811. Les vécus de l’enclavement : diversité des flux migratoires et revalorisation symbolique de l’espace

’Enclavement’, le terme est a priori plutôt péjoratif, ou peu valorisant, pour ceux qui veulent faire reconnaître leur pays dans le paysage institutionnel dessiné par la nouvelle loi d’aménagement (LOADDT, 1999).

Mais en considérant de plus près la question, dire qu’une zone est une enclave, c’est aussi mettre en exergue le fait qu’elle est un territoire. Les géographes définissent en effet une enclave comme ’‘un territoire entièrement situé à l’intérieur d’un autre, sans lien direct avec l’unité principale’’308. Certes mal desservie et peu développée, l’enclave n’en est pas moins dotée d’une certaine homogénéité, ’l’unité des faibles’ construite par défaut (départ des entreprises, des ’forces vives’...), par manque (de moyens, de ressources, de dessertes...), favorisant parfois une certaine autonomie. Derrière l’enclavement, se profile alors l’image contradictoire de la ’ruralité’ : ruralité dévitalisée, ruralité ’privée’ ou au contraire ’préservée’ de tout développement. Enclavement et ruralité sont des notions qui définissent, à première vue, les qualités intrinsèques d’un espace. Dans une perspective sociologique, nous les appréhendons comme des construits sociaux, donnant lieu à des pratiques et des représentations diverses et évolutives. Nous serons ainsi amenée à montrer plus bas (section 82) que dans certains contextes, l’image dévalorisée d’une enclave rurale peut devenir la marque territoriale d’un espace ’préservé et précieux’, et offrir les voies d’une valorisation patrimoniale (chapitre IX).

Au préalable, penchons-nous d’un plus près sur les flux migratoires et les mobilités qui se sont succédés ou croisés sur cette zone dont l’enclavement et la ’ruralité’ n’ont pas toujours pris le même sens.

En effet, la géographie d’un espace ne détermine pas de manière mécanique les formes de son appropriation (M. Mauss, 1966). Les mêmes éléments géographiques peuvent prendre des sens différents selon le contexte social et historique (J. Rémy, 1998 b). C’est le cas de ce ’fond de vallée’ diois, qui a donné naissance à des flux migratoires différents selon les groupes et les époques. Le Diois est aujourd’hui un espace de convergence géographique entre ceux que l’enclavement a successivement repoussé, rappelé et attiré. Il est en même temps un espace de divergence entre usagers qui y coexistent ou s’y croisent. Nous avons vu en effet (chapitre III) que la zone d’étude, après avoir connu un exode important, fait actuellement l’objet d’une revitalisation par apport migratoire et qu’elle est investie par de nombreux touristes et résidents secondaires.

En portant le regard sur l’évolution de ces flux migratoires, force est de constater leurs relations. Ces liens s’éclairent à la lumière de deux éléments : les formes d’appartenance dont relève chaque groupe de migrants, et les interactions directes ou indirectes entre ces groupes.

Les figures d’appartenance, nous l’avons vu, ne se définissent pas exclusivement sur la zone d’étude. Certaines sont engagées ou attachées ailleurs, d’autres ont une relation très labile à leurs lieux et liens d’appartenance où qu’ils soient situés. Il y a enfin celles qui sont engagées ou attachées ici, et celles qui sont en tension entre ici et ailleurs. On renversera ici la perspective, pour comprendre les usages du lieu en référence aux ’vécus de l’enclavement’.

Globalement, on peut donc distinguer différents groupes selon leur rapport à l’enclavement.

Parmi les originaires du lieu, il faut distinguer :

ceux pour lesquels l’enclavement a été une incitation au départ pour construire ailleurs leurs engagements, mais qui sont restés attachés à ce lieu des origines (les figures en tension) ; ceux pour lesquels il a été une invitation au retour et à l’engagement dans le pays après migration (les figures des notables du pays) ; ceux pour lesquels il a été synonyme d’attache au lieu et à la profession des parents sans possibilité de départ, ni de promotion sociale (les paysans du cru successeurs du père).

Parmi les habitants permanents non originaires du lieu, on peut différencier :

ceux pour lesquels l’enclavement a été une force d’attachement local (les migrants attachés), une force d’engagement vis-à-vis d’un lieu d’enracinement (les migrants enracinés) ou d’un lieu potentiellement substituable à d’autres (les militants du local au global) ; ceux pour lesquels il a été une force de localisation en un lieu non équivalent aux autres (extériorité au monde environnent).

