711. Les protestants partis durant la vie active : le goût amer de la réussite

Les quatre lignées ici concernées, protestantes depuis trois générations au moins, ont fourni quelques bataillons de fonctionnaires à la République. Toutes partent d’un ancêtre, parfois très ancien (5 générations) sur le lieu où nous avons l’un de leurs descendants, en résidence secondaire ou en retraite. Toutes ont des origines modestes, dans la paysannerie ou les multiples petits métiers (sabotiers, cantonniers...) caractéristiques des campagnes avant qu’elles ne soient consacrées à l’agriculture ou laissées en friche.

Toutes se sont élevées, dans la hiérarchie des enseignants notamment, au fil des générations par le sacrifice des racines consenti sur l’autel de la migration. Mais le lieu d’origine de la lignée, sans pour autant être celui où l’on est né soi-même, reste le pôle d’un attachement sans faille.

L’une des personnes rencontrées, les plus emblématiques de cet attachement sans concession, n’a pour ainsi dire jamais vécu dans le lieu qu’elle ’tient’ pour celui de ses origines et qu’elle a transmis à ses enfants et petits enfants.

Madame Rastelière est née en Ardèche, sur le lieu d’origine de sa mère, institutrice et protestante, mariée à un instituteur protestant, d’origine dioise. Son père a lui-même quitté son lieu d’origine (commune de L-P. où nous avons rencontré sa fille) pour entrer à l’école normale de Valence et devenir instituteur. L’histoire de cette lignée d’instituteurs débute à la génération du grand-père. Petit paysan dans la commune de L-P., celui-ci investît tous ses efforts pour envoyer ses enfants à l’école, car il avait ’compris que ce pays était pauvre et qu’il ne pourrait plus nourrir ses agriculteurs’. Madame Rastelière passa donc son enfance entre Chatillon (petit bourg du Diois) et Valence où son père assuma ses fonctions d’instituteur, avant d’entrer elle-même à l’école normale de Valence et de poursuivre, dans le sillon de l’enseignement primaire, la voie ainsi tracée. C’est lors d’une visite à sa famille dans le Diois, qu’elle rencontre son futur époux, maçon, de mère protestante cévenole (’née au coeur du pays Huguenot’). Celui-ci vit à Avignon où son père, originaire d’un village du Gard a émigré en 1936, pour entrer dans la fonction publique (aide-infirmier). C’est donc tout naturellement qu’elle va s’établir dans cette ville ’pour suivre son mari comme le maire le lui avait dit’. Avignon devient alors son pôle d’engagement professionnel et familial définitif. Ses quatre filles et son fils y naissent et y grandissent, avant de poursuivre à leur tour leur chemin sur la route de l’ascension sociale. Les quatre filles ont fait leurs études à Marseille, le cadet à St-Etienne. Tous sont entrés dans la fonction publique (2 infirmières, une gynécologue, une assistante sociale, un professeur en IUT) et ont réussi dans leurs alliances à marquer leur ascension sociale (avec : un médecin, un kinésithérapeute, un professeur, un ingénieur, et une enseignante du secondaire), qui les a menés dans divers pôles d’engagement (Marseille, St Etienne, Avignon, Lyon).

Mais tous les membres de la ’tribu’, selon l’expression de Madame Rastelière, sont restés attachés au ’lieu d’origine’. Ce lieu est le seul ’ici’ qui fait sens : c’est la maison où l’on vient célébrer la mémoire familiale, la continuité de la lignée, par delà l’éclatement géographique et au-delà du devoir de migration. Transmise de génération en génération ’depuis 300 ans’, elle a été progressivement agrandie, remaniée au fur et à mesure que la tribu de Madame Rastelière s’agrandissait avec l’arrivée des petits enfants. Les pièces d’origines, constituant le coeur de la mémoire familiale, ont été maintenues intactes.

