L’ancrage local des jeunes constitue une autre préoccupation essentielle pour l’avenir de la zone. Mais cette question n’est pas abordée sous le même angle par tous les intervenants locaux. Du point de vue des acteurs du champ social, la question est celle de l’insertion : quel avenir pour ces jeunes en milieu rural ? Pour ceux du champ du développement local, il en va de l’avenir du pays de savoir retenir ou rappeler ses ’forces vives’.
Plusieurs actions ou démarches ont porté sur la question, rassemblant des acteurs de ces deux champs. Leurs questionnements renvoient au cercle vicieux de la dévitalisation : sans jeune pas d’avenir, sans avenir pas de jeune.
Une première action, menée auprès du public adolescent, a cherché à l’impliquer localement afin de préparer son maintien ou son retour au pays. Une seconde action, abordant la question en termes d’insertion sociale, a concerné l’accès au logement. Enfin, une troisième, orientée vers le développement local, a porté sur la question de la volonté et de la possibilité de ’vivre et travailler au pays’.
Reprenons chacune de ces trois démarches, avant d’élargir le propos sur les pratiques locales d’insertion et le rapport à la migration.
Rester ou revenir au pays
L’invitation de jeunes lycéens aux rencontres de Fabrégas fut l’occasion de les associer étroitement au projet de territoire et par là même de les impliquer dans le devenir du pays. Il n’est pas étonnant dans ce cadre que leur participation ait été située dans l’atelier ’vivre dans le Diois’.
Cette action s’inscrit dans une convention signée avec Mairie-conseils (1998-1999) sur l’expérimentation de la démarche ’collèges, lycées, territoire’. Selon la perspective de Mairie-conseils, il s’agit, en créant des liens entre les organismes de formation et les structures de développement local, de faire apparaître les potentialités d’emplois en zone rurale, sans pour autant impliquer l’idée d’un retour dans le pays d’origine. D’où les débats et les hésitations qui ont traversé les acteurs locaux. Certains, les plus attachés (néo-notabilisés), voyaient dans la méthode un outil permettant aux jeunes de ’vivre et travailler au pays’. L’idée était de définir les activités susceptibles d’être créées localement afin de faciliter leur insertion professionnelle sur la zone. D’autres (migrants enracinés) ont insisté, notamment lors des journées de Fabrégas, sur la nécessité d’accepter la migration des jeunes pour favoriser leur insertion professionnelle. L’orientation de la Charte du Pays Diois, résultat d’une transaction, concilie les deux objectifs en laissant le champ ouvert au départ, mais aussi au retour : s’il est souhaité que les jeunes reviennent après leurs études ou une expérience professionnelle, on reconnaît aussi ’qu’il n’est pas souhaitable que tout se fasse sur le territoire’.
Se loger au pays
Rester ou partir ? La question ne se pose pas dans les mêmes termes, pour ceux qui ont décidé de s’installer dans le Diois sans avoir les ressources financières nécessaires au soutien familial local. L’accès au logement, nous l’avons vu, est un véritable problème sur la zone. Non seulement les logements sont rares, mais en plus les locations saisonnières à prix fort auprès des touristes présentent des avantages incomparables pour certains bailleurs locaux.
Face aux réticences de certains propriétaires à louer leur patrimoine à de jeunes migrants (souvent associés aux images de ’zonards des villes’, ’baba-cools’ ou ’saisonniers de passage’), un médiateur a été mis en place par la Mission locale pour les jeunes. La médiation intervient ici pour réajuster des typifications réciproques stigmatisantes ne permettant pas la transaction.
Un comité de pilotage s’est constitué pour suivre cette action et trouver des solutions d’ensemble au problème de l’accès au logement autonome pour les jeunes. Présidé par l’association ’partenaires vallée de la Drôme’ (réunissant les antennes de la Mission locale de la Drôme, et le CALD), ce comité a réuni durant l’année 1999, des acteurs du champ social (DDASS, Direction Sociale du Conseil Général), du secteur du logement (Société HLM, Agence immobilière, DDE), de la formation (CFPPA), le représentant de l’Etat (Sous-préfet) et de la ville de Die (adjoint au maire).
On remarquera, d’une part, l’absence du DRDD dans ce comité privilégiant le développement social, d’autre part, l’aire géographique de cette opération, limitée à la ville de Die. Les acteurs en présence ont d’ailleurs souligné la nécessité d’étendre cette action à l’ensemble de la vallée du Diois.
