1.1.2.2. Les modèles d’options technologiques

Ravid-Zuscovitch [1989] présentent un modèle d’options financières intégrant l’irréversibilité de l’investissement en R&D (option innovation) et les profits potentiels de l’apprentissage technologique31. Leur objet est de ‘« comparer le mérite respectif du comportement innovateur et imitateur »’ (Ravid-Zuscovitch [1989], pp. 232). Il s’agit de déterminer quel est l’intérêt d’une firme : est ce de lutter pour le premier coup (first mover) ? Est-ce d’attendre que le concurrent ait mis au point une innovation afin de profiter de sa technologie à moindre coût ?

Si la firme innove, la valeur actuelle de sa décision est donnée par :

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où I désigne l’investissement en R&D, Πi les profits de la période i avec i = {1,2} et Π2 > Π1, V les suppléments de profits espérés escomptés, t l’horizon temporel, r le taux d’intérêt et C1 le prix de vente de la nouvelle technologie supposée appropriable. Ainsi, l’innovateur ayant investi une somme I obtient en échange des profits certains Π1 et incertains Π2 si une nouvelle innovation profitable est découverte. Toutefois, la condition pour qu’une entreprise soit incitée à innover est message URL FORM07.gif.

Si la firme imite, la valeur actuelle nette de la décision est alors :

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où P1 désigne la somme investie par l’entreprise, W1 et W2 32 la valeur des options innovation et imitation. Trois résultats majeurs se dégagent :

Cette approche a le mérite d’intégrer l’arbitrage du décideur à savoir s’engager ou non dans la course et l’incertitude quant aux rendements futurs. Néanmoins, elle souffre de trois inconvénients :

« ‘L’information accumulée dans un laboratoire est croissante par hypothèse alors qu’une quantité d’information décrite par un mouvement brownien peut décroître’ » (Guignard [1994], p. 67-68). Etant donné que la valeur d’une information est forcément positive, la considération de l’accumulation des connaissances comme un mouvement brownien peut, dans certaines situations, s’avérer imparfaite.

les opportunités d’investissements futurs ne sont pas considérées.

En résumé, un décideur engagé dans une course à l’innovation investit une somme irrécouvrable en R&D en échange d’un bien (l’innovation) dont la valeur dépend du temps et du(es) comportement(s) des concurrents. Tant que l’innovation n’est pas réalisée, la firme prolonge son investissement en raison de coûts d’entrée importants. Dans ce cadre, l’investissement en R&D s’apparente à une option de croissance. Cette option offre à l’entreprise des opportunités futures d’investissement. Toutefois, les modèles de course technologique n’incorporent ni l’irréversibilité des décisions, ni la croissance de l’information, ni la dépendance temporelle des décisions. L’approche optionnelle financière n’intègre pas, quant à elle, la croissance de l’information et la séquentialité des décisions33.

Notes
31.

L’apprentissage est alors supposé stochastique.

32.

L’expression de est donnée par , celle de est .

33.

« Par problème séquentiel de décision, nous désignons un problème qui se déroule dans le temps et pour lequel les conséquences d’une décision prise à une période sont les conditions initiales qui affectent les décisions à prendre dans les périodes suivantes » (Arrow [1957], cité par Llérena-Willinger [1989], pp. 84).