Voici la manière dont elle définit le ’pays de ses racines’ :

  • ’Ce n’est pas par rapport à des souvenirs, mes souvenirs je les transporte n’importe où. C’est l’endroit l’endroit où la famille a vécu dans le passé, même un passé lointain et inconnu. L’amour du pays natal c’est instinctif, ça ne s’explique pas. Quelquefois avec mon frère on va ailleurs, et on dit : ’C’est beau’ - ’Ah oui c’est beau, mais c’est là haut qu’on est bien’. Ailleurs c’est plus beau, c’est plus touristique, y’a plus de choses à voir, mais heureusement qu’il n’y en a pas chez nous, parce que comme ça les gens viennent pas : on est chez nous.’.

L’espace vécu est fait d’ailleurs multiples et substituables entre eux, ce sont les lieux d’engagement professionnels et familiaux (où l’on passe sa vie active) et d’un ici, le lieu d’origine (lieux des racines et de la mémoire généalogique), qui donne sens à tous les autres.

On quitte le lieu d’origine par devoir, on ’occupe’ les différents lieux où mènent la carrière et la vie de famille, sans les approprier véritablement. Ils restent des supports, maintenus à distance, où seuls comptent les engagements familiaux et professionnels que l’on doit y assumer.

Madame Dubois – fille de Monsieur Dubois originaire de L-P., née à Valence, où elle a fait comme son père l’école normale, avant de partir vivre et travailler (institutrice) dans les Yvelines. Elle a récemment acheté une maison secondaire à coté de celle de son père (à L-P.), ce qui permet de réunir l’ensemble de la tribu familiale (frères et soeurs, petits enfants...).

  • ’En ayant acheté quelque chose ici, c’est une soupape, ça nous permet de rester là-bas mais nos attaches c’est ici, parce que là-bas, à 20 km à la ronde, on connaît mais on connaît pas l’âme des choses, tandis que dans la Drôme tous les villages, ça a une couleur pour nous. Tandis que là-bas c’est tout pareil. Sauf depuis qu’on fait les brocantes, parce que ça nous permet de trouver cette âme, à travers les vieilles choses. Mais c’est dur parce que ça va faire 30 ans et on n’est pas de là-bas, donc on est d’ici’.

Tous sont partis parce qu’il le fallait et parce qu’ils le devaient, souvent sur les recommandations de leurs propres parents. Il le fallait parce qu’ici il n’y avait pas d’avenir ; ils le devaient parce que les meilleurs partaient. Le départ était donc un premier pas vers le chemin du salut.

Madame Paula, 85 ans, née à Paris, de parents paysans et protestants, originaires de V. (Haut-Diois). Son père gardera la ferme familiale, pendant que sa mère ira ’se placer comme bonne’ à Paris, grâce aux réseaux d’immigration constitués sur la commune. Elle-même a intégré l’école normale de Valence et est devenue institutrice. Elle n’a jamais vécu à V., ayant occupé divers postes à travers la France, mais s’estime ’de V.’, lieu où elle s’est établie à sa retraite.

  • ’A l’époque de la lavande, pour ceux qui n’avaient rien, ça paraissait énorme, alors que ça devait pas être grand chose. Moi, j’ai hérité de l’exploitation de mes parents, j’en n’ai rien fait, c’est pas grand chose : le voisin, c’est un néo va y mettre ses quelques brebis. Mais ceux qui pouvaient partaient dans l’administration, parce que c’était une place sûre. Alors qu’ici, ils végétaient. Moi, mes parents, ils se sont sacrifiés pour que je puisse faire des études, et partir travailler ailleurs. Alors, bon, je suis revenue à la retraite, pour les aider, c’étaient des petits agriculteurs en retraite, ils gagnaient pas grand chose, tout comme mon frère qui était resté au village, il a fait ce qu’il avait pu y trouver, pas grand chose.

L’investissement dans l’éducation des enfants (tous ont fait des études) est un devoir qui se transmet de génération en génération. L’ensemble de la vie est un devoir, qui impose des sacrifices. A l’image d’autres immigrés qui retournent au pays, lorsque leur devoir de réussite est accompli ailleurs, le retour rituel dans la maison d’origine est une récompense, une consécration et une célébration.

