Synthèse Force de l’attachement, faiblesses des lieux et des liens des ’gens de peu’

Ceux qui sont restés enracinés parce qu’ils n’ont pu partir, ceux qui sont arrivés sans parvenir à y prendre des racines, ceux qui dérivent en posant l’ancre où ils peuvent, partagent la même solitude. Ils sont séparés des leurs ou maintenus à distance des lieux où ils voudraient vivre, et s’accommodent des lieux qui leur sont destinés par le travail et la famille. Ils sont exposés à l’intrusion des autres dans leur univers quotidien ou exposés aux risques de la marginalisation dans un environnement étranger. Leurs frontières sont fragiles et pourtant nécessaires. L’appropriation de l’espace passe par la propriété privée permettant de construire dans le ’chez soi’ une aire de relative sécurité. Ils sont soumis au ’régime de mobilité dominante’ comme l’étaient les populations sédentaires vis-à-vis des nomades bédouins dont le pouvoir s’appuyait sur ’l’infinité virtuelle de l’espace parcouru, sur le détachement qui doit ouvrir tous les accès.264. C’est à l’aulne de cette violence, symbolique et concrète (précarité professionnelle, pauvreté économique, rupture ou isolement familial) qu’il faut comprendre le tableau assez noir que nous avons dressé de ces ’gens de peu’ selon l’expression de Pierre Sansot265. Celui-ci a, avec raison et talent, rendu hommage à ce ’petit peuple’, dont nous avons pu mesurer également le courage, la générosité, la finesse d’esprit, et une certaine grandeur dans la capacité à s’accommoder du peu qu’ils ont.

Notes
264.

RETAILLE D., 1998 - ’Concept du nomadisme et nomadisation des concepts’, in : KNAFOU.R.(dir) : La planète ’nomade’ - les mobilités géographiques d’aujourd’hui. Ed. Belin , p. 44.

265.

SANSOT P., 1991 –Les gens de peu. Coll. Sociologie d’aujourd’hui, Ed. PUF, p. 223.