Trois objectifs étaient fixés : l’accueil et l’accompagnement des jeunes pour l’accès à l’offre de logement ; le repérage et le recensement de l’offre de logements sur Die ; la mise en place d’un observatoire du logement avec l’ensemble des partenaires.
La composition du public accueilli en 1999 (24 jeunes) est variée : stagiaires (5), saisonniers ou en contrat à durée déterminé (6), chômeurs (4), bénéficiaires du RMI (3), jeunes sans ressources (2), ou ayant trouvé un emploi stable sur la zone (4). La moitié d’entre eux vivent avec moins de 3000 francs par mois et huit seulement ont un revenu supérieur au SMIC. Leur plus grande difficulté reste l’accès aux sources d’informations et la mise en confiance des bailleurs potentiels, dans une petite région où on loue par interconnaissance, ou de manière saisonnière au plus offrant (touristes).
D’après l’enquête effectuée par le comité, les jeunes s’adressent principalement aux bailleurs privés, qui se montrent fort réticents en l’absence de garanties financières suffisantes et vis-à-vis des comportements qu’ils attribuent à certains jeunes (surpeuplement des appartements, sous-location ou vie communautaire).
Les débats ont montré que deux questions devaient être distinguées : l’accueil d’urgence accompagné d’une aide à l’insertion pour les jeunes les plus déshérités ; le rapprochement de l’offre existante et de la demande solvable pour les jeunes les plus insérés et proches de l’emploi.
Travailler au pays
Ceci nous amène à traiter de la troisième approche orientée vers le développement local, avec la question ’vivre et travailler dans le Diois ?’ posée par le DRDD.
Une table ronde sur le sujet a été organisée en novembre 1998 à la cave coopérative de Die (premier employeur privé de la zone).
Elle a réuni des élus (Madame Beauchaine, Monsieur Monfavet, Monsieur Faucilliat, Monsieur Terrot), des employés communaux (adjoints aux affaires sociales et aux affaires économiques de la ville de Die), des agents du DRRD (Monsieur Pochard), des entrepreneurs de la plate-forme de développement local (dont Monsieur Rougeot) et du secteur viticole, des agents de la Mission locale (Monsieur Stéphane et Madame Aséma), des agents du site de proximité (Madame Trémini), le représentant de l’association d’insertion locale (Monsieur Olivier), des formateurs du CFPPA et du GRETA, ainsi que des jeunes en formation (7) ou suivis à la Mission locale en tant que bénéficiaires du RMI (3).
Les débats ont montré les attentes décalées des uns (les acteurs du développement local) et des autres (les jeunes), ainsi que le rôle de médiateur des professionnels de l’insertion et de la formation.
Pour les premiers, la question est la suivante : quelles sont les ’motivations’ des jeunes pour vivre et travailler ici (implication dans le projet de territoire ) et quels sont leurs projets d’activités ? Pour les jeunes, la motivation est conditionnée par la possibilité de profiter d’un cadre de vie de qualité, d’un environnement préservé, et pour certains de vivre ’isolés dans les montagnes’. Et la question du projet est posée en termes d’accès : accès au logement avant tout, accès à l’emploi salarié ensuite, accès à la terre pour ceux qui développent un projet agricole. En réponse au problème du manque d’emplois salariés évoqué par certains jeunes, les acteurs du développement local opposèrent un modèle de développement ’malthusien’ et plus endogène : ’‘Le Diois c’est d’abord la terre. On va pas réimplanter une usine Rhône-Poulenc pour créer des emplois’ (un viticulteur originaire du Diois) ; ou encore de façon plus nuancée : ’Il y a quelques années on avait l’espoir qu’il y aurait des entreprises importantes qui viendraient. Or on s’est aperçu que ce qui était plus fécond, c’était plutôt les créations endogènes, dans l’agro-alimentaire, le bois, le bâtiment, le tourisme, ce qui peut s’appuyer sur des choses locales’ ’ (Monsieur Faucilliat).
L’expérience migratoire de chacun des intervenants est largement intervenue dans la manière d’aborder la question de l’insertion professionnelle et de l’ancrage local des jeunes .