Madame Rastelière (60 ans)

  • ’Je n’aime ni les magasins, ni les cinémas, je n’aime rien, j’aime la montagne point final. On a été beaucoup arrêté par les enfants, et quand on rentrait du travail on était crevé, petit à petit on a renoncé aux choses. On a dit : ’on verra plus tard.’[ ] Et puis là j’ai plus eu envie du tout d’aller nulle part, sauf à L-P. : j’pense que c’est ma tanière, le refuge. C’est-à-dire que l’on a l’impression qu’ici rien ne peut nous arriver. Même si je sais que c’est pas vrai : ici les rocs sont tellement friables qu’ils peuvent nous tomber sur la tête. Eh ben ça fait rien, ça peut être entièrement faux, ça n’a pas d’importance.’

  • Madame Dubois (50 ans)

  • ’Venir ici c’est une façon de dire on est d’ici, et on n’est pas d’ailleurs. On est parti avec mon mari dans la région parisienne en 69 pour gagner notre croûte et moi j’avais 19 ans, on s’est marié en 71. Il fallait qu’on trouve du travail et comme le Département des Yvelines était déficitaire, mon père m’a dit : ’ il faut que tu partes’. Et il avait fait toutes les lettres et moi j’ai filé là-bas. Et, en fait on n’est pas si mal là-bas, on a fait faire notre maison et tout. Mais dans la tête et dans le coeur on est de L-P.’

  • L’une et l’autre ont suivi leur époux durant la vie active, mais ont obtenu en échange, que l’ensemble de leur temps libre soit consacré à la maison de L-P.

Le rapport au temps est circulaire et s’exprime dans cette tension singulière entre l’ailleurs qui attire et l’ici qui rappelle : les générations se succèdent en ce lieu des origines, les cycles de vie s’articulent dans ce va-et-vient, et la vie quotidienne s’organise autour de ce lieu unique et sacré dans lequel on se retrouve ’en tribu’. Les liens principaux sont ceux de la famille, les autres, amis, collègues sont des liens labiles, incertains.

Madame Dubois

  • ’On n’est pas des étrangers (là-bas) parce qu’on a trouvé un petit village où je suis directrice d’école, où j’arrive à faire mon trou, parce qu’on n’est pas dans Paris, on est dans un petit village. Mais dans mon coeur, c’est ici, donc j’ai besoin de cette petite maison, pour me dire quand je fais ma petite récréation, toc j’y pense, et j’arrive à survivre. Et mon mari c’est pareil. Ça nous oriente les projets, notre vie de famille autour des vacances. Cette année, puisque des gens vont revenir à L-P., on se dit : on sera pas tout seuls et on viendra là aussi, en gardant notre autre maison là-bas. On se dit on prendra le TGV, on mettra une voiture à Valence, et de Valence on vient ici : c’est-à-dire que l’on finit la classe à 16h30, à 17h00, je récupère mon mari à Paris, on prend le train on arrive vers les 21h00 à Valence, on prend notre voiture on arrive ici à 22h30. Pas tous les week-end, mais on peut le faire souvent  ’

Les frontières sont celle de la migration, celle de l’expérience vécue soi-même ou à travers le récit de la mémoire familiale : entre ville et campagne. La ville, lieu d’émigration nécessaire, lieu de réussite sociale possible ou déjà acquise, s’oppose avec une certaine ambivalence à la campagne, lieu d’origine mis à distance mais regretté. L’une et l’autre dans le discours, sont encensée et dénigrée, attirante et repoussante. La campagne est un lieu repoussant d’où il faut partir pour pouvoir réussir. Mais la ville est un lieu anonyme fait de béton, un lieu d’exil où l’on demeure étranger. La ville est le lieu de tous les possibles : la réussite ou l’échec. Elle incarne l’incertitude par excellence, celle qui traverse la vie entière de ces protestants, dont les ’places’ en ce monde ne sont pas données d’avance mais à construire. D’où l’attirance, commune à l’ensemble des interviewés, pour la fonction publique. D’où également la récurrence des thèmes de la ’sécurité’, de la ’sûreté’ associés à ces emplois. Le lieu d’origine, associé à l’image d’une campagne, hostile mais ’retirée’, à l’abri de tout changement, incarne la stabilité, la certitude d’une origine et d’une fin.