Enfin, pour les usagers non permanents et non originaires du lieu, l’enclavement représente une force d’appel temporaire, substituable pour certains (en extériorité), nécessaire pour d’autres (attachés).

Le départ des uns, l’arrivée des autres, le retour des premiers se sont largement entretenus. Les flux de migration ont, en ce sens, participé à la revalorisation symbolique de l’espace local, et transformé le sens attribué à son enclavement. Reprenons chacun de ces groupes et le sens particulier qu’a joué, pour eux, l’enclavement de la zone.

L’enclavement de la zone a tout d’abord été perçu comme un appel au départ. Les protestants, dont nous avons montré la tension entre deux pôles, ont largement alimenté l’exode qui a vidé la zone de ses ’forces vives’. On retrouve, dans leur discours, l’idée qu’il n’y a rien à faire ici et qu’il faut donc partir, pour faire carrière et construire une famille ailleurs. Ils sont les derniers témoins d’une époque, celle où la ville constituait un lieu de promotion et de réussite sociale, celle où les campagnes, encore densément peuplées, fournissaient leurs bataillons d’ouvriers à l’industrie et de fonctionnaires aux administrations publiques.

L’exode de cette première vague de migrants a laissé une place vide localement, que sont venus occuper les premiers touristes populaires (dans les années 1970), ceux-là même qui ont émigré vers la capitale ou les grandes villes pour devenir ouvriers (Madame Paulette, figure de fragile en errance). Ils sont arrivés dans les campings ouverts par les agriculteurs qui ont trouvé dans cette reconversion professionnelle une autre voie que celle de l’exode pour ’sortir de leur milieu’ (Figure ’en tension’, Monsieur Charmate), ou bien encore dans ceux ouverts par des migrants ayant profité de la ’place vide’ pour y développer une activité rentable (figure de l’extériorité, Monsieur Gladisse). L’enclavement de la zone a joué pour les uns et les autres (touristes et opérateurs touristiques) comme une force d’attraction vers un lieu ’accessible’ socialement et financièrement.

Il faut ajouter, dans le même mouvement, les Diois de souche, qui ont ’vendu leur pays’ (évoqué par Madame Beauchaine). Dans cette ’vente’ qui a engendré le développement des résidences secondaires, plusieurs agents sont intervenus. Les paysans du cru ont racheté les terres et laissé les habitations aux résidents secondaires (figure de Monsieur Bernard). D’autres, citadins en mal de racines (Monsieur Maléserbe) ou confrontés à la transformation de leur quartier d’origine (Monsieur Gaspard), ont investi la ’place vide’ comme espace de préservation et lieu conservatoire. A ce titre, il faut souligner le rôle particulier, dans nos sociétés urbaines, de la campagne, qui est ’un des lieux les plus chargés idéologiquement que l’Occident ait fabriqué309. Elle est en effet fondatrice de la propriété, collective tout d’abord et associée à l’identité villageoise, puis, en France notamment, familiale et associée au projet d’une République démocratique et égalitaire, par la ’propriété du plus grand nombre’. Ce que viennent chercher ces citadins dans cette enclave hors du temps et de la ville, c’est donc l’accès à la propriété, signe d’ascension sociale et le retour à une sociabilité villageoise - tout en échappant à son contrôle social par la multi-localisation. Lieu conservatoire, lieu d’entretien des liens familiaux, lieu d’appropriation de la terre et des pierres, la résidence secondaire est aussi l’objet d’une ’patrimonialisation ostentatoire310. On y cultive les racines et non plus les champs, le désir d’y retrouver un lieu préservé et non la volonté de le moderniser ; on y expose les signes fonciers et immobiliers de la réussite sociale, que l’on a construite ailleurs.

Sur d’autres scènes et dans d’autres milieux, ’Mai 68’ produit son lot d’expériences communautaires et de retours à la terre. L’enclavement de la zone et sa dévitalisation jouent alors pour les ’néo-ruraux’ (figure de Monsieur Terrot) comme force d’appel vers un lieu symbolique, la ’marge contestataire’ dont nous avons parlé plus haut (chapitre I). Le reclassement des forces politiques, qui avaient porté la révolte dans la capitale, vers les ’périphéries rurales’, est en effet symbolique (D. Léger, B. Hervieu, 1979). Il s’agissait de réinvestir les lieux abandonnés par la société urbaine et vidés par son modèle de développement (industrialisation, concentration des hommes et des activités...), pour y réaliser une utopie (retour au passé et construction d’un ’avenir meilleur’).

