II.1011La transposition informatique

Pour Balacheff (1994b), la création d’un environnement d’apprentissage conduit à une ou plusieurs nouvelles23 transformations des ‘’objets d’enseignement’ (p. 364) qui sont ‘’dues à des contraintes matérielles et logicielles des supports informatiques de réalisation qui affectent le savoir’’ (Artigue, 1995, p. 19). Balacheff (1994b) identifie les modifications de ces objets d’enseignement au niveau des trois ’univers’ composant le dispositif informatique : l’univers interne (qui correspond au composant électronique et d’une manière opérationnelle au langage de programmation), l’interface et l’univers externe du sujet humain interagissant avec le système. Dans le cadre de notre recherche, seules les transformations relevant de l’interface et de l’utilisateur nous concernent. Comme le précise Balacheff (1994b, p. 367) l’interface est ‘’le lieu de ce qui est souvent désigné comme la réification des connaissances : visualisation et manipulation directe d’entités abstraites donnant à voir des comportements évocateurs de leurs propriétés ; les phénomènes à l’interface, ’offerts’ à la perception donneraient ainsi une référence concrète aux concepts en jeu’’ et d’autre part c’est dans l’univers externe que l’utilisateur interagissant avec l’interface va donner un sens au savoir. De ce point de vue, deux principaux problèmes émergent :

  1. Au niveau de la visualisation des objets d’enseignement (ou caractéristiques fonctionnelles et sémiotiques de l’interface (Artigue, 1995, p. 17))
    L’univers interne et l’interface combinent des effets générateurs et des phénomènes non intrinsèques aux entités représentées. De plus, la représentation à l’interface est dépendante du ‘pavage fini de pixels qui contraint la qualité perceptive des dessins’ (Balacheff, 1994, p. 368), ce qui peut conduire à des conséquences sur l’apprentissage.

  2. Au niveau de la manipulation directe
    La manipulation directe introduit une dimension ’perceptivo-gestuelle’ qui est vue comme la communication entre un sujet et l’interface. Cependant, Balacheff (1994b, p. 369) considère que l’un des problèmes relatifs à l’interface est qu’elle n’est pas ’sous son (le sujet24 ‘) contrôle théorique, et elle peut dans ce cas devenir une référence relativement à laquelle la connaissance est construite’.’ L’auteur différencie les actions qu’un sujet peut mener au niveau de l’interface et la compréhension du sujet relatif à la représentation qu’il crée et/ou qu’il peut observer. En fait, l’auteur soulève les problèmes relatifs aux représentations présentées au niveau de l’interface qui peuvent conduire à l’apprentissage de connaissances non pertinentes du point de vue de l’objet d’enseignement si le sujet n’est pas conduit à prendre conscience de l’écart entre ce qui est représenté, l’objet réel, et la théorie en jeu.
    Au travers de la description de ces deux problèmes, Balacheff pose le problème de la validité des connaissances représentées à l’interface d’un ordinateur pour un apprenant par rapport au savoir de référence et celui de la nature des apprentissages qui peuvent en résulter. Dans la dernière partie de notre travail (voir II.3), nous illustrerons par un exemple la transformation du savoir lors de la mise en place des simulations.

Notes
23.

Nouvelles car Balacheff reprend l’idée que le savoir à enseigner (ou objet d’enseignement) est le fruit d’une première transformation appelée transposition didactique (voir Chevallard, 1986).

24.

C’est nous qui rajoutons.