La terre ici est celle, sacrée, des ancêtres. Aussi petit soit-il, le cimetière familial est jalousement gardé et transmis. Pratique héritée de l’époque où l’Eglise catholique refusait une sépulture à ces ’âmes réformées’, certains protestants continuent aujourd’hui à inhumer leurs morts dans les cimetières familiaux, qu’une réglementation départementale est venue reconnaître. C’est d’ailleurs par un curieux retournement de situation, comme l’histoire en a le secret, que certaines des terres, parmi les plus pauvres, réservés alors à ces rites à peine tolérés, sont devenues aujourd’hui les plus prisées. Elles sont en effet situées sur les coteaux ensoleillés où résistent encore de nombreuses tombes, entourées de thuyas et ’plantées’ au milieu des vignes qui donnent naissance à la Clairette et à quelque autre vin d’appellation d’origine contrôlée.

On vend donc sans regret les quelques parcelles ingrates où se sont échinées des générations prétendantes de paysans, mais rarement la maison et encore moins le cimetière où l’on viendra soi-même reposer parmi les siens. Et quand, par malheur, un aïeul a dérogé à la règle, on rachète une parcelle de terre pour assurer de nouveau la continuité intergénérationnelle.

Monsieur Dubois – 80 ans, instituteur retraité ayant exercé à Valence, originaire de L-P. où il vient en résidence secondaire, avec ses enfants et petits-enfants.

  • ’Ici j’y ai pas de terre, j’y ai pas de revenu, j’ai rien. Mais j’ai gardé la maison, c’est tout. J’y avais ma mère, mais elle est morte à Valence, mais elle est enterrée près d’ici. On n’avait plus le cimetière ici, c’est mon père qui l’avait vendu avec les terres. Donc ici j’avais pas de terrain, alors à V. [commune proche, fief protestant également] ils ont bien voulu me vendre mon morceau pour enterrer mes parents’.

Une tension les traverse : entre l’ici, lieu d’un attachement généalogique et l’ailleurs, lieu des engagements professionnels et familiaux. Cette tension s’exprime avec le plus d’acuité à travers leur conception du développement local, et leur opposition forte à toutes les figures qui incarnent l’ancrage et l’engagement au pays. Ils se sentent moins distants des autres résidents secondaires, venus ici en ayant de bonne situation ailleurs et ayant contribué à restaurer le patrimoine local, que des autres habitants permanents. Qu’il s’agisse des paysans restés sur leur terre ou des néo-ruraux attirés par les places laissées libres par l’exode : tous sont, d’une certaine façon, tenus pour coupables. Coupables de ne pas ’avoir réussi’ à partir et d’avoir vendu le pays à des étrangers (résidents secondaires). Coupables, davantage encore, d’être venus au pays pour vivre de subventions. Car il est une vérité intrinsèque, que rien ne pourra démentir : il n’y a pas d’avenir possible ici, sinon celui de la célébration de la mémoire familiale et de sa transmission par delà les générations. Le clivage profond qui les oppose aux ’néo-ruraux’, est celui qui oppose les différentes vagues de migration qui se sont croisées sur cette enclave. Le fait d’avoir vu réussir des étrangers là où l’on a soi-même toujours pensé qu’il était impossible de le faire, le fait d’être né trop tôt, sur un lieu d’exode et de désolation, qui n’était pas encore un ’écrin préservé et prisé’, attise une certaine amertume.

Madame Paula, qui nous a été indiquée par une ’néo-rurale’ (Jeanne, figure de femme restée au front) qui l’a connu lors de son arrivée.

  • Ici, y’a rien à faire. Les ’néos’ qui sont venus, ils vivent de pas grand-chose, de subventions. Et puis, tiens, y’a Jeanne, c’est l’exemple d’une normalienne qui a mal fini. Quand son mari est parti, elle est allée se réfugier à LB (une communauté), et a quitté sa place à la Poste. Et elle est tombée sous l’emprise de LD (’chef de communauté’) qui les exploite, il les fait travailler et s’est mis maire. Ils sont là-haut entre eux. Y’en a d’autres des néos, même au village. Y’a les A., tiens : ils crèvent pas de faim puisqu’ils ont une voiture ! C’est un étranger, qui est venu ici, un qui savait pas que faire, qui a fait un troupeau mais qui doit vivre de subventions.

