I011. Y-a-t-il des relations entre les niveaux de savoir des contenus des tâches et ceux effectivement mis en oeuvre par les élèves?

L’objet de cette question est de répondre à l’un de nos objectifs de recherche qui est d’identifier les connaissances mobilisées par les élèves et la manière dont ils les font fonctionner compte tenu des caractéristiques des tâches.

La méthodologie d’analyse (chapitre 6) amène, suite à la catégorisation des connaissances verbalisées des élèves selon les niveaux de savoir50, à comparer l’activité effective des élèves à celle attendue. Cette comparaison rend alors possible de découvrir les écarts entre ce qui a été prévu et ce qui est réalisé (Crozier et Friedberg, 1977).

Notre hypothèse de structuration des contenus selon les niveaux de savoir en jeu dans la tâche suppose que les niveaux de savoir présents dans la page-écran, ainsi que ceux relatifs au but de la question sont censés favoriser leur mise en oeuvre et leur mise en relation. Cette hypothèse est liée à celle qui considère que la construction, par l’élève, des concepts de physique relève de la mise en oeuvre de différents niveaux de savoir et de leurs relations, les mises en relations constituant l’une des difficultés des élèves.

En référence à ces deux hypothèses, nous étudions les points communs entre l’activité effective des élèves et celle prévue et les écarts :

  • Les points communs : l’activité des élèves correspond à l’analyse a priori
    Pour avoir un point de vue général à propos de l’influence de la structuration des contenus des tâches selon les niveaux de savoir, nous déterminons à la fois le nombre de tâches durant lesquelles les dyades mobilisent explicitement au moins une connaissance correspondant à un niveau de savoir de la page-écran et le nombre de tâches donnant lieu aux relations attendues (Tableau 79 et Tableau 80). Ce résultat (quantitatif) donne une première réponse à nos hypothèses de conception et d’apprentissage. Pour affiner ce résultat, nous allons étudier comment les élèves construisent du sens, en fonction des caractéristiques des tâches dans les deux cas suivants (I.1.1 et I.1.49) :
    • les tâches qui donnent lieu à la mise en oeuvre des niveaux de savoir attendus mais non présents dans la page-écran. Cette analyse rend compte de l’accommodation des systèmes explicatifs des élèves selon les contenus des tâches (voir l’accommodation des structures cognitives des élèves Chapitre 2).

    • les tâches qui donnent lieu aux relations attendues mais dont les connaissances mobilisées lors de la construction de ces relations ne correspondent pas aux connaissances attendues, c’est-à-dire, ne sont pas appropriées du point de vue du savoir en jeu. Cette analyse donne l’occasion d’apprécier l’évolution des connaissances mises en oeuvre par les élèves au cours de la réalisation des différentes tâches.

  • Les écarts : l’activité des élèves ne correspond pas à l’analyse a priori
    La comparaison entre l’activité effective des élèves et celle prévue conduit à découvrir principalement deux types d’écarts qui présentent les spécificités suivantes :
    • certaines tâches amènent ni à la mise en oeuvre de niveaux de savoir, ni aux relations attendues. Ce premier écart à l’hypothèse liée à la structuration des contenus des tâches selon niveaux de savoir nous amènera à caractériser ces tâches et à donner des éléments d’explications relatifs au fonctionnement des élèves.

    • diverses tâches donnent lieu à la mise en oeuvre de niveaux de savoir et de relations non attendus. Cette découverte est intéressante car elle indique que les élèves sélectionnent des éléments constitutifs ou non de la tâche (onglet aide, matériel, simulation, ...) en cours et construisent du sens, même s’il n’est pas attendu.

Les deux tableaux suivants présentent le nombre de tâches associées aux points communs et aux écarts décrits ci-dessus. Cette estimation est réalisée sur les 79 tâches pour les quatre dyades (D16, D12, D20, D8).