Monsieur Terrot, débutant le tour de table, fit le même type d’intervention qu’à d’autres réunions. Mais son exposé, où s’imbrique étroitement l’histoire du pays et sa propre histoire, prend une teneur particulière vis-à-vis d’un public de jeunes migrants. Le message qui leur est adressé est celui d’un néo-rural qui s’est accroché là où les jeunes du pays fuyaient, et qui a réussi à faire de ce lieu déserté, un ’bassin envié’. Le tableau qu’il brosse de l’évolution de l’intercommunalité (’de l’époque quantitative des pompons financiers à l’époque qualitative’) montre une prise de conscience de la nécessité de ’faire attention à ce que l’on attrape’ afin d’y ’vivre mieux’. Il ne s’agit pas pour autant de fermer la porte aux jeunes qui arrivent ou restent aujourd’hui, il est clairement dit que : ’les jeunes c’est notre avenir’. Il s’agit de montrer les efforts et la volonté du District de leur permettre de rester vivre ici, à travers un modèle de ’participation active’ (commissions locales) et d’entrepreneuriat local (site de proximité permettant de créer son activité).
Le retournement de position de Monsieur Rougeot est assez significatif du positionnement difficile de ces néo-ruraux qui ont réussi, face aux jeunes migrants qui arrivent alors que les places sont prises. Garde-fou contestataire et s’estimant étranger en terre dioise lors de notre premier entretien, il s’exprime ici en tant qu’employeur proposant des emplois (dans le bâtiment) sans trouver de main d’oeuvre. Il relativise alors les problèmes d’intégration qui existent ’comme partout’, et qu’il a lui-même réussi à dépasser par le travail. Reprenant le mythe du front pionnier et incarnant lui-même la figure du self-made man, il estime que la qualité de ce pays tient à la possibilité d’y réussir et d’y être reconnu par le travail. Le problème de l’insertion des jeunes n’est donc pas, selon lui, le manque d’emplois, mais ’l’inadaptation des personnes qui viennent dans le Diois avec un projet qui ne s’inscrit pas dans la démarche du pays’.
Pratiques d’insertion et expériences migratoires
La manière d’aborder la question de l’insertion par les travailleurs sociaux tient également à leur expérience antérieure et notamment migratoire. Le modèle de la transaction permet d’éclairer l’imbrication du biographique et de l’institutionnel dans les pratiques professionnelles. Nous sortons ici du cadre étroit de la réunion évoquée plus haut pour montrer comment l’expérience migratoire des acteurs sociaux intervient dans leur pratique d’insertion. Ce qui alimente la thèse d’une mobilité constitutive de la dynamique territoriale.
Deux des travailleurs sociaux, présents à cette réunion et interviewés (Messieurs Stéphane et Olivier) constituent à cet égard des figures emblématiques de deux parcours migratoires qui ont donné lieu à deux formes de rapport à l’insertion.
L’un et l’autre sont positionnés sur des publics similaires. Monsieur Stéphane ’accompagne’ (selon ses termes) les bénéficiaires du RMI439 reçus à la Mission locale, et Monsieur Olivier ’gère’ les personnes à la recherche d’activité qui se présentent auprès de l’antenne dioise d’une association d’insertion intervenant sur toute la vallée de la Drôme.
Leur démarche n’est pas là même. La position de Monsieur Stéphane est d’accompagner la personne vers l’emploi, par la formation et l’incitation à la mobilité (voir chapitre VI), tandis que pour Monsieur Olivier, il s’agit de ’remettre un pied à l’étrier’ à des personnes en voie d’exclusion en les mettant à disposition d’employeurs locaux (artisans, personnes privées) pour la réalisation de missions ou de services de courte durée (type intérim d’insertion). Une orientation vers la formation ou la Mission locale est parfois envisagée pour permettre le retour progressif vers l’emploi classique. Mais dans la majorité des cas, il s’agit de permettre aux personnes de continuer à vivre ici en ayant accès à des ressources et à des relations sociales.
Les deux se rejoignent pour reconnaître que le Diois présente l’avantage d’être un cadre relativement protecteur pour les personnes en difficulté (réseaux de solidarité, absence de délinquance, emplois saisonniers...) mais où les opportunités d’emploi sont réduites et où l’interconnaissance peut aussi accentuer les effets de stigmatisation.
Après un parcours similaire jusqu’à leur arrivée sur le Diois (difficultés sociales et professionnelles), la mobilité et l’ancrage local ont joué des rôles presque inversés dans leur processus de réinsertion sociale et professionnelle. Globalement, on peut dire que la ’sortie’ du territoire a permis à Monsieur Stéphane d’acquérir les ressources nécessaires à son ancrage local et à son insertion professionnelle (sur le modèle des notables du pays) tandis que pour Monsieur Olivier, c’est en s’accommodant aux conditions d’emploi et de vie locale qu’il a réussi à se faire accepter et à y construire sa place en renonçant à faire carrière ailleurs (sur le modèle des néo-notabilisés).