Dans ce cadre, le projet de territoire est une ’ineptie’. La lutte pour la revitalisation du pays, est perdue d’avance. On ne comprend pas d’ailleurs comment d’autres, résidents secondaires, touristes, peuvent y trouver quelque attirance. Le ’pays’, tantôt réduit au lieu exact des origines (pour évoquer sa propre vie) tantôt s’étendant aux limites du Haut-Diois, fief protestant, reste un pays ’ingrat’. Toute la distance et l’attachement protestants s’expriment à travers la description quelque peu surprenante d’un pays qui n’a rien pour lui, sinon des pierres et des montagnes arides, mais qui reste le seul où l’on se sent ’bien, car chez soi’. Pays ingrat, pays des racines ’coupées’ que l’on restaure le temps d’une visite ou d’une fin de vie, il ne peut qu’être dédié à la résidence secondaire.

  • Madame Rastelière

  • Relance : Vous avez entendu parler du district et du projet de territoire ?

  • Madame Rastelière : ’Je connais le district par les poubelles, mais je ne sais pas très bien, sinon : c’est une organisation administrative’.

  • Relance : Et les réunions sur les volets fermés, vous y avez participé299  ?

  • Madame Rastelière : ’Je trouve ça idiot. C’est la quadrature du cercle : comment voulez vous installer des gens dans un endroit où il n’y a pas de travail ?’

  • Son mari : ’Moi, j’y suis allé, je suis d’accord avec elle’.

  • Relance : Et dans le projet de territoire, il est question d’installer du travail ici, de créer des activités.

  • Madame Rastelière : ’Mais quel travail ? A part le télétravail, mais ça va pas chercher bien loin.

  • Relance : Et le tourisme ?’

  • Madame Rastelière  : ’C’est pas touristique, y’a rien à voir ici’.

  • Relance : Et par rapport à la proposition du district : de louer les maisons secondaires à des actifs ?

  • Madame Rastelière : ’On n’est pas d’accord. Pendant que l’on travaillait, on pouvait venir ici que pendant les vacances, on aurait pas voulu louer. On est chez nous ici, je vois pas pourquoi on y mettrait des étrangers. J’hésiterais à prêter ma maison à des amis. Celle d’Avignon tant que l’on voudra, mais ici : non’.

  • Sa fille : ’ça dépend de l’investissement de la famille dans la maison’.

  • Madame Rastelière : ’Oui, Paulette par exemple, elle achète une maison à V. qui n’est pas celle de son père ou de son grand père : elle la prête à qui la veut. Ici, la maison c’est l’histoire de la famille. Chaque pièce, chaque meuble a son histoire. Moi je sais par exemple dans quel lit sont morts et nés mes ancêtres. La maison ici elle date de plus de 300 ans, c’est la partie la plus ancienne du village, elle a toujours appartenu à la famille. Je sais par exemple qu’en 1834, une chambre a été faite, c’est celle d’à côté. Et bien depuis, on l’appelle la chambre neuve... On est attaché au passé ici’.

  • Relance : Et l’avenir, vous n’en parlez pas ?

  • Madame Rastelière : ’L’avenir ? Il est là (en montrant son petit-fils). Alors justement ici il faut que ce soit bien pour qu’il aime y venir, pour qu’il ait une maison de vacances. Ici c’est le pays de la liberté pour les enfants’.

Pour conclure, plus qu’un lieu des racines, la ’maison’ constitue l’incarnation de la lignée familiale : elle en est le point de départ et d’arrivée, le lieu de retrouvailles et de transmission de la mémoire, le pôle de stabilité et de pérennité au-delà des aléas auxquels on s’expose au dehors sur les chemins de la migration, le lieu symbolique qui donne son sens au sacrifice et au devoir. Elle est comme le suggère I. Chiva (1987, p.7) : ‘’le noyau qui promet le fruit et engendre l’arbre [...]’ .

Notes
299.

Suite à une enquête du district sur les résidents secondaires (recensement et questionnaire), des réunions locales ont été organisées afin d’une part, d’impliquer cette population dans le projet de territoire, et d’autre part, de leur proposer dans le cadre d’une OPAH, de louer leur propriété une partie de l’année.