Comment les découpages statistiques, qui se sont construit à partir des anciennes pratiques, plus sédentaire et d’une coupure plus nette entre ville et campagne ont-ils pris en compte ces changements ? Et que révèlent les analyses les plus récentes sur ces migrations entre catégorie d’espace ?
Le seuil de population de 2000 habitants agglomérés171, qui sert aujourd’hui encore à définir ’les unités urbaines’, fut fixé en 1954 et servait alors à distinguer la ville de la campagne. Il fallut attendre 1962, pour qu’une vision moins tranchée soit introduite. Pour tenir compte du mouvement de périurbanisation, l’INSEE délimita des Zones de peuplement industriel et urbain (ZPIU). Elles prenaient en compte l’influence urbaine, à partir de la division géographique des activités. Les communes sous influence des unités urbaine étaient soit ’industrielles’, soit ’dortoirs’, les autres, hors d’influence, étant ’agricole’. La baisse des emplois agricoles, le déclin des activités industrielles, la poursuite du ’desserrement urbain’ et la multiplication des migrations alternantes, contribueront au fil des recensements à faire des ZPIU, un découpage peu discriminant172 et finalement obsolète.
A partir de 1994, un groupe de travail est mis en place à l’Insee pour réfléchir à son remplacement173. La teneur des débats, notamment ceux portant sur les critères de délimitations des ’pôles urbains’ (cf. infra) montrent les enjeux politiques de la construction des nomenclatures officielles. Attribuer à certaines villes le qualificatif de ’pôle urbain’ et le refuser à d’autres, c’est faire apparaître une certaine hiérarchie spatiale. Le seuil de population (critère morphologique) ne suffit plus à distinguer l’urbanité, qui pour certaines villes se résumait uniquement à la fonction résidentielle (commune périurbaine). Restait alors à définir ce que doit être le critère d’urbanité, ce qui fut finalement tranché en faveur de la fonction de ’pôle d’emploi’. La définition de ce zonage (cf. infra) traduit une nouvelle conception de l’espace, structuré par une géographie des flux de migrants polarisés par l’emploi. Le phénomène majeur est donc l’attractivité urbaine, et l’espace échappant à celle-ci constitue toujours le ’solde rural’.
C’est-à-dire dont la distance entre les habitations ne dépasse pas 200 mètres. On voit ici le lien avec le critère de faible densité par lequel la sociologie rurale définira longtemps ’le rural’.
En 1990, les ZPIU couvrent les ¾ du territoire et rassemblent 96,3% de la population.
HILAL M., UMR Inra-Enesad : Les coulisses du zonage en aires urbaines. Note aimablement transmise par l’auteur ayant participé à ce groupe de travail, et dont nous nous sommes inspirée pour rédiger cette partie.