2ème partie – Les formes contemporaines d’appartenance – une lecture sociologique Introduction

Cette partie est construite à partir de l’analyse des 99 entretiens que nous avons réalisés sur la zone d’étude. La lecture sociologique que nous en proposons ici a deux visées.

L’une, objet même de cette partie, est de saisir les formes contemporaines d’appartenance sociale depuis un ’point focal d’observation’. Autrement dit, le terrain d’étude ne sera pas appréhendé pour ’lui-même’, comme territoire faisant forcément sens pour chacun, mais comme un espace de convergence permettant l’accès à des formes diversifiées d’appartenance, qu’elles se définissent ici ou ailleurs. Le point de vue sera donc décontextualisé, sans pour autant être a-localisé : les lieux seront pris en compte, les modes et les formes d’articulation entre lieux de vie et liens sociaux de chaque personne rencontrée sera à la base de notre classification des formes d’appartenance.

L’appartenance sociale, nous l’avons dit, comprend différentes dimensions (géographique, familiale, professionnelle, amicale, associative, politique...). Elle peut prendre différentes formes selon la dispersion dans l’espace social et géographique des réseaux de sociabilité (proximité/distance des membres des réseaux ; homogénéité/hétérogénéité des milieux fréquentés) et selon leurs modes d’articulation temporelle (segmentation ou imbrication des temporalités de la vie quotidienne, rupture ou linéarité biographique...).

Cette lecture sociologique visera donc à mieux comprendre les modes d’articulation des lieux et liens sociaux dans un contexte où la mobilité est accentuée et socialement valorisée. Il s’agit aussi de saisir les ’lieux et les temps’ de l’appartenance dans un contexte où les positions sociales sont réversibles et où les ancrages sont plus labiles. La classification proposée n’est pas seulement une clé de lecture des différentes formes d’appartenance qui se dessinent, mais aussi une clé de compréhension des hiérarchies et des rapports de force qu’elles sous-tendent.

L’autre objectif de cette partie, plus indirect, vise à éclairer les logiques sous-jacentes au processus de territorialisation que nous étudierons dans la troisième partie. L’espace étudié revêt, de ce point de vue, un caractère emblématique qui dépasse la simple monographie. Les groupes aux horizons et provenances divers qui y convergent donnent à voir comment, aujourd’hui, se construisent des ’lieux collectifs’ à partir d’espaces fréquentés en ’commun’. Les mobilités qui le traversent et les formes d’appropriation qui en découlent laissent entrevoir la diversité de sens et de pratiques que recouvre aujourd’hui la ruralité. Enfin, les figures d’appartenance qui y coexistent selon des rapports différents aux lieux et aux liens sociaux, éclairent aussi les hiérarchies et les rapports de force que la mobilité, comme mode de vie valorisé, contribue à recomposer.

Nous procéderons en deux principaux temps. Le premier chapitre (IV) présentera la démarche d’ensemble de traitement des entretiens et les clés de lecture utilisées pour construire la typologie et les figures par lesquelles nous entendons rendre compte des formes contemporaines d’appartenance. Les deux chapitres suivants présenteront une des formes d’appartenance que nous avons pu confirmer à partir de nos hypothèses de départ (engagement/attachement). Le dernier chapitre présentera deux autres formes d’appartenance que notre analyse de terrain a permis de mettre à jour (en tension, extériorité).