Annexe 2.2. : Les principaux modèles d’investissement en incertitude

Annexe 2.2.1. : L’option de croissance

Détenir une option de croissance offre au décideur le droit mais non l’obligation, d’acheter une capacité supplémentaire à un prix l irrécouvrable fixé à l’avance (coûts d’achat et d’installation). La valeur de la capacité supplémentaire dépend de l’incertitude sur la demande, sur les prix ou sur les coûts de production. Aussi, la valeur de l’option de croissance se définit comme la valeur présente des profits additionnels liés à l’installation d’une unité supplémentaire de capital.

Le problème de décision de l’agent tient dans la détermination, d’une part, d’un seuil à partir duquel l’installation d’une capacité supplémentaire devient nécessaire et, d’autre part, de la date de réalisation de l’investissement. La règle de décision s’énonce en ces termes : le choix d’une capacité est optimal lorsque la valeur présente des cash-flows espérés provenant d’une unité supplémentaire égalise le coût total155.

Soit une firme ayant comme projet d’installer, au coût irrécupérable k, une capacité de production supplémentaire. La valeur de la firme est :

W(K,P) = V(K,P)+F(K,P)

lorsque V(K,P) désigne la valeur du capital K installé, F(K,P) la valeur de l’option d’expansion et P le prix de vente suivant un mouvement brownien géométrique. Le prix de vente est supposé suivre un processus de Wiener se caractérisant par une différentielle stochastique du type :

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où α représente le taux de variation instantané moyen, σ l’écart type et l’accroissement du processus de Wiener standard. L’utilisation des méthodes de programmation dynamique permet de déterminer la valeur présente ΔV des flux espérés de profit résultant d’un accroissement marginal de capacité. Son expression est :

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où b1 et b2 sont des constantes d’intégration, β1 et β2 les constantes positives, ΔΠ le supplément de profit156, le taux d’escompte et P*(K) le seuil à partir duquel il convient d’investir. Le supplément de valeur découlant de l’installation d’une unité supplémentaire ΔF(K) admet pour expression157 :

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lorsque ΔV(K) désigne le supplément de valeur lié à la dernière unité de capital, a la constante d’intégration et β une constante positive. Cette approche a été généralisée aux projets d’investissements réels.

Modélisation de Pindyck [1988] : Le problème du décideur est, dans ce cadre, de déterminer la capacité K optimale de production notée K*(θ). Cette dernière dépend de la demande θ qui est supposée suivre un processus de Wiener se caractérisant par une différentielle stochastique du type :

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avec α le taux de variation instantané moyen, σ la volatilité et dz l’accroissement du processus de Wiener standard. En fonction des valeurs de θ, le décideur estime la nécessité d’accroître sa capacité de production d’une unité. Ainsi, si θ<(2γ+c2)K+c1 (resp. message URL FORM337.gif 158), alors la capacité de production supplémentaire n’est pas utilisée (resp. est utilisée). Or investir dans une unité supplémentaire offre des opportunités de croissance.

La valeur de ces opportunités F(K,θ) se définit comme la valeur du profit additionnel résultant de l’augmentation du stock de capital net des coûts d’acquisition k. Elle est donnée par :

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lorsque A1 représente une constante d’intégration, β1 une constante positive et ΔV(K,X)-k la valeur de l’accroissement de capacité net des coûts d’installation. La valeur seuil θ*(K) est solution de l’équation suivante :

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Il montre que :

  • l’accroissement de la valeur de l’option de croissance est supérieur à celui du capital installé,

  • le seuil de déclenchement de l’investissement est une fonction croissante du degré d’incertitude.

Modélisation de Dixit - Pindyck [1994] chap. XI : En investissant dans une nouvelle capacité de production, la firme ajoute une capacité supplémentaire à sa capacité totale. Aussi, déterminer les critères de décision d’un investisseur devient alors fondamental.