Ce premier réinvestissement symbolique et foncier de la zone n’est pas sans lien avec le retour de certains ’enfants du pays’ (figure des notables du pays). Leurs parcours de migration s’est construit en deux temps. L’enclavement de la zone a joué comme appel au départ pour faire ses armes ailleurs, puis comme force de rappel pour s’engager localement. Dans ce rappel, plusieurs éléments sont entrés en ligne de compte.

La migration est aussi une occasion de ranimer ou de faire naître une ’identité territoriale’311. L’éloignement, le dépaysement et surtout l’entretien des liens avec le milieu d’origine sont des facteurs favorisant la ’prise de conscience d’une identité locale’. La problématique de l’identité permet d’expliquer les formes d’identification au milieu, mais pas le mouvement de retour définitif et d’installation durant la vie active ici constaté. Il faut en revenir à celle de l’appartenance, qui s’est construite par la distanciation du milieu et le choix de s’y engager en ’contre modèle’ par rapport aux projets de promotion par l’exode (protestants) et en ’contre exemple’ des formes locales d’attachement (montrant que l’ancrage local n’est pas contraire à la promotion sociale et au maintien d’une ouverture sur l’extérieur). Certains auteurs312 ont en effet souligné qu’à l’époque de l’exode rural, ’ceux qui restaient’ estimaient que les émigrés avaient raison de partir, et qu’ils réussissaient mieux ailleurs (Monsieur Bouvière reconnaît ainsi, malgré le célibat forcé dont il a été victime, que les ’filles de son village’ ont eu raison de partir en ville).

En résumé, le réinvestissement symbolique, mais aussi foncier du lieu, a incité les migrants de retour à s’engager pour le développement de leur pays (’vivre et travailler au pays’) tandis que certains de leurs congénères se lançaient dans une logique d’agrandissement (paysans du cru), et que d’autres, partis travailler en ville, maintenaient leur patrimoine local pour y cultiver leurs racines (protestants).

On comprend mieux alors l’alliance des notables locaux avec certains néo-ruraux et le retrait, voire l’opposition, de certains autochtones vis-à-vis de leurs initiatives de développement local. Le ’conservatisme’ de ces derniers s’explique par le phénomène du ’dernier carré’ évoqué par G. Barbichon (1983, p. 331) : ’‘Ceux qui restent [...] sont capables de développer, tout en bénéficiant de la place congrue mais néanmoins indispensable laissée par les partants, un esprit d’occupation jalouse du terrain et de préservation de la vie locale. Cette appropriation tend à repousser les initiatives des originaires touchant à la vie locale [...]. Une image magnifiée d’eux-mêmes a été renvoyée de l’extérieur aux survivants, privilégiés enrichis ou laissés-pour-compte ; effet de miroir flatteur, pour une part importante due aux migrants, cette image crée ou renforce une conscience d’identité, laquelle peut se retourner contre ceux-là même qui ont contribué à la susciter’ ’.

Ce second réinvestissement du lieu, associé au contexte de la crise urbaine et de l’emploi (années 80-90), a entretenu l’attractivité de la zone, auprès d’autres migrants et de ’visiteurs occasionnels’.