L’expérience de réinsertion de Monsieur Olivier : s’accrocher ici ...
’J’ai débarqué en 85 en ayant besoin pour des questions personnelles de changer d’air, et ayant décidé, parce que le coin me plaisait, de débarquer dans le Diois. Je ne connaissais personne, je n’avais pas de logement et pas de boulot. Je sais pas mais bon, progressivement j’ai trouvé un boulot. Mais bon ça s’est fait avec une volonté forte de rester dans le Diois, parce qu’en parlant de logement, j’en ai trouvé facilement parce que j’ai acheté une ruine, j’ai habité dans la cave pendant un an. Voilà, c’est un choix et question boulot j’ai fait tout, tout ce qui se trouvait, avec d’abord en priorité l’objectif de rester dans le Diois plus que de faire une carrière professionnelle’.
et sa pratique d’insertion : gérer localement la pénurie d’emploi
’Y’a quelques fois des ponts entre Crest et Die mais c’est très rare, parce que en général les boulots qu’on obtient, c’est des boulots avec peu de qualification. Donc y’a aucune raison de faire déplacer des gens pour des boulots sans qualification particulière, et on ne prospecte pas d’offre d’emploi à l’extérieur de notre zone géographique. Y’a un peu plus de grosses boites mais y’a aussi plus de salariés qui sont en attente à Crest, donc c’est exceptionnel quand à Crest ils n’arrivent pas à trouver quelqu’un pour répondre à l’offre. La question c’est aussi que le marché du travail, il est quand même bien saturé, et y’a un réel problème de demande d’emploi par rapport au nombre de demandeurs d’emploi. Donc dans une zone comme Crest où on a un déficit d’emploi, on va pas résoudre la question en envoyant des gens de Die à Crest. Donc on essaye de travailler plus localement [...] En fait c’est pas de trouver du boulot stable, enfin on n’est ni une ANPE bis, ni un service de placement ou de recrutement ou autre. C’est plus de faire en sorte que les personnes puissent vivre des expériences de travail qui soient positives [...]’.
L’expérience de réinsertion de Monsieur Stéphane : un pied ici, un pied ailleurs...
’Donc j’étais RMIste ici sur Die, et j’ai fais un stage, un bilan d’orientation, c’est pour ça aussi les bilans maintenant j’en prescris des bilans, les gens me disent : ’ça sert à rien les bilans’ ’Mais si, si je suis là, c’est qu’y a eu un bilan’ . Et lors de ce bilan que j’ai décidé de devenir formateur et j’ai été soutenu par ceux qui me faisaient le bilan (à Crest) et j’suis allé à Lyon faire une formation de formateur, et dans cette formation il fallait faire un mois d’alternance et le mois d’alternance en entreprise je l’ai fait là où j’étais moi-même stagiaire quelque mois avant, j’étais passé de l’autre côté de la barrière’.
et son rapport à l’insertion : ’savoir se rendre mobile’
’Mais je crois que la mobilité avant d’être pratiquée, d’être réelle, elle est dans la tête des gens. Quand on arrive à se rendre mobile dans la tête..
Relance : Et ça, ça dépend de quoi alors ? D’un niveau de formation...
’Ben des gens, j’veux dire si avant de chercher un emploi, on se dit je peux pas y aller parce que c’est trop loin, à mon avis on prend le problème à l’envers[..] Alors oui c’est un problème parce que sur Die y’a deux centres de formation (GRETA et CFPPA) et souvent les demandeurs d’emplois prennent le problème à l’envers : comme y’a des centres de formation ici, ils vont voir les centres et ils choisissent une formation, alors que la logique voudrait qu’ils réfléchissent avant sur un projet et qu’après ils cherchent le centre de formation le plus approprié qui n’est pas forcément sur Die, mais donc ils choisissent souvent la facilité en allant sur Die’.
L’aide à la mobilité est prise en compte, mais l’échelle envisagée n’est pas la même entre Monsieur Olivier et Monsieur Stéphane. Ce dernier, nous l’avons vu, raisonne au niveau de la vallée de la Drôme pour la formation et au-delà, dans les grandes villes pourvoyeuses d’emplois. Pour Monsieur Olivier, il s’agit d’aider à la mobilité sur les lieux d’emploi à l’échelle du Diois, pour des personnes sans moyens de transport. Le problème se pose particulièrement pour les saisonniers. Un système de co-voiturage a été mis en place, avec le repérage des ’chauffeurs usagers’ (disposant d’une voiture), la constitution d’équipes et l’organisation d’une tournée pour se rendre sur les lieux de cueillette. Un système de location de cyclomoteurs vient compléter le premier dispositif.
