722. Labilité des liens et substituabilité des lieux

Trois figures sont concernées : les citadines voyageuses, les habitants de lieux génériques, et les vagabonds. Leurs milieux sociaux, leurs parcours et leurs rapports au site d’étude sont très divers. Touristes aisés de passage, entrepreneurs locaux installés plus ou moins récemment, ou squatters naviguant entre divers réseaux et régions, ils ont cependant certains points communs. Leurs liens sont labiles, et les lieux qu’ils habitent, ’fréquentent’ ou ’squattent’ sont substituables. Il n’y a pas d’ici qui tienne à l’épreuve de leur recherche d’ailleurs, de performance ou de ’mieux-être’, autrement dit, de nouvelles expériences. Cela n’implique pas qu’ils naviguent entièrement à vue, sans maîtriser le temps et l’espace. Pour certains (vagabonds et habitants de lieux génériques), l’incertitude fait partie du ’voyage’ que représente, d’une certaine manière, la vie. Pour d’autres, il n’y a pas d’incertitude : on est partout chez soi et de nulle part en particulier.

La distanciation, soutenue par les valeurs individualistes et une rationalité instrumentale, est ici poussée à son plus haut degré. L’engagement, tel que nous l’avions défini plus haut, prend ici semble-t-il de nouvelle forme, proche de celle décrite par J. Ion (1997). L’individu s’engage en tant que personne singulière (et non plus comme membre d’un collectif). Il s’investit de manière plus temporaire selon des valeurs ou intérêts momentanés, qu’il partage en ’commun’ avec d’autres individus.