Tableau 79 : Détermination selon le TP et la dyade (D) du nombre de tâches durant lesquelles les connaissances mobilisées explicitement correspondent ou non aux niveaux de savoir de la page-écran
Points communs avec l’analyse a priori Ecarts avec l’analyse a priori
Nombre de tâches durant lesquelles les dyades (D) mobilisent explicitement au moins une connaissance qui correspond à un niveau de savoir de la page-écran Nombre de tâches durant lesquelles les dyades (D) ne mobilisent pas explicitement de connaissance qui correspond à un niveau de savoir de la page-écran Nombre de tâches durant lesquelles les dyades (D) mobilisent explicitement des connaissances qui ne correspondent pas aux niveaux de savoir de la page-écran
N° dyade D16 D12 D20 D8 Moyenne D16 D12 D20 D8 Moyenne D16 D12 D20 D8
TP0 4/5 2/3 4/5 4/5 78% 1/5 1/3 1/5 1/5 22% 0 0 0 0
TP1 8/8 7/8 7/8 7/8 91% 0 1/8 1/8 1/8 9% 3 3 3 5
TP2 10/17 14/17 11/13 11/17 70% 7/17 3/17 6/13 6/17 30% 3 6 2 3
TP3 10/14 11/14 9/14 11/14 73% 4/14 3/14 5/14 3/14 27% 1 1 1 2
TP4 22/25 21/23 23/25 22/25 90% 3/25 2/23 2/25 3/25 10% 1 1 0 0

La dyade 12 n’a réalisé que 3 tâches sur les 5 lors du TP0 et 23 tâches sur les 25 lors du TP4. La dyade 20 a réalisé que 13 tâches sur les 14 lors du TP2.

Tableau 80 : Description des relations mises en oeuvre explicitement par les quatre dyades selon l’analyse a priori
Points communs avec l’analyse a priori Ecarts avec l’analyse a priori
Nombre de tâches donnant lieu aux relations attendues Nombre de tâches ne donnant lieu à aucune relation Nombre de tâches donnant lieu à des relations non attendues
N° dyade D16 D12 D20 D8 Moyenne D16 D12 D20 D8 Moyenne D16 D12 D20 D8
TP0 4/4 2/2 4/4 4/4 100% 0 0 0 0 0 0 0 0
TP1 5/6 5/6 5/6 3/6 75% 1/6 1/6 1/6 3/6 25% 4 4 2 3
TP2 5/7 7/7 3/4 6/7 84% 2/7 0 1/4 1/7 16% 0 2 0 0
TP3 4/7 3/7 4/7 2/7 46% 3/7 4/7 3/7 5/7 54% 3 1 1 1
TP4 11/17 10/15 8/17 8/17 56% 6/17 5/15 9/17 9/17 44% 5 3 4 1

Les résultats donnés dans ces deux tableaux confortent nettement la première partie de l’hypothèse 2 (la conception de l’hypermédia) : les niveaux de savoir contenus dans la page-écran ainsi que ceux relatifs au but de la question sont censés favoriser la mise en oeuvre des niveaux attendus. En effet, nous observons à partir du Tableau 79 que les élèves mobilisent pour au moins 80% des tâches des connaissances qui correspondent à des niveaux de savoir de la tâche proposée. Ensuite, nous notons que la seconde partie de l’hypothèse est vérifiée uniquement pour les TP0, TP1, TP2 : les niveaux de savoir contenus dans la page-écran ainsi que ceux relatifs au but de la question sont censés favoriser leurs mises en relation. En effet, lors du TP3, même si les dyades mettent en oeuvre au moins l’un des niveaux contenus dans la page-écran, nous constatons que le nombre de tâches donnant lieu aux relations attendues est particulièrement faible et homogène pour les quatre dyades. L’une des explications tient compte de l’analyse globale à partir de laquelle nous avions identifié une relation entre la manière dont le modèle est introduit durant le TP et l’activité des élèves. Lors des trois premiers TP, le modèle que les élèves sont censés réinvestir durant la séance est introduit au cours d’une tâche qui précède celle qui conduit à son utilisation ; lors du TP3, le modèle est présenté suite à une première tâche de découverte (du modèle) et aucune des tâches qui suivent ne demande explicitement son réinvestissement. Enfin, lors du TP4, le savoir en jeu est connu des élèves puisque principalement introduit lors du TP1, il est alors possible que les élèves mettent en oeuvre le modèle en jeu sans passer par l’articulation des niveaux de savoir attendus. Cela expliquerait la valeur moyenne obtenue.

Nous allons maintenant étudier en détail les points communs et les écarts entre l’activité effective des élèves et celle prévue.

Notes
50.

Nous rappelons que ces niveaux de savoir sont les descripteurs à la fois de l’activité de modélisation des élèves et des contenus présentés dans chacune des pages-écrans de l’hypermédia.