614. Nomades ruraux évoluant entre ville et campagne

Nous avons vu plus haut la mise en place de nouvelles configurations locales (’villes-pays’) sous l’effet des pratiques de ’navetteurs’, amenant à reconsidérer les frontières entre villes et campagnes. C’est à une échelle encore beaucoup plus vaste que se structure la configuration d’appartenance de ces ’nomades ruraux’. Ce ne sont pas simplement une ville et ses alentours ’ruraux’ qui sont associés à travers leurs déplacements, mais des villes, et des régions parfois distantes de plusieurs centaines de kilomètres. Et, pour ajouter encore au mélange des genres, s’ils vivent dans les périphéries urbaines la plupart du temps, ils adoptent un mode de vie ’rural’ où l’urbanité est mise à distance, montrant bien là la différence entre les catégories de la pratique -ville et campagne- et les catégories de perception -urbain et rural288-.

Enfin, étant ’nomades’, leurs déplacements sont étroitement organisés. Comme l’a bien montré en effet D. Rétaillé289, le nomadisme sous sa forme historique, n’est pas l’errance. Il fonde son pouvoir, non sur la propriété de la terre mais sur ’l’infinité virtuelle de l’espace parcouru, sur le détachement qui doit ouvrir tous les accès.’ Nous parlons ici de ’nomade’ en un sens figuré : il ne s’agit pas d’organisation sociale et spatiale liée à l’élevage itinérant, spécifique à certaines cultures290, mais de groupes dont l’organisation des déplacements et des rencontres nous semblent proches. Ces nomades contemporains ne sont pas des purs ’conquérants’ comme les bédouins, ils s’appuient aussi sur des points d’ancrages durablement appropriés à partir desquels ils partent à la découverte d’autres lieux.

L’unité de sens ici n’est pas la personne, mais le groupe familial élargi (grands-parents, parents, enfants et conjoints). Nomade, ce groupe se déplace selon un itinéraire précis et des temporalités régulières. Maîtrisant davantage ses rapports à l’espace et au temps, il se distingue en cela de la ’tribu’ (attachement). Le groupe n’est pas orienté vers sa préservation par l’établissement d’une frontière étanche vis-à-vis d’autrui, mais plutôt vers sa reproduction élargie, par l’intégration de nouveaux membres. Au fil des migrations résidentielles des enfants et des alliances, on s’approprie de nouveaux lieux, sur le modèle du rhizome.

La ruralité est une référence identitaire forte, mais elle n’empêche pas de fréquenter aussi la ville. On se dit ’rural’ ou ’pas citadin’, même lorsqu’on est amené à vivre en ville. On fréquente la ville, ses lieux de culture et d’approvisionnement, mais on met à distance l’urbanité comme mode de vie. On habite en maison, et si l’emploi se trouve en ville, on réside en périphérie dans un village. Et lorsqu’on part en vacances, c’est encore pour une destination rurale.

L’espace vécu, c’est-à-dire l’ensemble des lieux primaires et secondaires des membres du groupe, est constitué de réseaux et de points d’ancrage. Son étendue géographique et sa densité sociale sont marquées par des variations saisonnières et cycliques, selon des modalités tout à fait comparables aux sociétés esquimaudes étudiées par M. Mauss291.

Les variations saisonnières sont liées à l’alternance de temporalités ordinaires, celles du travail et de la famille nucléaire, et de temps forts, ceux des fêtes ou des vacances où l’ensemble du groupe célèbre son union. Il n’y a pas un lieu de retrouvailles familiales mais plusieurs, chaque lieu pouvant constituer un point de ralliement selon les événements (fêtes de fin d’année, mariages, vacances...).

En temps ordinaire, l’espace vécu s’étend sur un périmètre ne dépassant pas 50 km. Si on habite à proximité les uns des autres, chaque noyau a son ’chez-soi’, assurant à la fois le maintien de l’autonomie des membres du groupe, la qualité et la fréquence des relations (chacun reçoit l’autre).