La position de l’association d’insertion est donc celle d’une structure devant gérer localement un public ’attaché’ à cette enclave, en situation de pénurie d’emploi et sur un marché du travail très limité. Il n’est pas dans notre propos de minorer l’effort important déployé par cette association auprès d’un public qui serait peut-être, sans cette intervention, laissé pour compte. L’association gère ainsi un atelier de récupération de tri et de ventes d’objets auprès du public (du type d’Emmaüs) ainsi que des jardins familiaux (en autoconsommation) qui s’adressent au plus démunis d’entre eux (concernant 24 familles ou personnes en 1994). La création de l’atelier de tri en 1996 avait suscité les plus grands espoirs parmi les animateurs de l’association. Mais l’objectif de départ, créer une entreprise d’insertion gérant sur toute la vallée le tri sélectif des déchets ménagers, a dû être abandonné. Le DRDD, avec lequel il était prévu de passer convention, a en effet attribué le marché à une entreprise privée.
On voit ici les frontières bien réelles qui subsistent entre le développement local et le développement social...
L’exclusion a ses déclinaisons rurales au regard de l’importance du nombre de personnes accueillies dans l’association d’insertion (une centaine par an sur le Diois, 520 à l’échelle de la vallée de la Drôme en 1996). Le public est constitué, pour une part importante, de jeunes (38 % ont moins de 26 ans et 5 % seulement plus de 50 ans, le reste, soit 57 %, entre 26 et 49 ans). Ceci tend à appuyer l’hypothèse émise par Monsieur Olivier sur les motivations d’une bonne partie des jeunes qui viendraient dans le Diois, avant tout pour y trouver un cadre de vie agréable, quitte à ’vivre de peu’ et se contenter de ’petits boulots’. Si certains possèdent parfois un bon niveau de formation, les deux acteurs reconnaissent que le problème reste, dans l’ensemble, celui d’une qualification trop faible ou inadaptée au marché local de l’emploi.
Taille du marché de l’emploi réduite, faible mobilité et ’attachement’ à ce ’pays préservé’ : voici les termes dans lesquels se pose la question de l’insertion sociale et locale des jeunes du Diois. Question qui peut trouver son prolongement dans le débat sur le modèle de développement local, à travers l’équilibre à trouver entre la création d’emplois (salariés) et la préservation de la qualité de vie par l’incitation à l’entrepreneuriat mono-personnel sur certains secteurs. Le modèle de développement mis en place ne risque-t-il pas de reproduire le schéma dual observé ailleurs ? Celui-ci prend ici la forme d’un partage entre le marché classique, ouvert à ceux ayant une expérience et des ressources suffisantes pour créer leur propre activité, et un marché secondaire ou d’attente, pour ceux, trop jeunes ou sans ressources, que l’on tente d’occuper sur place.
Les résultats d’une investigation menée440 sur les parcours d’insertion de jeunes non mobiles et peu qualifiés (accueillis à la Mission locale) et la gestion locale d’un dispositif d’aide à l’emploi (CES) dans le Diois, abondent en ce sens. Si certains jeunes, non mobiles et peu qualifiés, parviennent néanmoins à s’insérer localement, ceci est le résultat, toujours aléatoire, d’une double transaction. En l’absence de tissu industriel, les employeurs publics ou parapublics restent les principaux sas d’insertion (hôpital et association intermédiaire). Le rôle joué par la Mission locale est par ailleurs essentiel : elle se positionne comme médiatrice entre les jeunes en recherche d’emploi et les employeurs locaux souvent méfiants. Mais, si certains employeurs acceptent d’embaucher des jeunes locaux peu formés, c’est aussi parce qu’ils peuvent se dégager de la logique marchande et qu’ils n’ont pas à assumer la pérennité des emplois. Les jeunes concernés, dont l’objectif est l’ancrage local, acceptent, quant à eux, une mobilité professionnelle pouvant être associée à une certaine précarité.
Revenu minimum d’insertion.
Les résultats de cette étude, s’insérant dans le programme de recherche sur l’emploi rural (Coordonné par Ph. Perrier-Cornet, INRA ESR Dijon), sont consignés dans : SENCEBE Y., SYLVESTRE J.P., AUBERT F., 2000 - Aide publique à l’emploi, gestion des entreprises et insertion des jeunes : une analyse comparée de territoires ruraux rhônalpins, in : Revue d’Economie Méridionale, n° 189-190, 1 et 2, vol. 48, pp. 129-146.