2.2.2.2 Anticipation d’un apport d’information et dimensions optimales

Evaluer l’impact d’un apport informationnel sur les dimensions temporelles optimales nécessite de comparer la situation où l’information est considérée comme parfaite avec celles où l’information est partielle (surestimation et/ou sous-estimation de l’innovation).

Si l’innovateur évalue correctement son innovation, alors la possibilité de bénéficier de toutes les opportunités de croissance l’incite à breveter son innovation le plus tôt possible ( message URL FORM123.gif). Cette conclusion concorde avec celles de Matutes et al [1996] qui montrent qu’une protection par l’étendue induit une diffusion précoce de l’innovation. De plus, la durée de vie du brevet se trouve allongée comparativement au cadre de référence. L’objectif de l’innovateur est alors, soit de rentabiliser les fonds investis en R&D, soit de dissuader l’entrée. Ce résultat confirme ceux de O’Donoghue et al [1998] qui mettent en évidence que le choix d’une hauteur appropriée accroît la durée de vie du brevet.

Si l’innovation est surestimée (d<T+D), la firme innovante conservera quelques temps son innovation secrète puisqu’elle estime que sa découverte lui rapportera des rendements ultérieurs importants. La détention de l’option d’exécution différée repose donc sur une évaluation erronée de la valeur du brevet. En revanche, si l’innovation est sous-estimée (d>T+ND), l’innovateur reportera quelque temps son dépôt de brevet par rapport au cadre de référence. Toutefois, ce report est moins important que celui effectué dans le cas où l’innovation est surestimée. Ainsi, il semble que les corrections de comportement en terme de date de dépôt sont plus facilement réalisables lorsque les erreurs d’appréciation se font à la baisse.

Proposition 2 : L’avancée de la date de dépôt consécutivement à un apport informationnel est d’autant plus forte que la date d’innovation est surévaluée.

Corollaire proposition 2 : Les gains informationnels incitent les innovateurs à breveter leur(s) innovation(s) le plus tôt possible.

Plus l’innovation est surévaluée, plus la durée de la protection est longue. Ainsi, l’innovateur semble laisser croire à une forte profitabilité de l’innovation alors qu’il n’en est rien. Une des raisons pouvant justifier ce comportement est l’utilisation du brevet à des fins stratégiques dans la mesure où il lui permet, soit d’orienter les concurrents sur de mauvaises pistes en leur laissant croire à la profitabilité du marché, soit de les dissuader d’entrer. L’utilisation stratégique du brevet en tant que leurre offre à l’innovateur la possibilité de lancer ses rivales sur de mauvaises pistes afin de ne plus être inquiété lors du développement d’un programme de recherche essentiel (Langinier [1997]). L’usage du brevet en tant que dissuasion à l’entrée a pour finalité l’acquisition d’un droit de propriété afin de priver le(s) concurrent(s) d’opportunités potentielles. Cette stratégie est selon Smiley [1988] et Bunch-Smiley [1992] souvent employée lorsque les produits sont nouveaux.

Si l’innovation est sous-estimée (d>T+ND), la considération des opportunités de croissance a pour effet de diminuer la durée de protection comparativement au cadre de référence et, donc, à celui où l’innovation est surestimée. Ce résultat peut se justifier de la façon suivante. La firme innovante, pensant que son innovation est de faible rentabilité, émet des signaux qui incitent les concurrents à s’engager dans la course. Aussi, l’accélération du rythme technologique fait que l’innovation est rapidement dépassable et donc la suspension de la protection devient nécessaire. Dans la mesure où la protection par les brevets ne dissuade pas les concurrents de continuer la course, l’exercice de l’option d’abandon aurait pour conséquence de cartelliser la branche en mettant à la disposition des concurrents la technologie et donc in fine de réduire la menace concurrentielle.

Proposition 3 : La durée de protection est d’autant plus forte que l’innovation est surévaluée.

Après avoir mis en évidence les conséquences de l’étendue des revendications sur les décisions d’investissement, il convient d’apprécier celles sous-jacentes aux licences d’exploitation.