Les vacances rassemblent l’ensemble du groupe (famille élargie) en un lieu secondaire (on revient toujours au même endroit). Si les enfants à l’adolescence délaissent le groupe pour partir ’entre copains’, ils y reviennent ensuite avec leur conjoint. Cette fidélité au lieu permet d’en maîtriser l’usage et d’y constituer, comme dans le lieu primaire, un maillage de noeuds et de réseaux au sein duquel on se déplace. Chaque année on étend le maillage, en s’appropriant de nouveaux lieux, qui deviennent à leur tour des ’têtes de pont’. Le lieu d’hébergement (en camping) constitue le point central depuis lequel on rayonne. On y fait des connaissances que l’on retrouve chaque année. L’environnement n’est pas un simple décor. L’espace secondaire a été choisi parmi d’autres (après plusieurs années de camping et de pérégrination à travers les régions françaises), pour ses qualités paysagères et climatiques, ses éléments de patrimoine naturel, historique et culturel. L’appropriation de l’espace secondaire ne se fait pas uniquement par la visite. On y poursuit en famille les activités qui structurent la vie quotidienne du groupe, n’importe où ailleurs (cueillettes, conserves de fruits et légumes, sport, promenade, recherches historiques, peinture). Les racines nomades sont celles d’un arbre en ’pot’. Ayant son propre terreau, il peut être transplanté en divers endroits en y trouvant sa place.

Les variations cycliques de l’espace vécu sont liées aux migrations des enfants (jeunes adultes). Le fort investissement dans l’éducation des enfants (il y a dans les trois cas poursuite d’études supérieures) n’est pas orienté vers la promotion sociale par la profession (les enfants comme les parents appartiennent aux couches moyennes, de l’enseignement, du commerce, de l’artisanat), mais plutôt vers la reproduction d’un modèle familial : partir faire ses armes ailleurs, acquérir son indépendance et fonder un foyer. Le départ des enfants n’est vécu comme un déchirement ou un déracinement, pour aucun d’eux. Il est une étape nécessaire à chaque membre du groupe pour se former, trouver un emploi et un allié. La décohabitation des enfants permet, en outre, de constituer de nouveaux points d’ancrage et donc d’élargir l’espace approprié par le groupe. Par ailleurs, l’éloignement n’empêche pas d’entretenir les relations à distance, grâce aux rites temporels du groupe (temps forts de retrouvailles).

Cette figure concerne trois familles, provenant d’horizons très différents, l’une étant hollandaise, l’autre française (bressane) et la dernière belge. Ces trois groupes montrent que l’on peut vivre entre ville et campagne, tout en se considérant ’rural’ par son mode de vie et ses références identitaires. Plus encore, ils montrent les pratiques de mise à distance de l’urbanité à travers le développement d’une forme contemporaine de nomadisme.

Nomades bressans (St-Germain du bois, Saône-et-Loire)

D’une lignée originaire de la Saône-et-Loire (depuis 1590 d’après les recherches généalogiques entreprises) cet entrepreneur en BTP d’une soixantaine d’année part en vacances depuis 20 ans avec toute sa famille, dans le même camping. Il vit dans une commune rurale avec sa femme, d’origine bressane et bénévole dans une pastorale. Ils en sont pourtant partis, pour travailler un moment dans l’Aisne avant de venir s’y fixer définitivement. L’expérience de la migration, si elle a été vécue comme une étape nécessaire, n’a pas été ’traumatisante’.

Certes, mais l’ancrage et la mobilité ne sont pas toujours aussi maîtrisés que dans le cas présent. Les lieux de départ sont ici des lieux de retour, et les lieux nouveaux, des points d’ancrage. L’identité se construit à partir de pôles d’engagement (familiaux, professionnels) en prenant appui sur des lieux solidement appropriés. Et à côté du lieu d’origine s’ajoutent, au fil des migrations des uns et des autres, de nouveaux lieux d’ancrage formant un maillage commun à l’ensemble des membres du groupe.

Les liens sont entretenus à distance (Ego a dix frères ’éparpillés’ qu’il voit régulièrement), et les lieux appropriés par chaque membre du groupe élargi prennent une signification au regard de l’histoire familiale (lieux où les enfants ont fait leurs études, lieu où l’un deux a trouvé son premier emploi, lieu où un autre s’est installé...). Mais le lieu central reste le point de départ et de retour de la famille : le lieu d’origine, qui devient le ’quartier général’ à partir duquel on part faire des conquêtes plus ou moins lointaines.

