Conclusion

Ces derniers développements nous ont amenée bien loin semble-t-il du projet de territoire. Et pourtant, nous sommes restée sur la même zone. Et pourtant, l’agriculture y est considérée comme ’une marque territoriale’, un exemple sur le front de l’intégration, un modèle d’alliance entre tradition et innovation, entre néo-ruraux et paysans du cru.

L’analyse du parcours des bénéficiaires du RMI est éclairante à plus d’un titre, car les ’marges’ définissent aussi ce qui se joue à l’intérieur d’un territoire (le Diois) et d’une profession (l’agriculture).

Marginaux au sein de la profession, les événements que décrivent les bénéficiaires du RMI pour expliquer leur entrée dans ce dispositif s’inscrivent dans une temporalité particulière de l’agriculture française : celle de son renouvellement, conflictuel, à partir d’acteurs qui n’en sont pas issus. La difficulté d’accès à la terre, l’endettement lié à la constitution d’un patrimoine agricole, les quotas des coopératives calculés par et pour les ’gros exploitants’ qui en ont la maîtrise, les organismes qui installent ’pour faire du chiffre sans suivi des intéressés’, sont autant d’expériences vécues qui évoquent une même réalité : la difficulté de ce milieu à s’ouvrir à d’autres membres, à un moment critique de son histoire, où non seulement il perd sa place dominante dans les campagnes, mais où, de surcroît, son patrimoine devient un ’bien collectif’ et sa fonction est investie de multiples attentes et valeurs urbaines. En outre, si la pauvreté n’est pas nouvelle dans le monde agricole, la précarisation et l’exclusion à l’oeuvre ici, laissent les uns et les autres en dehors de tout cadre préétabli de l’expérience, sur lequel appuyer un processus de négociation, d’identification et d’insertion.

Marginalisés socialement (rupture au milieu d’origine), le récit qu’ils font de leur installation locale montre l’autre face de la dynamique à l’oeuvre dans la ’renaissance des campagnes’. Qu’ils aient été exclus par le milieu local et professionnel (ouvriers des champs) ou insérés dans des réseaux d’entraides et pris en charge par l’assistance sociale (femmes restées au front), leurs parcours montrent les frontières bien réelles entre le développement local et le développement social.

Figures emblématiques du mouvement de ’refuge des exclus de la ville vers la campagne’, leur présence est source de remise en question pour les acteurs de la construction territoriale.

Cette analyse ouvre un champ de questionnements qui dépasse largement les limites de ce ’pays d’avant-garde’, et sur lequel nous conclurons cette réflexion.