1.3.1.2. L’origine des opportunités de l’investissement

Les opportunités d’exploitation émanent de l’octroi de licences ou de la vente de brevet. En accordant une licence d’exploitation, la firme innovante autorise un tiers, moyennant une rétribution financière, à exploiter sa découverte tout en conservant sa propriété. Le législateur prévoit plusieurs types de licences : les licences d’exploitation54, les licences croisées, les licences de droits, les licences autoritaires, les licences de dépendance, les licences octroyées par l’autorité administrative.

La licence permet au détenteur du brevet de tirer des revenus directement de son propre marché et indirectement de celui exploité par le licencié La rentabilisation directe provient de la perception de redevances permettant au breveté d’asseoir sa croissance et son développement55 et pouvant prendre la forme d’un paiement d’accès à la technologie :

En revanche, la valorisation indirecte des licences émane :

Toutefois, ces opportunités peuvent se révéler stratégiques étant donné que le détenteur d’un brevet peut en octroyant une licence :

Les opportunités de croissance découlent de la description et de la définition de l’étendue des revendications. En étendant la protection à plusieurs pays ou en définissant une hauteur suffisamment élevée pour que le dépassement soit difficile, le breveté valorise son titre de propriété. En effet, l’augmentation du nombre de pays où la protection est en vigueur permet à la firme de se développer à l’international et donc d’acquérir des opportunités de croissance. De plus, si les conditions de nouveauté, que doivent respecter les concurrents, sont fortes alors la valeur économique du brevet est élevée. Celui-ci peut donc permettre à son détenteur d’asseoir son développement. Toutefois, la détermination d’une étendue appropriée permet à la firme en place d’instaurer des barrières à l’entrée puisque le dépassement est rendu plus difficile. Dans ce cas, les opportunités de croissance deviennent stratégiques.

Les opportunités stratégiques proviennent, soit de l’utilisation des opportunités d’exploitation et/ou de croissance à des fins stratégiques, soit d’user du droit sous-jacent du breveté d’interdire un tiers de l’exploitation de son innovation (action en contrefaçon60).

L’action en contrefaçon, à la charge de l’innovateur (Art. L. 53.1.), vise la défense de la propriété en appelant à réparation. La chronologie d’une action en contrefaçon est la suivante. La première étape consiste en l’identification d’un acte de contrefaçon61. La seconde est celle de l’action en contrefaçon. Celui qui entend agir en contrefaçon (flexibilité décisionnelle) dispose d’un délai de trois ans (délai de prescription) et doit apporter la preuve de ses allégations. La décision d’intenter un procès en contrefaçon dépend des bénéfices anticipés et des coûts de litige (Cooter-Rubinfeld [1989], Lanjouw-Schankerman [1997]). Les résultats de l’action en contrefaçon (troisième étape) prennent la forme, soit d’une interdiction provisoire62, soit d’une condamnation définitive, soit de l’octroi d’une licence d’exploitation. Gagner un procès permet, outre la réception de gains monétaires, de bénéficier d’effets réputations (Lanjouw-Lerner [1997]).

L’identité du vainqueur dépend de la motivation des parties mesurée par la somme engagée dans le procès63, de la manière dont la violation est survenue et du traitement par la cour des droits de propriété. La motivation des parties à gagner le procès dépend :

Dans ce contexte, le non renouvellement du brevet, symbolisant la déchéance du titre (désinvestissement65), s’apparente à une option d’abandon. Cette dernière est exercée dès lors que les rendements sont inférieurs aux coûts de renouvellement. Néanmoins, se désengager d’un projet offre au décideur la possibilité d’investir dans un autre. Dans ce cas, le corollaire de l’option d’abandon est une option de croissance. Lorsque la valeur des opportunités associées à la réalisation d’un ou de plusieurs autre(s) investissement(s) est supérieure à la valeur des opportunités liées au brevet, alors l’option d’abandon doit être exercée. Cet aspect optionnel du problème est-il introduit dans les modèles de renouvellement ?

Notes
54.

80% des inventions brevetées donne naissance à des licences d’exploitation.

55.

En guise d’illustration, considérons le cas de la société Innovatron créée par Roland Moréno l’inventeur de la carte à mémoire. En effet, depuis 1974, 192 entreprises lui versent une redevance lui rapportant au total environ 100 MF par an (Alary-Grall et al [1997]).

56.

Ainsi, dans le domaine des télécommunications, les opérateurs tels que France Telecom ne produisent pas directement mais concèdent toutes leurs inventions sous forme de licence d’exploitation aux équipementiers.

57.

Si la probabilité de découverte du concurrent est forte (resp. faible), le monopole a intérêt à lui proposer (resp. à ne pas lui proposer) un contrat de licence.

58.

Si le détenteur du brevet n’a pas au bout de trois ou quatre ans exploité son titre alors le concurrent peut toujours obtenir auprès de l’autorité judiciaire une licence pour défaut d’exploitation (L. 1968 Art. 32 et ss.). De plus, s’il refuse de donner son accord au titulaire d’un brevet de perfectionnement alors la licence de dépendance accordée de façon autoritaire permet à ce dernier de passer outre (L. 1968 Art. 36 al. 2 renvoyant à l’Art. 32).

59.

Lorsque le coût de la R&D est élevé (resp. faible), les efforts en matière de recherche de la firme rivale sont nuls (resp. forts). L’incitation de l’innovateur à octroyer une licence d’exploitation est faible (resp. forte) (Crampes [1988]).

60.

Les actes de contrefaçon touchent une entreprise industrielle sur cinq de 50 salariés et plus. Les conséquences se chiffrent en un manque à gagner de 3% du chiffre d’affaires des entreprises contrefaites et en 30 000 emplois détruits.

61.

La fréquence des délits est affectée par les décisions des agents concernant leurs activités et les instruments de précaution utilisés (Cooter-Rubinfeld [1989]).

62.

Art. 54 nouveau de la Loi de 1968 adopté en 1984 et réformé en 1990.

63.

Si le défendeur investit plus que le plaignant dans un procès, sa probabilité subjective de remporter le procès est plus grande que celle du plaignant.

64.

Les processus de sélection peuvent être à l’origine d’erreurs de prédiction pouvant avoir un impact sur l’issue du procès (Priest-Klein [1984], Waldfogel [1995]).

65.

« Le désinvestissement est donc une opération par laquelle l’entreprise renonce à la détention de certains actifs pour récupérer des ressources engagées et les affecter différemment » (Bancel-Richard [1995], p.29). Parmi les principales motivations invoquées pour justifier d’un désinvestissement figurent l’insuffisance de la rentabilité d’un projet, des problèmes commerciaux ou financiers, une crise de maturité du secteur ou une concurrence devenue acharnée.