Son fils et sa fille (25-30 ans) ont suivi leurs études à Lyon, et y ont trouvé leur premier emploi avec leur conjoint. Mais ils se sont installés ’à la campagne’, et se rendent à Lyon uniquement pour y travailler et s’y approvisionner. Ils retournent ’à la maison’ (en Bresse chez leurs parents) très souvent, et se retrouvent chaque été, dans le camping où nous les avons rencontrés.

Ego n’envisage pas d’acheter une résidence secondaire pour sa retraite. Il voyage déjà beaucoup avec sa femme (’hors saison’ au bord de la mer, et l’hiver dans les Dom-Tom), et sont trop impliqués dans la vie locale (tissu associatif) pour investir encore un autre lieu. L’espace de référence, celui où il est possible de circuler en se sentant chez ’soi’ est la France, dans son extension la plus large, comme le révèle l’allusion à leurs pratiques touristiques : ’‘On n’est pas encore parti à l’étranger, pour l’instant il y a assez de choses à voir en dehors de la France en France, avec les Dom-Tom’ ’.

Nomades hollandais (Leden, près de Rotherdam )

Les lieux d’ancrage et les déplacements de ce groupe nomade s’articulent autour de réseaux familiaux. Ils sont nés à 30 km de leur lieu de résidence actuel, près de Leden, une ville de 100 000 habitants. Ils se sont rencontrés en vacances dans l’hôtel où il occupait un emploi saisonnier (pour financer ses études de médecine) et où elle rendait visite à sa soeur. Ils ont vécu deux ans à Leden avant d’acheter une maison ’à la campagne’(à 30 km de Leden). Il est directeur d’une école pour adolescents en difficulté à Leden, dans laquelle son épouse est enseignante.

La vie à la campagne a été un ’choix de vie’ pour préserver leurs enfants du milieu délinquant où ils baignent au niveau professionnel. Pour autant, au moment des études, ils les ont incités à prendre un studio en ville (à 20 km du foyer parental), ’pour s’intégrer à la vie citadine et étudiante’. Après leur journée de travail (16 heures) ils rendent visite à leur famille (dans un rayon de 30 km), à des amis et font du sport dans le centre où leur fille enseigne (professeur de sport, comme son père avant qu’il ne devienne sous-directeur). Le choix du Diois et du camping où ils reviennent depuis 20 ans a suivi les mêmes critères : un environnement rural permettant la pratique d’activité en famille (sport, balades, baignades). Ils y sont venus la première fois, avec un des frères d’Ego qui connaissait déjà la région. Ils se sont faits des amis dans le camping, et notamment les propriétaires qu’ils reçoivent en Hollande. Leurs enfants respectifs ont également sympathisé. Ceux-ci, après avoir abandonné quelques années le cocon familial, sont revenus au camping avec leur conjoint.

De culture hollandaise, ils se disent attachés à ’la mer’ : ’le mal du pays, pour nous c’est le vent de la mer, les dunes’ – mais la mer endiguée, maîtrisée et non ’sauvage’ comme en Bretagne dont ils n’ont pas apprécié le phénomène des marées. Ils recherchent, au contraire, les paysages et la nature ’douce’, comme le Diois, et contrairement à l’Ardèche, ’où les rivières sont trop sauvages, trop dangereuses’. Leur lieu de mémoire est une petite île, où ils se rendent chaque année ’en pèlerinage familial’. Ils s’y sont rendus la première fois à l’occasion de leur voyage de noces qui leur a été offert par leur famille. ’Nous aimons y retourner tous les ans, pour une semaine seulement, car c’est petit ; c’est seulement les dunes, la mer, tout est très calme.’.

L’espace secondaire est complémentaire du premier. Aux engagements professionnels et familiaux qui marquent leur vie quotidienne, ils opposent l’espace du loisir et du plaisir des vacances : ’En Hollande, nous devons faire, et ici nous pouvons décider ce que nous voulons’.

Il ne s’agit pas pour autant d’une opposition simple entre un espace primaire de complète contrainte, et un espace secondaire de totale liberté. L’un et l’autre des ’espaces temps’ font l’objet de stratégies permettant de maintenir un équilibre entre l’engagement et la distanciation.

