Section 92. Les frontières sociales du territoire : ponts, filtres ou barrières ?

Le modèle de développement qui se met en place vise à concilier deux exigences a priori contradictoires : la nécessaire ouverture (apport de populations et d’activités nouvelles) et la volonté de préserver la qualité de vie et d’environnement des habitants.

Il en découle des tensions qui traversent les acteurs locaux et des transactions menées à travers le projet de territoire. Les débats et les hésitations à l’égard de la définition du ’grand objectif’ de la Charte du Pays Diois sont à cet égard tout à fait éclairants. Entre la présentation de cette Charte lors des ’Rencontres des territoires du réseau Mairie-conseils’ (octobre 1999) et son édition (mars 2000), il a en effet changé. La Charte du Pays Diois éditée, destinée aux partenaires extérieurs, affiche un objectif plus ouvert que le premier document, résultant des commissions locales animées par le District. Dans la Charte éditée en mars 2000, il s’agit de ’vivre mieux et plus nombreux’ tandis que dans le premier document d’octobre 1999, on affirme la volonté de ’vivre mieux et un peu plus nombreux’. Tout l’enjeu de la définition des frontières sociales tient à la recherche de cette juste mesure entre le ’plus nombreux’ et le ’un peu plus nombreux’. A d’autres échelles, dans le débat politique et médiatique, la question de l’immigration est souvent posée en des termes similaires : en fonction de ce que le territoire est capable de ’digérer’, avec l’évocation d’un seuil de tolérance, et selon l’évidence qu’on ne peut accueillir toute la misère du monde.

L’étranger, dans le cas du Diois, est incarné par la figure de la ville. Ceux qui sont restés ne sont pas prêts à remettre en question la qualité de vie acquise ici, pour devenir des ’marchands d’espace vert’ ou les bailleurs sociaux de ceux que la ville rejette. En même temps, l’attractivité renouvelée de cette enclave rurale participe à sa revalorisation économique et symbolique. Enfin, la tradition locale de l’accueil et la mémoire d’une zone refuge maintiennent une certaine ouverture.

Ouverture contrôlée, sélective et négociée : voici l’objectif visé par les acteurs locaux à travers la mise en place des frontières sociales du territoire.

Ces frontières renvoient à deux niveaux d’intégration : l’attraction sur le territoire par des outils de communication et d’aide à l’installation (premier point) ; l’ancrage local durable d’une population active (second point).