Section 52. Attachés aux lieux : choix de vie ou rupture avec le milieu d’origine ?

L’ensemble des personnes ici présentées ont en commun d’avoir quitté l’univers urbain pour venir s’installer sur la zone d’étude. Ce qui ne signifie pas qu’elles ont fait en venant ici, le choix de la campagne ou d’un projet ’néo-rural’. De générations et de milieux différents, leurs motivations et leurs itinéraires migratoires sont également divers. Mais toutes ont fini par ’s’attacher’ aux lieux sur lesquels elles résident, travaillent et se projettent. Ces lieux sont pluriels, rattachés les uns aux autres par des réseaux, et reflètent l’étendue et l’intensité de leur intégration locale. Plus que les autres, elles s’identifient explicitement au Diois qu’elles contribuent, par leur investissement local, à faire exister et reconnaître. Mais cette intégration locale a pour corollaire la rupture avec un milieu d’origine devenant inaccessible. Une relation de dépendance vis-à-vis du lieu où elles ont construit leur identité et leur vie nouvelle s’établit. Comme certains jeunes des banlieues étudiés par L. Roulleau-Berger266, les ressources, les compétences, les savoir-faire acquis localement, sont difficilement transférables ailleurs, et leur ’traduction’ peut avoir un coût élevé. Quitter la zone reviendrait à perdre les ressources sociales, les repères identitaires patiemment élaborés, et exposerait aux risques de la disqualification ou marginalisation. Les unes comme les autres en effet évoluent en marge des espaces ’majeurs’ qui définissent les normes dominantes d’intégration et de participation à la vie socio-économique. Les personnes ici concernées sont situées dans une double marginalité, occupant les marges d’une zone elle-même en marge de l’univers urbain. Pour autant, elles ne sont pas ’enfermées’ dans un monde, car elles évoluent au sein d’espaces intermédiaires qui ’‘tendent à produire de la porosité, de la continuité entre les différents mondes’ .’ (Roulleau-Berger, 1999, p. 7).

Dans les itinéraires de ces migrants, plus que le choix d’un lieu à la campagne ou d’un projet néo-rural, c’est la marginalité du lieu qui a attiré ou retenu. Pour reprendre le propos de l’un des agriculteurs interviewés par D. Léger et B. Hervieu267 : ’Autrefois ils seraient partis aux colonies. Aujourd’hui il n’y a plus de colonies. Alors ils viennent en Cévennes’ ou dans le Diois, c’est-à-dire dans les espaces ruraux que la dévitalisation a laissé ’libres’ pour une nouvelle appropriation. Ces ’pionniers’ d’un monde à l’abandon sont alors peu à peu devenus des colons durablement établis.

Rappelons quelles sont ces figures avant de les présenter plus en détail.

Rapport au temps
Rapport à l’espace Immersion circulaire linéaire digital Attachement Forme d’appar-
tenance
Plus d’ailleurs
possible
Néo-ruraux
notabilisés (4)
Pièces uniques du territoire (6)
garde-fou (2)
Pionnières restées au front
néo-rural (4)
aux
lieux
communautaire collectif commun
Qualités des liens
Notes
266.

ROULLEAU-BERGER L., 1999 - Le travail en friche - Les mondes de la petite production urbaine. Ed. La Tour d’Aigues, 245 p.

267.

LEGER D., HERVIEU B., 1979 - Le retour à la terre: ’Au fond de la forêt ... l’Etat’. Ed. du Seuil, p. 103.