1.3.1.1. Les caractéristiques de l’investissement en protection industrielle

Le maintien en vigueur des droits d’exclusivité est lié, dans la majeure partie des systèmes de propriété industrielle, à l’acquittement annuel d’une taxe de renouvellement payable auprès de l’INPI. Ce paiement s’apparente à un investissement en protection industrielle ayant pour contrepartie le maintien en vigueur du brevet. Cet investissement en protection industrielle est irréversible50 puisque les coûts de protection sont non seulement importants mais aussi irrécouvrables. En effet, les coûts français de préparation, de dépôt, d’exploitation et de renouvellement du brevet se montaient en 1996 à 36 740 FRF. Ils comprenaient 31 130 FRF de redevances de renouvellement (protection pour une durée de vingt ans), 4 500 FRF de redevances de recherche et 115 FRF par revendications supplémentaires au-delà de la dixième année (Ramphft [1998])51.

Ces coûts d’entrée, jugés importants, peuvent avoir pour effet de dissuader les petites et moyennes entreprises d’utiliser ce mode de protection52. De plus, ils sont irrécouvrables puisque la suspension de la protection s’accompagne d’une perte substantielle des gains de l’innovateur. En effet, dès lors que l’innovation n’est plus protégée, elle tombe dans le domaine public. Elle peut donc être librement utilisée par la concurrence. Aussi, l’investissement en protection industrielle est irréversible. Chaque année l’innovateur doit se demander s’il renouvelle ou non son titre. Pour cela, il compare les gains que lui apporte la protection avec les coûts induits par cette dernière. L’irréversibilité (resp. la flexibilité) de la décision tient dans le non renouvellement (resp. le renouvellement) du titre.

Toutefois, les gains liés à la détention du titre ne sont pas connus avec certitude. L’incertitude à laquelle est soumis le breveté est relative :

  • au degré de sophistication de l’innovation sachant que son information quant aux applications et bénéfices ultérieurs est imparfaite. Les travaux de recherche interne permettent de diminuer cette incertitude,

  • à la menace d’imitation puisque la contrepartie du monopole temporaire accordé par le brevet est la divulgation des connaissances technologiques. Les concurrents peuvent alors les mobiliser afin de mettre au point des applications semblables ou différentes. Cette incertitude peut être résorbée grâce aux activités de veilles technologique et concurrentielle ou aux accords de licence53.

Dans ce contexte, le breveté investit en protection industrielle afin de maintenir en vigueur un titre de propriété dont la valeur est incertaine. En effet, celle-ci dépend du degré de sophistication de la technologie ou de la capacité des concurrents à imiter l’innovation. Le maintien en vigueur de la protection offre à l’innovateur des opportunités d’exploitation (rentabilisation du titre), de croissance (valorisation) et stratégiques (exclusion d’un tiers de son exploitation).

Notes
50.

Cette irréversibilité est quelquefois partielle puisque le législateur prévoit la possibilité pour l’innovateur, s’il peut faire valoir une excuse légitime, d’obtenir la restauration du titre déchu (Art. 48 de la Loi de 1968). L’excuse légitime peut constituer, soit en une erreur dans le taux de taxes, la défaillance du mandataire qualifié, les difficultés de la société titulaire ou la maladie du propriétaire du brevet, soit en une perturbation d’origine externe (grève des postes, défaut d’avertissement de l’INPI).

51.

Il convient néanmoins d’ajouter à ces coûts ceux de traduction dans le cas du brevet européen.

52.

Le brevet américain est de un à trois fois moins cher que celui européen alors que les deux marchés sont comparables en volume et en valeur. Cette différence de coût s’explique par l’obligation de traduire le brevet européen en plusieurs langues alors qu’il n’en est rien pour celui américain.

53.

Les accords de licence permettent, en autres, des transferts de technologie (formation du licencié), la révélation de la structure de coûts du(es) concurrent(s) (choix d’un type de contrat).