On ne saurait parler des enjeux locaux de l’installation et de l’attraction, sans aborder la question de la concurrence foncière entre usagers de l’espace. Espace de convergence comme nous l’avons vu plus haut, cette enclave rurale préservée attire aujourd’hui son lot de touristes, de résidents secondaires, de candidats à l’installation et de porteurs de projets. Autant de consommateurs d’espace qui n’ont pas, loin sans faut, les mêmes moyens pour acquérir un morceau de rêve rural, qu’il s’agisse d’un lopin de terre à cultiver, d’une parcelle constructible ou d’une maison de village où passer ses vacances.
L’exploitation des fichiers de la SAFER403 permet de faire apparaître l’importance des achats de terrains bâtis en statut ’non agricole’ dans l’ensemble des notifications faites à cet organisme de 1992 à 1997 concernant le Diois. On peut présumer qu’une bonne partie d’entre eux sont effectués par des résidents secondaires et des retraités (la part de ces derniers dans la population totale du Diois est passée de 23,5 % en 1982 à 27% en 1990). Le développement des résidences secondaires alimente la hausse du prix du foncier et peut conduire à évincer d’autres acheteurs potentiels, les candidats à l’installation souvent moins pourvus financièrement. Ce phénomène devient alors un handicap pour le développement durable du territoire.
L’importance des résidences secondaires avait d’ailleurs été soulignée en 1994 dans le ’Livre blanc sur l’habitat du Diois’404, autre cheval de bataille local. Dès 1991, le Diois fut choisi comme site pilote par la Caisse des Dépôts et Consignations et la Fédération Nationale de l’Habitat Rural, pour mener des études-actions sur l’habitat et le développement local. Le Programme Local de l’Habitat (1991) mené en partenariat entre le SAD et le Comité d’Aide pour le Logement de la Drôme (CALD) s’insérait dans le projet de territoire et devait répondre aux objectifs de développement et de préservation du Diois défini comme ’un territoire à l’environnement et aux paysages d’une qualité exceptionnelle ; un territoire vivant ; un territoire maître de sa destinée’ . Maîtrise qu’il s’agissait donc de renforcer par le levier de l’habitat. Il en découla la ’proposition d’une stratégie pour l’habitat’ à laquelle aboutit ce Livre blanc, avec trois objectifs qui seront poursuivis par la suite :
une action de revitalisation des coeurs de village ;
l’amélioration de la capacité de réponse des communes aux projets d’installation supposant une politique communale de logement locatif et d’acquisition de foncier ;
le maintien de l’habitat permanent sur l’arrière pays.
Au total, trois Opérations Programmées d’Amélioration de l’Habitat (1984, 1991, 1999) ont tenté de répondre à ces objectifs. Mais certaines difficultés demeurent en 2000, signalées dans la Charte du Pays Diois. Le poids des résidences secondaires sur le prix du foncier et la concentration des logements rénovés ou construits dans la vallée accentuent encore le déséquilibre avec le Haut Diois où se poursuit la désertification.
Autrement dit, ceux qui habitent ici n’y travaillent et n’y vivent pas pour une grande partie.
Ce contexte alimente le sentiment, parmi les acteurs locaux, que l’appropriation de la zone risque d’échapper au contrôle de ses habitants permanents.
D’où l’enjeu de mieux définir localement l’image que l’on entend donner de la zone à l’égard de ceux, touristes ou candidats éventuels à l’installation, qui contribuent aussi de l’extérieur à la qualification du Diois.
D’où, également, la bataille autour de l’installation d’actifs qui devient, pour les acteurs institués, un enjeu de revitalisation et un symbole de reprise en main du contrôle territorial et du développement local.
Voir en annexe n° 5 du chapitre 9 : le bilan des notifications de la SAFER
QUILLET P., 1994 – Livre Blanc du Diois – Habitat et développement local. Service d’étude et opération habitat du CALD, Valence, 45 p. + annexes.