Synthèse des résultats

La synthèse des résultats est présentée selon deux aspects. Le premier montre l’apport de l’organisation des contenus sur la mobilisation des connaissances attendues des élèves. Le second aspect rend compte des difficultés des élèves relatives à cette organisation.

Avant d’énumérer successivement l’apport de l’organisation des contenus sur l’activité des élèves, nous soulignons que la structuration selon les niveaux de savoir des différentes tâches a conduit les élèves à mettre en oeuvre d’une part les niveaux de savoir présents dans les contenus (pour au moins 80% des tâches) et d’autre part les relations attendues (pour 70% des tâches). Cela montre que cette structuration selon les niveaux de savoir est dans une certaine mesure décisive pour amener les élèves à sélectionner les informations nécessaires pour réaliser les tâches proposées.

Nous avons observé que la répétition de tâches relatives à un même savoir enseigné (chaîne sonore, la fréquence et l’amplitude, ...) dans une même séquence de TP ou lors de différentes séquences de TP permet aux élèves de prendre conscience de l’écart entre leurs connaissances et celles qui sont attendues. Cette répétition de tâches semble donc aider les élèves à s’approprier le savoir en jeu. A ce propos, l’analyse globale a permis d’observer que les durées diminuent durant la réalisation de ces tâches répétées ce qui laissent supposer que les élèves donnent sens au savoir en jeu. Or, à partir de l’analyse locale, nous avons pu relativiser cette hypothèse en soulignant qu’au cours de ces tâches répétitives, les élèves mobilisent des connaissances non attendues (non appropriées par rapport au savoir en jeu). Ainsi, de telles conditions d’apprentissage peuvent amener les élèves à mettre en doute leurs connaissances qui peuvent fonctionner dans certaines situations et à leur permettre de se repositionner par rapport au modèle en jeu. De plus, la réussite d’une tâche dans une durée assez courte ne constitue pas une observable suffisamment fiable pour affirmer que les élèves ont construit le savoir en jeu.

Pour aider les élèves à donner sens au savoir en jeu, nous nous sommes aperçus de l’apport de la mise en scène64. Par exemple, il peut être demandé aux élèves de répondre aux mêmes questions à partir d’expériences différentes ou bien de répondre à des questions différentes à partir d’une même expérience. Nous avons constaté, que suivant la place d’une tâche dans une mise en scène appropriée la mise en oeuvre de niveaux de savoir attendus et non présents dans une page-écran peut être favorisée. Ainsi, la mobilisation de connaissances attendues ne dépend pas seulement des niveaux de savoir présents dans le contenu de la tâche et/ou du but de la tâche mais aussi des tâches que les élèves sont en train de réaliser.

Ensuite, nous avons mis en lumière que l’intégration, dans la mesure du possible, de différentes représentations d’un même savoir dans une page-écran ou dans les onglets Aides, étaye l’activité de modélisation des élèves même si cela leur est difficile de les mettre en relation ou de les convertir dans un autre système sémiotique. Nous avons observé que la simulation, donnant la possibilité aux élèves d’agir au niveau de l’interface, les incite à reformuler les définitions contrairement à une animation ou une vidéo. De plus, nous avons remarqué que le fait de proposer aux élèves de réinvestir un même savoir à partir de différentes représentations sémiotiques leur permet de vérifier la validité de leur connaissance dans un autre contexte, de les contraindre à se représenter une nouvelle situation à partir de laquelle ce ’même savoir’ est censé fonctionner, de prendre conscience de l’écart entre leurs connaissances et celles attendues.

Nous avons également observé que différents éléments de la situation (simulation, onglet Aide, consigne, outil de navigation, etc.) soutiennent les élèves dans la réalisation de la tâche et dans la mobilisation des connaissances attendues. Donner la possibilité aux élèves de pouvoir tester sans limitation leurs solutions contribuent à ce qu’ils prennent conscience que les connaissances mobilisées peuvent ne pas être celles attendues. Cela nous a permis d’observer lorsque les informations sélectionnées par les élèves ne sont pas appropriées à la résolution du problème posé qu’ils peuvent alors décider d’aller chercher des informations dans les différentes ressources mises à leur disposition : la non réussite de la tâche ne les conduit pas à abandonner mais à rechercher de nouvelles stratégies. Il n’est donc pas étonnant de relever que certaines durées de réalisation de tâches peuvent être de l’ordre de 20 minutes.

Enfin, nous avons remarqué que lors de la résolution d’un problème, il est important de fournir aux élèves diverses voies d’accès à des informations. En effet, nous avons remarqué qu’ils ont besoin de retourner dans une tâche déjà réalisée, qu’ils se réfèrent régulièrement et préférentiellement aux onglets Aide qui se situent dans la tâche à réaliser et qui proposent des informations contextualisée à la tâche à réaliser. A ce propos, lors de l’analyse globale, nous avons relevé que les informations majoritairement sélectionnées sont liées au savoir en jeu dans la tâche en question. En revanche, les informations que les élèves ont le moins sélectionnées se rapportent principalement aux tâches réalisées précédemment ce qui signifierait que les élèves se seraient appropriés le savoir en question.

