2.2.1.1 L’évolution de la course et comportement des acteurs

Les efforts de recherche des agents varient en fonction de l’évolution de la course. Aussi, plus l’effet irréversibilité inversé (dépôt de brevet) est fort, plus l’effet stratégique est important. Ce problème a été abordé par Grossman-Shapiro [1987].

Deux firmes, supposées neutres au risque, sont engagées dans une course à deux étapes de même difficulté où le franchissement de la phase intermédiaire (première étape) est indispensable pour gagner la course et obtenir le brevet de valeur V. A chaque stade, les firmes décident, soit de rester dans la course, soit d’abandonner. Le montant des dépenses en R&D dépend non seulement de la position de la firme dans la course mais aussi de celle de son concurrent. Le coût du maintien dans la course dépend :

  • du coût fixe F par unités de temps,

  • du taux de hasard hj,k(xi) désignant la probabilité instantanée de la firme i de faire la découverte lorsqu’elle se situe à l’étape j et que son concurrent est à l’étape k75.

Les firmes choisissent le montant investi en R&D de manière à maximiser leur profit espéré escompté Vj,k. L’équilibre recherché est celui de Nash parfait en sous-jeux. Trois situations peuvent être mises en évidence :

  • si les deux firmes franchissent seulement la première étape, leur gain est donné par message URL FORM65.gif,
  • si seule la firme i atteint la première étape, alors ses gains espérés sont :
    • si la firme i est en avance message URL FORM66.gif,
    • si la firme -i est en avance message URL FORM67.gif,
  • si la phase intermédiaire n’est franchie par aucune firme, l’expression de la valeur espérée et escomptée des profits est message URL FORM68.gif.

Le comportement des acteurs se déduit du déroulement de la course. Ainsi,

  • plus la course à la R&D se rapproche de la phase ultime, plus la concurrence s’intensifie ; se dégage alors un effet technologique pur. En effet, dans la mesure où le coût de la recherche est une fonction croissante de la probabilité de découverte, les niveaux d’efforts de départ sont plus faibles que ceux fournis à la fin du processus de R&D.

  • l’avance technologique d’une entreprise la conduit à accroître ses efforts de R&D ; émerge dans ce cas un effet concurrence. L’entrant conscient, non seulement de son retard technologique mais aussi de l’augmentation de l’incitation à innover du monopole, opte pour un désengagement progressif de la course.

  • le rattrapage technologique du concurrent (franchissement de l’étape intermédiaire) a pour conséquence d’accroître les efforts de R&D du monopole.

Proposition de Grossman-Shapiro [1987] : La menace concurrentielle (h11>h10) due au rattrapage technologique de l’entrant a pour effet d’augmenter l’incitation à innover du monopole en place (V11<V10). En revanche, l’effet technologique pur couplé au retard technologique d’une des firmes a pour conséquence de diminuer l’effort de R&D (h10>h01). Et enfin, si les deux firmes sont à égalité, la concurrence devient plus intense à l’étape intermédiaire par rapport à celle initiale (h11>h00).

Ainsi, l’effet concurrence (resp. l’effet technologique) joue en faveur de la situation de préemption (resp. dépassement). Toutefois, dès lors qu’il y a préemption ou dépassement, il y a augmentation des écarts technologiques. Cette dernière est-elle à l’origine d’un effet stratégique ?

Notes
75.

Le monopole et l’entrant sont engagés dans la première (resp. deuxième) phase lorsque (resp. ). En revanche, si le monopole (resp. l’entrant) a franchi la première étape, alors (resp. ).