d’un livre est d’être l’œuvre du prophète et de se transmettre de génération en génération. C’est ainsi que les musulmans se représentent leur livre sacré : « Quant à l’irréfutabilité de la source, elle ne donne lieu à aucun doute puisque le Coran dans sa totalité nous est parvenu tel que Dieu l’a révélé, par succession continue, génération après génération » 1803 . Selon la tradition musulmane majoritaire, MuŸammad n’a servi que d’intermédiaire sans influencer aucunement le texte 1804 . La tradition rapporte, en effet, que le prophète ne savait ni lire ni écrire, mais elle est discutée : « Cette notion de Mohammed “analphabète” provient d’une interprétation très discutable du sens de umm€ (7,157). Umm€, dans le Coran, est constamment opposé à ahl al-kit…b. Si on donne à kit…b le sens d’écriture, umm€ devient “celui qui ne sait pas écrire”. Mais le sens coranique de kit…b et surtout de ahl al-kit…b est l’Ecriture révélée, les “Gens de l’Ecriture” juifs et chrétiens, et umm€ a le sens de “sans- Écriture”, le go’im des juifs, le “gentil” de S. Paul, qui comme S. Paul est envoyé à ceux qui n’avaient pas d’Écriture révélée dans leur langue, les Arabes. » d’après R. Caspar 1805 . La position de Mérad est similaire : « On s’en tiendra ici au seul exemple définissant Muhammad comme Prophète ummî (7 : 157-158), terme souvent pris au sens de “ne sachant ni lire ni écrire”, mais qui semble plutôt qualifier un état de non-connaissance des Écritures. Tel est le credo islamique. » 1806 Toutefois la tradition historiographique musulmane, mais aussi la veine populaire, gardent l’explication de celui qui ne sait ni lire, ni écrire. L’objectif est de renforcer la sacralité du texte qur’…nique et de faire de MuŸammad un simple médium.

Pour le professeur, les livres sacrés sont à la base de la religion, s’ils ne répondent pas aux conditions précédentes ils engendrent une inquiétude génératrice de doute et de manque de confiance ; la conséquence est la disparition de la religion et son évolution vers une secte 1807 .

Notes
1801.

Ibid., p. 75.

1802.

Ce type de miracle est éphémère car il ne s’inscrit pas dans l’éternité à la différence du Qur’…n, pensent les musulmans.

1803.

M. CHALTÛT, op. cit., p. 79.

1804.

Dans un premier temps, le Qur’…n a été mémorisé par ses compagnons dont certains se spécialisèrent dans cette tache. Il s’agit donc d’une transmission qui pour l’essentiel se fait par l’oralité (de manière ponctuelle ils ont eu recours à des supports de fortune comme des omoplates de chameau ou encore des tiges de palmier). cependant ces premiers compagnons sont amenés à disparaître et très tôt des différences de lecture se font jour. C’est ce qui conduit AbŽ Bakr à faire rédiger une version officielle, mais qui ne comporte ni signe diacritique ni vocalisation, ce qui laisse encore la possibilité de plusieurs lectures. Il faut attendre le troisième calife, ‘Uミm…n (644-655), pour que la version d’AbŽ Bakr soit l’unique à être retenue et les autres toutes détruites. Mais ces autres recueils restent dans les mémoires quant aux lectures possibles. En 700, les points diacritiques et les voyelles sont inventés pour fixer définitivement le texte tant dans sa graphie que dans sa prononciation. À partir de cette date, la transmission se fait alors de génération en génération, c’est la pratique de l’isn…d. Depuis, le principe de l’authenticité d’un texte, en islam, passe par la critique externe. Il faut repérer les transmetteurs et vérifier si la chaîne de transmission est valable. La critique interne du document n’intéresse pas, ou secondairement.

1805.

R. Caspar, Théologie musulmane, op. cit., p. 105.

1806.

A. Merad, L’exégèse coranique, op. cit., p. 119, n. 102.

1807.

Cf. M. Ab•Zahra, op. cit., p. 76.