Parmi les premiers (migrants), l’enclavement joue différemment selon les parcours et les profils concernés. Certains jeunes arrivent par les filières du travail saisonnier ou par le bouche à oreille sur les ’traces des soixante-huitards’. Les flux de migration de néo-ruraux ont en effet alimenté à l’extérieur, l’image d’un lieu de tolérance envers la différence ou la marginalité, d’un espace de liberté en marge des espaces urbains et de leurs normes, d’une zone d’accueil avec ses réseaux d’entraide (squat, travail au noir, ’petits boulots’). Nous les avons vus en effet dans les rues de Die, et tous nos interlocuteurs anciennement installés nous en ont parlé, avec la fierté de pérenniser la tradition d’ouverture mais aussi avec une certaine inquiétude face à cet afflux qu’il faut ’gérer’, ’intégrer’ ou ’contenir’. Ils représentent pour certains, des ’zonards des villes’ qui rappellent l’utopie que l’on a soi-même révisée pour s’installer et s’intégrer ici (Monsieur Arthéna par exemple). Ils sont aussi perçus comme des ’jeunes de la galère’, qui alimentent l’engagement social de certains ’passeurs de frontières’ (Monsieur Grilet). On peut penser qu’une partie d’entre eux sont le produit de la crise de l’emploi qui allonge et complexifie les parcours d’insertion professionnelle. Ils sont dans la période que d’aucuns ont nommé le ’moratoire jeune’313 : phase de ’vagabondage’ (Michel, chapitre VII) où l’on navigue entre divers lieux et milieux ; phase de transition, professionnelle, familiale et sociale, qui n’est pas forcément synonyme d’exclusion. Ces figures de jeunes marquent les esprits dans une zone où, depuis longtemps, on assiste au départ des forces vives. Certains acteurs soulignent la sélectivité des flux d’entrée, sur un territoire ’à part’ qui attire des jeunes ’artistes’, ou ’qualifiés’ mais en marge (selon Madame Azéma). D’autres insistent au contraire sur la sélectivité des flux de sortie dans une enclave rurale qui continuerait effectivement à repousser les mieux formés314 (selon les notables locaux) et attirerait les plus démunis (selon les néo-notabilisés).

D’autres migrants, plus âgés, sont perçus comme des ’exclus de la ville’. Ceux que nous avons rencontrés connaissaient une certaine précarité d’existence. Si certains, issus de milieux populaires, sont confrontés à la marginalisation locale et professionnelle (ouvriers des champs), d’autres cultivent une ’marginalité assumée’ au sein de réseaux relativement étendus (femmes restées sur le front). La pauvreté produit en effet ses propres hiérarchies. Les ressources constituées avant la migration (notamment les ressources culturelles), et le vécu de la pauvreté semblent déterminants dans les parcours d’intégration locale : lorsque la pauvreté est vécue comme ’choix de vie’, la sociabilité est maintenue au sein de réseaux d’entraide et la ’disqualification sociale’ est tenue à distance, mais lorsqu’elle est vécue comme ’échec’ elle engendre le repli sur soi, ce qui contribue à l’exclusion). La migration dans cette enclave n’est jamais synonyme, au départ, de refuge ou de repli, mais plutôt de choix de vie dans un lieu ’du possible’ (comme voie de promotion sociale par l’accès à la terre et au statut d’exploitant; comme voie d’épanouissement personnel dans un cadre de vie privilégié...). Le parcours d’intégration locale et la capacité, différente, de maintien des liens avec l’extérieur, viennent redéfinir le rapport à cette enclave. Pour certains, elle devient une prison (ouvriers des champs), pour d’autre un espace refuge (vagabonds) pour d’autres encore, une niche préservant des risques de stigmatisation (femmes restées au front).

Pour certains migrants (Messieurs Barnabé et Lorcain, Madame Trémini notamment), l’enclavement a joué un rôle similaire à celui qu’il a représenté pour les néo-ruraux des années 1970, mais avec un déplacement de l’utopie. Il s’agit de ’changer de vie, plutôt que de changer la vie’ (Prado, 1997, p. 2). L’enclavement n’est plus perçu comme une marge abandonnée de la société urbaine, mais comme un écrin préservé offrant un cadre de vie associant les avantages de la campagne à ceux de la ville. On voit ici les effets d’entraînement des précédents migrants (néo-ruraux, et originaires de retour) sur l’attractivité de la zone. En effet, la mobilisation locale a permis de préserver un certain nombre de services et d’équipements (hôpital, lycée notamment) et l’investissement des ’soixante-huitards’ a produit ses fruits tant au niveau culturel (cinéma art et essai, médiathèque, festivals...) qu’environnemental (développement de l’agriculture biologique, tri des déchets).

Cette valorisation du cadre culturel et naturel joue également sur la fréquentation touristique de la zone. L’enclavement devient alors comme une ’image de marque’ par rapport à d’autres zones où s’est développé le ’tourisme de masse’ (la côte d’azur est perçue comme un lieu ’repoussoir’, pour les acteurs investis dans le développement local, les opérateurs touristiques et ces nouveaux touristes). Ces derniers, issus de couches moyennes et aisées, s’adonnent aux plaisirs du ’tourisme vert’ ou culturel (citadines-voyageuses), dans les structures montées, pour la plupart, par des migrants (soixante-huitards, porteurs de projet ayant choisi la zone pour son cadre de vie). La fréquentation d’un espace encore ’confidentiel’ offre à ces touristes un support à leurs pratiques distinctives. Ce type de tourisme, privilégié dans les politiques de développement du Diois, offre aux acteurs locaux des perspectives économiques qui leur paraissent plus prometteuses que le tourisme social, ainsi qu’une relation d’échange plus valorisante (clientèle avec laquelle les néo-ruraux notamment cultivent une plus forte affinité élective).