En Hollande, la ville est perçue comme un milieu problématique, traversé par la délinquance. Mais cette urbanité difficile n’est pas un monde étranger, menaçant ou anonyme (comme pour certaines tribus). Elle est l’objet même de leur engagement professionnel et, en tant qu’enseignants, ils côtoient les figures les plus emblématiques de cette ’ville dangereuse’, c’est-à-dire les adolescents en difficulté. Engagement qu’ils ont soin de mettre à distance chaque soir dans leur village de résidence. Par ailleurs, leur appartenance professionnelle au même établissement, doublée d’un rapport hiérarchique entre l’époux et sa conjointe, implique une mise à distance ’alternée’ des rôles exercés sur chaque scène.

L’espace secondaire est aussi occasion d’une mise à distance. Au fil des années, ils ont été confrontés aux pièges de l’interconnaissance : ’‘on connaît bien les gens, mais on connaît aussi leurs histoires y compris les histoires de familles’’. Aussi ont-ils élaboré des frontières sélectives permettant de maintenir de bonnes relations avec les autres campeurs tout en préservant leur espace de liberté. Ils ont choisi d’installer leur campement au bord de la rivière sur un emplacement entouré d’arbustes. Ils ont établi certaines règles avec les autres touristes ’initiés’ permettant de se retrouver à certaines heures (apéritif, soirée) et en certains lieux ’publics’ (aire de jeu, terrasse de bar) sans empiéter sur l’intimité du groupe.

Nomades belges en exil intérieur (Maubeuge) - Figure entre deux formes d’appartenance

Ce groupe se caractérise par une forme ’hybride’ d’appartenance. La configuration de leur est d’appartenance relève du nomadisme rural, mais le noyau du groupe (couple des parents), se rapproche, à certains égards, de la figure de l’élite en exil (cf. supra).

La configuration de leur espace d’appartenance est plus complexe que les précédents.

L’espace primaire est constitué d’un maillage de points d’ancrage familiaux (résidences des parents et des enfants) et de réseaux d’engagement associatif étendu (Amiens), avec des activités quotidiennes, où les sphères du ’travail’ et du ’loisir’ se mêlent (pratique de la peinture, qui devient à la retraite une ’activité principale’ pour elle, papillonnage professionnel entre divers métiers considérés comme des passions, pour lui). Elle s’est remariée sur le tard (40 ans) avec Monsieur Vandam, physicien reconverti dans l’aviation, qu’elle a rencontré lors d’une formation de moniteur ambulancier (il est moniteur bénévole de la Croix rouge) elle s’est installée avec lui dans une petite maison de campagne près de Charleroy. Ils peuvent ainsi cumuler les plaisirs de la campagne (jardinage, petit élevage de poules et lapins) et ceux de la ville (activités culturelles). Mais la maison étant petite, elle a du trouver une salle communale pour y organiser ses stages de peinture dont elle fait son activité principale après avoir tenu un ’home’ pour enfants en difficulté avec son ex-mari. En ce qui concerne les réunions de famille ’on trouve des combines’. Le ’lieu’ a pour eux peu d’importance, résidant à proximité de leurs enfants, ils se voient souvent, et louent pour les grandes occasions des salles des fêtes. S’ils refusent d’ailleurs d’acheter une résidence sur la zone d’étude où ils continuent de camper en toile de tente après 15 ans, c’est parce qu’ils sont beaucoup trop pris en Belgique par leurs engagements familiaux (garde des petits-enfants), associatifs et culturels. Y venir l’été leur suffit, le restant de l’année étant beaucoup plus agréable dans la ’campagne’ belge, beaucoup plus peuplée et moins isolée des villes que son homologue française. L’installation à la ’campagne’ a été un choix de vie. Ayant été cadre supérieur dans une grande entreprise (en retraite) à Charleroy, le fait d’être migrant alternant et d’utiliser les transports collectifs a constitué pour lui un moyen de préserver sa sphère personnelle. Il jouait ainsi sur les temps de retour ’imposés par les horaires de train’ pour limiter et négocier les heures supplémentaires auprès de ses supérieurs.

L’espace secondaire du groupe est lui-même composé de plusieurs points d’ancrage : celui des parents (sur la zone d’étude) où leurs enfants sont venus avant de trouver leur propre ancrage secondaire (Tarn-et-Garonne). Les deux points secondaires sont reliés : les parents rendent visite à leurs enfants durant leur séjour. Pour ce couple, le lieu secondaire est un point de rayonnement sur une zone très élargie (Orange, Provence, Vercors).

