L’identité et l’appartenance ne sont pas deux notions exclusives l’une de l’autre, elles sont deux angles d’analyse complémentaires : l’identité répond à la question du ’qui suis-je ?’ et l’appartenance à celle du ’comment et avec qui suis-je ?’.
L’identité sociale se construit, nous l’avons vu, par la socialisation (Dubar, 1996) primaire mais aussi secondaire (Berger et Luckmann, 1992). Chacun de ces processus permet de relier l’individu à des groupes d’appartenance. La question de l’appartenance s’intéresse donc au mode d’affiliation de l’individu au(x) groupe(s)190. De nombreux travaux ont tenté de dégager des formes d’appartenance selon la nature des groupes. On les a généralement distingués selon la nature contractuelle ou communautaire des relations ; selon la nature affective, intime ou plus fonctionnelle des liens (parenté et organisation par exemple) ; selon enfin l’échelle géographique à laquelle on les considère (le groupe villageois, la nation). On peut, en outre, distinguer le groupe d’appartenance, dont ’fait effectivement partie’ un individu, de son groupe de référence, c’est-à-dire celui auquel il s’identifie par ses valeurs, ses comportements sans pour autant en faire partie. Cette distinction se fonde sur l’idée que l’appartenance à certains groupes peut être plus ou moins stigmatisante ou valorisante. De là, les stratégies pour s’en mettre à distance ou s’en rapprocher. J. Rémy (1998, p. 235) distingue dans une perspective géographique, les ’espaces de référence’ (ceux que l’on fréquente) de ’l’espace d’appartenance’ (celui où l’on se sent ’chez soi’). Dans un contexte où la mobilité est valorisée et généralisée, on peut se demander comment s’articulent ces deux niveaux. L’élargissement de l’espace de référence engendre-t-il une plus forte tendance à mettre à distance ses groupes d’appartenance ou à les substituer par d’autres ? Ceux qui sont maintenus à l’écart de ce mode de vie ne sont-ils pas alors davantage exposés aux risques d’une stigmatisation, d’une dépréciation de leurs appartenances ?
Nous posons comme point de départ de la recherche la manière dont les individus sont reliés aux autres groupes et aux lieux géographiques. Le regard se veut particulièrement attentif aux inégalités sociales qui nous semblent recomposées, voire accentuées, par la valorisation de la mobilité comme mode de vie191. Appartient-on de la même manière à un groupe, à un lieu lorsque l’on peut en changer et lorsqu’on au contraire on y reste attaché et dépendant ?
LIPIANSKY E.M., 1998 - ’Comment se forme l’identité des groupes’, in : RUANO-BORBALAN J.C., dir., L’identité. L’individu, le groupe, la société. Ed. Sciences Humaines, pp. 143-150.
Le thème de la mobilité facteur d’exclusion a fait l’objet d’un programme de recherche initié par le Plan Urbanisme Construction et Aménagement lancé en 1999 et de diverses publications, parmi les plus récentes : CERTU, CETE, 1999 –Mobilité et Exclusion. Collection CERTU, Lyon, 71 p.