Ces flux se sont donc alimentés les uns et les autres, engendrant une revalorisation de la zone mais aussi des conflits d’usage et des alliances. Ces ’strates’ de population se sont sédimentées, et si l’on en fait la ’coupe’ aujourd’hui, on découvre un certain partage de l’espace. Les migrations et les mobilités qui traversent la zone ne sont pas des mouvements hiératiques concernant des individus isolés. Elles suivent une logique de réseaux (émigration et immigration), de regroupement selon le système des colonies (la présence d’immigrés déjà installés favorisant l’arrivée de nouveaux, à proximité), et engendrent des comportements de défense du ’dernier carré’ par les plus enracinés. Toutes ces logiques produisent au final un certain ordonnancement territorial. Il ne s’agit pas d’un ordre définitivement établi, mais du résultat, provisoire et conflictuel, des rapports de force entre usagers de l’espace.

L’une des communes enquêtées, celle où nous avons rencontré Monsieur Bernard (figure du paysan du cru) et Madame Pécan (figure du militant du local au global), constitue en quelque sorte une ’synecdoque’ de cet ordonnancement. Il s’agit, pour reprendre B. Debarbieux (1995) d’un ’lieu générique’, c’est-à-dire d’une reproduction en modèle réduit du territoire.

Le village-centre a été vidé par l’exode des natifs partis faire leur vie ailleurs. Les terres attenantes ont été rachetées par les agriculteurs qui sont restés et qui se sont lancés dans une logique d’agrandissement. Le bâti fut laissé à l’abandon, jusqu’à ce que les émigrés ou leurs enfants y reviennent en résidence secondaire ou en retraite (patrimoine ostentatoire). Les néo-ruraux se sont installés dans les marges, y trouvant pour les premiers arrivés un ’front pionnier’ où réaliser leur utopie de ’retour à la nature’ et de mise à l’écart de la société urbaine. Certains d’entre eux, notabilisés, sont redescendus dans le bourg centre de la vallée (Die), tandis que de nouveaux arrivants réinvestissaient les mêmes marges du village selon une autre utopie : le chalet isolé et la route goudronnée. Enfin, ceux qui sont restés tentent aujourd’hui de défendre et de transmettre ’leur dernier carré’, dans l’espace qui leur est laissé par les deux autres groupes de cette ’société locale’.

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Au final, ces vagues de migration et de mobilité ont fait de cette enclave un espace de convergence géographique entre groupes dont les échelles de référence spatiales et temporelles divergent.

Notes
308.

THERY H., 1992 - Enclave, in : BRUNET R. et al. : Les mots de la géographie, Ed. Reclus – La Documentation Française, p. 171.

309.

PRADO P., 1997 - Brits et Brets et la ’réinvention de la tradition’ à la campagne, in : ’Nouveaux usages de la campagne et patrimoine’, Séminaire, Die, 17-20 juin, p. 308.

310.

MIRANDA A., 1997 - Les migrants de retour et la ’patrimonialisation’ du monde rural italien, in : ’Nouveaux usages de la campagne et patrimoine’, op. cit., p. 228.

311.

BARBICHON G., 1983 – Migration et conscience d’identité régionale. L’ailleurs, l’autre et le soi, in : Cahiers internationaux de sociologie, Vol. LXXV, pp. 321-342.

312.

MERLIN P., 1971 – L’exode rural – suivi de deux études sur les migrations. Prés. par A. Sauvy, Ed. PUF, coll. Travaux et documents, cahier n° 59 de l’INED, p. 135.

313.

GALLAND O., 1991 – Sociologie de la jeunesse. L’entrée dans la vie, Ed. Armand colin, 231p.

314.

PERRIET-CORNET P. (coord.) 1997 - Rapport intermédiaire, fascicule 6 : Les jeunes, l’emploi et le dispositif d’insertion. INRA-ENESAD, Dijon, p. 4 : Entre 1982 et 1990, les taux de mobilité des jeunes actifs (18-29 ans) s’élevaient avec leur niveau de qualification.