Leur espace de référence est la Belgique, qu’ils considèrent comme un ’petit pays’, et habitants frontaliers, ils passent très régulièrement en France. La frontière pour eux est celle qu’ils franchissent à l’occasion de leur périple annuel vers leur lieu secondaire. Elle ne se situe pas ’au poste-frontière’ dont les douaniers sont devenus des amis (et qui les laissent passer sans problème avec le vin ramené de France), mais elle est perçue progressivement au fur et à mesure que le climat et le paysage évoluent avec des points de repère précis, délimitant chacun un seuil les rapprochant du ’sud’ et de leur espace secondaire : le côté plus négligé des maisons indique que l’on est ’en France’ (les Belges soignent davantage l’extérieur que l’intérieur de leur maison, alors que les français font l’inverse selon eux) ; le changement de la couleur des routes en Bourgogne indique que l’on a franchi une étape, enfin le son des cigales signale que l’on approche du but. Leur itinéraire jusqu’ici est étroitement balisé, s’étant constitué au fil des ans leur propre ’route des vins’ (Bourgogne, Beaujolais, Côtes-du-Rhône).

Le rapport au lieu secondaire est culturel. Ils s’y adonnent à leurs passions : la peinture (pour elle) et les recherches historiques pour eux deux. Cet intérêt commun leur vient de leurs origines, multi-culturelles, et de leur histoire familiale qui a croisé la grande Histoire. Elle, née en Belgique de père allemand et de mère hollandaise a dû fuir avec eux ce pays pour se réfugier pendant la guerre en Allemagne (chez ses grands-parents). Lieu d’exil et rappel d’une origine problématique, elle en garde un mauvais souvenir et aucune racine. Elle se considère comme son conjoint ’européenne’, et ’française d’adoption pour ses vacances’. Son conjoint, fils de liquidateur judiciaire à l’ambassade de Belgique et d’une française, tous deux s’étant rencontrés en camp en Allemagne, est né ’entre le camp diplomatique belge et le camp diplomatique français’, c’est-à-dire dans un ’hors lieu’ en Allemagne, qu’ils ont quitté dès la fin de la guerre pour revenir en Belgique. Ils gardent de cette origine une identité d’exilés, partagée entre leurs engagements familiaux, dans une ’Belgique’ dont ils n’apprécient pas ’la mentalité’ (trop porté sur le ’qu’en-dira-t-on’), et la France, pôle d’identification positive pour sa culture, qu’ils opposent à l’Allemagne, pôle repoussoir de leur mémoire. Ils en gardent également un intérêt pour l’histoire et les mouvements de ’résistance’ quels qu’ils soient. Aussi, se sont-ils intéressés à l’histoire protestante dioise, et à chaque séjour, ils avancent dans leur recherche grâce aux personnes ressources qu’ils ont rencontré peu à peu sur place. Pour parfaire sa connaissance de la zone, il s’est abonné à deux revues locales qu’il reçoit en Belgique. Forte de son expérience de l’accueil d’enfant à la campagne, elle s’est intéressée à la collectivité pédagogique de Vercheny (expérience locale dont nous parlerons plus tard). S’ils ont fait beaucoup de connaissances dans le camping, ils ont également établi des règles permettant de préserver leur liberté et leur autonomie. Eux aussi installés en bordure de rivière, ils échangent avec certains amis campeurs des ’bons coins’ à visiter, avant de partir la journée entière en conquête de nouveaux lieux. Ils se reçoivent par contre une fois rentrés chez eux en Belgique, à moins d’être eux-mêmes invités en France.

Notes
288.

HERVIEU B., VIARD J., 1996 - Au bonheur des campagnes. Ed. de l’Aube, 155 p.

289.

RETAILLE D., 1998 - ’Concept du nomadisme et nomadisation des concepts’, in : KNAFOU R.(dir) : La planète ’nomade’ - les mobilités géographiques d’aujourd’hui. Ed. Belin , pp. 37-58.

290.

METRAL F., 1993 –’Dans les steppes de la palmyrène – Nomadisme et mobilités au Proche-Orient’, in: Annales de la recherche Urbaine, n° 59-60 - juin-sept.

291.

MAUSS M., 1966 - ’Essai sur les variations saisonnières des sociétés Eskimos’, in : Sociologie et anthropologie, PUF, pp. 389-475.