Section 61. L’engagement dans des lieux qui font liens

Dire que les ’lieux font liens’ signifie que les lieux partagés avec d’autres sont supports d’identification commune. Ce sont les lieux, faits d’éléments matériels mais aussi symboliques, qui donnent prise et sens à l’engagement. L’appropriation matérielle qui donne prise à l’action, place l’individu dans un rapport prométhéen vis-à-vis des lieux : il s’agit de l’aménager, de le transformer, et d’y construire sa place. Mais, dans le même temps, l’investissement symbolique du lieu, qui nous préexiste et nous survivra, place l’individu dans un rapport contemplatif vis-à-vis de ce lieu : il s’agit de le préserver et d’y trouver sa place en relation avec celles des autres. Car les lieux n’existent pas indépendamment des liens qui s’y tissent. Ils ne sont pas des points abstraits situés sur un espace vierge. Les lieux sont support d’une appartenance engagée parce qu’ils permettent d’établir des liens entre personnes provenant de rivages différents. En ce sens, ces lieux sont des ponts qui restent ouverts sur l’extérieur. Ce qui conduit à penser qu’ici, la formule d’A. Médam282 prend tout son sens : ‘’le monde est dans le lieu et le lieu est dans le monde’’. C’est en effet parce que le monde arrive aux portes de chaque lieu, que ceux qui y vivent sont incités à affirmer ce lieu dans sa singularité. Singularité du lieu ne signifie pas particularisme. Ces figures auraient pu s’engager ailleurs, mais il fallait bien que cela soit quelque part. Dès lors si les lieux de l’engagement sont perçus comme équivalents, ils ne sont pas pour autant substituables. Chaque lieu mérite que l’on si engage, mais on ne peut, soi-même, s’engager dans tous les lieux. C’est pourquoi l’ici et l’ailleurs coïncident. Il y a autant d’ailleurs possibles, que d’ici souhaitables, le tout étant de trouver le sien. Chercher à en changer sans cesse ne peut être qu’un exercice vain. La mobilité n’est pas un objectif en soi mais un moyen, permettant de trouver un ’lieu à soi’ (migration) tout en restant ouvert sur les autres lieux (mobilité).

Les personnes relevant de cette figure d’appartenance ont des itinéraires et des provenances fort divers. Mais toutes ont connu l’expérience de la migration, avec ou sans retour au lieu d’origine. Présentons-les à présent plus en détail.

Notes
282.

MEDAM A., 1996 - ’Le lieu est dans le monde, le monde est dans le lieu’, in : M. HIRSCHHORN ; BERTHELOT J.M. (dir.) : op. cit, pp. 103-114.