1.1 Présentation du modèle

Avant d’analyser l’arbitrage brevet versus secret, il convient de présenter les hypothèses générales de comportement (section 1.1.1.), la séquence des décisions (section 1.1.2.) et les fonctions de profits conditionnelles aux états de la nature (section 1.1.3.).

1.1.1 Les hypothèses de comportement

Le cadre théorique retenu est celui d’un modèle où deux firmes i = {1,2}, une firme en place (noté 1) et un entrant (noté 2), supposées neutres au risque, sont engagées dans une course à l’innovation et/ou à l’amélioration.

L’innovation, l’amélioration ou le binôme innovation-amélioration garantissent un monopole parfait. Par hypothèse, l’amélioration rend caduc le brevet sur l’innovation. Ainsi, les profits provenant du brevet sur l’innovation ne sont perçus que durant la période de recherche à l’amélioration.

Si les coûts de production de l’innovation sont importants, ceux de l’amélioration demeurent plus faibles. Cette diminution de coûts – intrinsèque à l’innovation de processus - dépend du degré de profitabilité (resp. ) de l’innovation (resp. binôme innovation-amélioration)114. Ce dernier est d’autant plus élevé que l’innovation de processus diminue les coûts de production. La fonction de coût, lorsque le brevet est bas115, est donnée par le système suivant :

message URL FORM204.gif
lorsque q désigne la quantité totale produite dans l’industrie pour tous c>0 et s<c. La fonction de coût d’un brevet haut - si l’innovation est améliorable116 – est pour tout message URL FORM205.gif 117 :
message URL FORM206.gif

Pour rattraper le leader, l’entrant s’acquitte d’un coût fixe noté F représentant l’investissement nécessaire à l’appropriation de l’innovation tel que les dépenses en machine, en savoir-faire, les redevances de licences etc. Que la firme en place ait breveté l’innovation de base ou qu’elle l’ait gardée secrète, les coûts de rattrapage technologique de l’entrant sont évalués à F. En réalité, les coûts de rattrapage technologique, lorsque l’entrant ne bénéficie d’aucune divulgation d’informations technologiques, sont supérieurs à ceux subis lorsque l’innovation de base est brevetée.

Si les coûts sont connus avec certitude, les gains sont pour leur part aléatoires. En effet, lors du dépôt de brevet, l’information dont disposent les innovateurs concernant les caractéristiques du marché, est imparfaite. Soit un aléa supposé additif118 de moyenne et écart type respectivement μ et σ. Sa fonction de densité message URL FORM207.gif est définie sur l’intervalle message URL FORM208.gif 119. Sachant que le bien produit est homogène, la spécification linéaire de la fonction de demande inverse aléatoire est donnée par :
message URL FORM209.gif

avec p, le prix du bien et , une constante positive a>c. Cette incertitude sur la demande se couple à une incertitude sur le processus de découverte supposé poissonnien120. Il s’en suit que la distribution du temps d’attente suit une loi exponentielle de paramètre λ lorsque λ désigne la probabilité instantanée (taux de hasard) de faire la découverte sur un intervalle de temps [t ;t+dt] sachant qu’aucune firme ne l’a faite précédemment.

Les deux firmes prennent leurs décisions avant la résorption de l’incertitude. L’équilibre recherché est celui de Nash parfait en sous-jeux. Le taux de préférence pour le présent continu est supposé unitaire.

Notes
114.

L’innovation est radicale si la firme qui la brevette s’empare du marché au prix de monopole, moyenne si l’innovateur dispose d’un monopole temporaire puisque ses concurrents, actifs, peuvent rattraper leur retard technologique et inférieure si le brevet devient dormant (Vickers [1985]).

115.

Le brevet sera dit bas s’il ne protège qu’une génération de technologie. Aussi, seules l’innovation ou l’amélioration pourront être protégées par un brevet bas. Le brevet sera dit haut s’il porte sur les deux générations de technologie. Un brevet haut protégera le binôme innovation-amélioration.

116.

« Une innovation est améliorable lorsque l’amélioration est mieux valorisée par un brevet déposé sur le binôme innovation-amélioration que par un brevet déposé uniquement sur l’amélioration » (Langinier [1997], p. 159). En revanche, si l’innovation est non améliorable, le profit espéré d’un brevet haut équivaut à celui d’un brevet bas sur l’amélioration.

117.

Une nouvelle technologie est identique à l’ancienne si (brevet bas) ou (brevet haut).

118.

L’hypothèse d’additivité des aléas signifie que « l’incertitude ne porte pas sur la pente de la droite de demande mais entraîne des déplacements de cette droite. En d’autres termes, l’aléa porte sur le niveau de la demande et non sur la structure de marché » (Llerena [1985], p. 220).

119.

La valeur de doit être suffisamment élevée pour que les firmes aient des profits positifs. Cependant une valeur de suffisamment élevée peut permettre à l’entrant d’ε -préempter la firme en place.

120.

Ce processus poissonnien est sans mémoire. Aussi, la probabilité qu’une firme fasse une découverte et obtienne un brevet en un point du temps ne dépend que des dépenses en R&D de la firme et non de ses dépenses passées. Le temps moyen d’attente est si désigne la date de découverte de l’innovation.