L’objectif du décideur est de choisir la séquence d’accroissement de sa capacité productive Kt lorsque son stock de capital initial est supposé constant et la demande qui s’adresse à elle, notée Y, est aléatoire. Cette dernière est supposée suivre un processus de Wiener se caractérisant par une différentielle stochastique du type :

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où α représente le taux de variation instantané moyen, σ l’écart type et l’accroissement du processus de Wiener standard. La valeur espérée escomptée de la firme dépend de deux éléments :

  • le flux de profit W(K,Y) - pouvant également s’écrire YH(K) avec H’<0 H’’<0, au cours de l’intervalle de temps dt - est donné par Π(Y,Q)dt,

  • la valeur de l’option croissance F(K,Y) c’est-à-dire la valeur du supplément de profit dépendant de l’augmentation du stock de capital (passage de K0 à K) et d’une modification de la valeur de la demande Y. En désignant par r le taux d’escompte, l’expression de la valeur de l’option de croissance est donnée par :

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La valeur espérée et escomptée de la firme est :

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La valeur de la firme W(K,Y) dépend :

de la valeur d’expansion future message URL FORM343.gif désigne la solution positive de la fonction quadratique message URL FORM344.gif une constante d’intégration.
de la valeur présente espérée des profits si la firme maintient son stock de capital constant ( message URL FORM345.gif).

Ils montrent que :

  • la firme investira dès que la valeur d’option additionnelle devient négative,

  • l’incertitude a pour effet d’accroître la propension à investir.

Modélisation de Dixit - Pindyck [1998] : Lorsqu’un décideur détient plusieurs projets, il peut non seulement décider d’en suspendre certains mais aussi d’investir dans de nouveaux. Dans ce cas, il possède une option d’abandon (option de vente) et une option de croissance (option d’achat). Son problème de décision tient dans la détermination de la capacité optimale lorsque le coût de l’investissement varie en fonction du degré d’irréversibilité159 et d’expansibilité160 du coût de l’investissement.

La fonction de demande à laquelle est soumise l’entreprise admet pour expression :

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lorsque η désigne l’élasticité de la demande et θ(t) suit un processus de Wiener se caractérisant par une différentielle stochastique du type :

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Les paramètres α, σ et dz désignent respectivement le taux de variation instantané moyen, l’écart type et l’accroissement du processus de Wiener standard. La valeur espérée escomptée de la firme W(K, θ,t) dépend de :

  • la valeur ΔV(K,θ,t) des flux de profits espérés résultant de l’utilisation d’une unité de capital K de production,

  • la valeur de l’opportunité ΔF(K,θ,t) d’installer une ou plusieurs unités de capital supplémentaires.

L’impact de l’expansion et l’irréversibilité sur le choix et l’évolution de la capacité optimale dans le temps est dégagé au travers de deux cas polaires. Si l’investissement est irréversible et partiellement expansible, alors ΔV et ΔF admettent pour expression :

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Si l’investissement est partiellement irréversible et non expansible, alors l’expression de ΔV et ΔF devient :

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Ils montrent que les décisions d’expansion et de désinvestissement sont prises séparément notamment lorsque l’écart initial entre les prix d’achat et de vente du capital est important.

Notes
155.

Le coût total se définit comme la somme des coûts d’achat, d’installation et d’opportunité.

156.

Le raisonnement est effectué à la marge.

157.

Le lemme Itô permet d’écrire que lorsque suit un mouvement brownien géométrique. La solution à ce problème est, si trois conditions fondamentales sont vérifiées, de la forme .

158.

Les paramètres et sont les paramètres de la fonction de coûts. Cette dernière admet pour expression . L’expression de la fonction de demande est, quant à elle, . Si , alors la firme est preneur de prix.

159.

La réversibilité ou l’expansion est partielle lorsque le coût d’acquisition du capital varie consécutivement à des changements d’une ou de plusieurs variables. En désignant le désinvestissement par , la réversibilité est totale si , partielle si . L’irréversibilité est complète si .

160.

Si la capacité d’expansion admet pour expression lorsque désigne le degré d’expansion, alors cette dernière est totale si , nulle si et partielle si .