Regardons maintenant les difficultés des élèves relatives à l’organisation des contenus. Les analyses globale et locale ont permis d’identifier quatre types de tâches durant lesquelles nous avons noté que les élèves ont eu des difficultés qui ont été dépassées dans certaines cas.

Nous avons constaté que les tâches dont l’objet est de réinvestir le modèle présenté dans la page-écran précédente, mettent les élèves en situation de difficulté. A partir de l’analyse globale, nous avons relevé que le nombre de réponses inexactes ainsi que le nombre d’appels à l’onglet Aide sont les plus élevés dans ces cas là. A partir de l’analyse locale, nous avons observé que le nombre de relations ne correspondant pas à une connaissance attendue est particulièrement élevé. Ainsi, dans ce cadre là, il semble difficile aux élèves d’adapter leurs connaissances au savoir en jeu.

Ensuite, nous avons remarqué que les élèves mobilisent des connaissances non attendues dans le cadre de tâches qui demandent de réinvestir, dans un nouveau contexte, un modèle déjà introduit dans une séquence précédente. Le contexte peut résulté :

Le changement de contexte permet donc aux élèves d’adapter progressivement leurs connaissances à celles attendues.

Nous avons enfin observé que les tâches dont le savoir en jeu doit être mis en oeuvre à partir de diverses représentations sémiotiques et différents dispositifs expérimentaux posent des difficultés aux élèves pour réinvestir ce savoir. En effet, dans cette situation d’enseignement, les élèves sont amenés à se représenter le dispositif expérimental, à utiliser un nouveau système sémiotique associé au concept en jeu et enfin à mobiliser des connaissances relatives au savoir en jeu ce qui peut leur permettre d’adapter leurs connaissances.

Ces diverses tâches ont pour caractéristiques communes, comme nous venons de le voir, de demander aux élèves d’adapter leurs connaissances (ou accommoder leur structure cognitive) au savoir proposé. Or, comme l’ont souligné Weil-Barais et Lemeignan (1993), cette adaptation est longue et progressive. Ainsi, nous considérons qu’il n’est pas étonnant de noter dans le cadre de ces tâches un nombre élevé de connaissances non attendues.

En revanche, lorsqu’il n’est pas spécifié dans la consigne de la tâche le modèle à utiliser, nous avons constaté que les élèves mobilisent leurs connaissances sans prendre en compte les informations présentées auparavant. Ce dernier type de tâche ne favorise donc pas l’adaptation des connaissances des élèves.

Pour terminer, nous souhaitons signaler un point que nous pensons important lors de la conception de séquences d’enseignement sur un support informatique : les actions à réaliser à partir de la tâche proposée semblent déterminantes pour que les élèves mettent en oeuvre les niveaux de savoir présents dans la présentation de la tâche. Nous avons remarqué que dans le cas où la tâche ne contient pas une consigne explicite avec une demande de validation de la réponse et ne nécessite pas de taper du texte, ou de cocher une case, etc., les élèves mettent rarement en oeuvre les niveaux de savoir présents dans le contenu de la tâche. Nous avons relevé deux cas.

Lorsque la tâche contient une consigne implicite et les actions sont limitées à lire un texte et à observer une vidéo ou une animation, il est rarement possible de catégoriser les verbalisations des élèves selon les niveaux de savoir. Les élèves s’en tiennent par exemple à lire le contenu sans le reformuler. Cela peut sembler étonnant puisque les contenus de ces tâches fournissent des définitions, des résumés d’expériences précédemment réalisées, etc.

Nous avons également relevé que les tâches qui reposent principalement sur l’utilisation de la simulation associée à une consigne explicite (sans demande de validation de la réponse) favorisent peu les mises en relation entre les niveaux de savoir. Les verbalisations des élèves se réfèrent principalement aux objets composant la simulation et aux actions réalisées. A ce propos, l’analyse globale a également montré que les durées de réalisation de ces deux types de tâches sont particulièrement faibles par rapport à celles où les élèves doivent cocher une case ou taper du texte.

Par conséquent, il semble important de ’problématiser’ les tâches de lecture ou celles proposant aux élèves d’actionner une simulation sans validation de la réponse dans l’objectif d’amener les élèves à donner du sens au contenu proposé.

Ainsi, ces résultats complémentaires offrent des pistes pour concevoir des séquences d’enseignement favorisant un certain apprentissage des élèves. Les premiers résultats proposent des outils méthodologiques pour concevoir des tâches pouvant aider les élèves à dépasser certaines difficultés. La question qui reste en suspend est celle qui permettrait de ’problématiser’ les tâches de lecture.

Notes
64.

La mise en scène consiste en un scénario constitué de diverses tâches dont l’objectif est d’amener progressivement les élèves à donner sens au savoir en jeu.