L’apport du cadre théorique dans la conception de l’hypermédia

Nous avons élaboré et organisé le contenu de l’hypermédia à partir des hypothèses d’apprentissage relatives aux trois axes théoriques. Les deux premiers, l’activité de modélisation et les systèmes sémiotiques, apportent des méthodes pour organiser les contenus des tâches et élaborer des scénarios adaptés aux contraintes ergonomiques, matérielles et logicielles. Quant au dernier axe, la prise en compte de la théorie des situations rend possible l’aménagement d’un milieu favorable à la résolution de problème et à la construction de connaissances par les élèves. Nous rappelons succinctement les hypothèses d’apprentissage relatives à ces trois axes théoriques tout en décrivant leur intérêt respectif lors de la conception de l’hypermédia.

L’activité de modélisation consiste à réaliser des allers-retours entre des informations relevant des mondes de la théorie-modèle et des objets et des événements. L’hypothèse d’apprentissage associée à cette activité réside dans le fait que le sens d’un concept se fait en partie dans la réalisation de ces relations. L’hypothèse sur laquelle repose l’organisation des contenus pose que la présence de niveaux de savoir dans le contenu de présentation de la tâche ainsi que dans le but de la question favorise leurs mises en oeuvre et leurs mises en relation (l’activité de modélisation). Lors de la construction de tâches, cette hypothèse conduit le concepteur à remplir deux conditions : (1) distinguer les éléments d’ordre théorique et les éléments relatifs aux objets et aux événements ; (2) vérifier la cohérence entre les niveaux de savoir du contenu proposé dans la présentation de la tâche en fonction de ses objectifs et des niveaux attendus, c’est-à-dire ceux que les élèves devraient mettre oeuvre et/ou en relation.

Ces deux conditions ont permis de déterminer les informations que les élèves sont censés sélectionner et de construire des tâches qui donnent lieu à leur réinvestissement : la sélection par les élèves des informations attendues étant l’un des enjeux pour qu’ils parviennent à réaliser l’activité de modélisation attendue.

Pour favoriser la sélection des informations attendues et leur objectivation (prise de conscience du concept ou des objets et des événements en jeu), nous avons élaboré différentes représentations sémiotiques d’un même concept ou plus généralement d’une même information. L’utilisation de l’outil informatique a conduit à considérer un nouveau système sémiotique, la représentation dynamique, relatif à la création de simulations. L’élaboration des représentations sémiotiques repose principalement sur une hypothèse d’apprentissage de laquelle découle une hypothèse de conception. Cette hypothèse d’apprentissage pose que les relations entre les diverses représentations de chacune des informations favorisent la ’compréhension’ des concepts en jeu. Nous avons élargi ce point de vue en considérant que l’activité sémiotique peut étayer l’activité de modélisation des élèves. Nous avons alors fait l’hypothèse que la conception de diverses représentations pour un même concept peut aider les élèves à acquérir du sens. Nous avons donc élaboré différentes représentations sémiotiques d’un même concept que nous avons placé, dans la mesure du possible, dans des fenêtres différentes d’une même page-écran. Cette disposition a pour but d’amener les élèves à réaliser un traitement sur chacune des représentations et/ou de les mettre en relation.

Le dernier axe théorique, la théorie des situations, fournit les éléments théoriques, la dévolution, l’institutionnalisation, le milieu, à partir desquels nous avons organisé un ’milieu informatique’ afin que les rapports des élèves avec ce milieu les conduisent à des comportements favorisant l’appropriation du savoir. Nous avons adapté les éléments constitutifs de la situation d’enseignement en classe, tels que l’enseignant, la fiche de TP, le dispositif expérimental, dans l’objectif d’élaborer un milieu pouvant aider les élèves à résoudre le problème posé sans éviter les situations d’échec temporaires, l’erreur étant constitutive du processus d’apprentissage. Nous avons été amenés à créer :

  • différentes ressources à la fois internes au contexte de la tâche (onglets Aide, mini-dictionnaire, escamots) ou externes au lieu de réalisation de la tâche (la bibliothèque, la salle de cours, etc.),

  • un système évaluateur permettant aux élèves de vérifier régulièrement les stratégies mises en oeuvre,

  • des feed-back (rétroactions) entretenant la résolution de problème,

  • des réponses intitulées ’réponse du professeur’ institutionnalisant la réponse de l’élève,

  • des animations ou vidéos rendant possible l’observation de certains phénomènes.

L’organisation des contenus a également pris en compte les recommandations relatives à l’espace, à la densité informative à l’écran, au multifenêtrage, à l’utilisation des libellés, etc. Ces recommandations ont conduit à segmenter le texte initial, à construire des onglets pour permettre la réalisation de tâches successives sans changer de page-écran ou pour proposer des informations afin de soutenir l’activité des élèves, etc.

Suite à cette conception, nous avons éprouvé l’hypermédia en situation de classe avec des élèves de seconde (au total 20 dyades). Deux situations ont été mises en place. Dans la première, l’hypermédia est l’unique support à l’apprentissage du son. Dans la seconde situation, l’hypermédia est associé à du matériel expérimental. Les données ont été recueillies à partir d’une trace informatique élaborée à partir de l’analyse a priori des différentes tâches proposées et d’enregistrements audio et vidéo. Nous rappelons ci-dessous la méthodologie d’analyse en lien avec nos questions de recherche et enfin, nos principaux résultats.