INTRODUCTION

La recherche développée dans cette thèse étudie une grande fonction du système cognitif humain : la fonction mnésique. Nous tenterons de comprendre ce qu’est la mémoire en départageant deux grandes conceptions : 1. La mémoire est composée de différents systèmes stockant différents types de représentations. 2. La mémoire est un seul système au sein duquel émergent différents types de représentations grâce à la nature distribuée des informations. En nous situant dans cette dernière perspective, notre objectif est de comprendre la nature et le format d’une représentation en mémoire à long terme à travers l’étude des effets de prototypie et de distance perceptive entre les informations traitées.

Les nombreux travaux sur la mémoire ont engendré des paradigmes théoriques et expérimentaux très différents, voire des perspectives opposées.

Les théories prototypiques de la représentation d’un concept mettent l’accent sur l’abstraction automatique de l’information catégorielle. Les modèles qui en découlent ont mis en avant l’importance de la diffusion de l’activation dans un réseau sémantique (Quillian, 1969), de la fréquence de l’information (Freedman & Loftus, 1971) et de sa prototypie (Rosch & Mervis, 1975).

Les théories des différents systèmes mnésiques suggèrent une indépendance entre différents types de représentations : épisodiques, sémantiques, déclaratives, procédurales (Tulving, 1984, 1985 ; Anderson, 1983, 1989). Elles se fondent sur les différentes formes de dissociation, notamment les dissociations entre tâches selon lesquelles une variable peut avoir un effet sur les performances dans une tâche donnée et non dans une autre.

Les interprétations épisodiques supposent que les représentations en mémoire, quelle que soit leur nature, sont le produit de la rétention d’expériences particulières. Elles sont symbolisées par des exemples (Medin & Schaffer, 1978 ; Nosofsky, 1986, 1988, 1991) ou des traces multiples (Hintzman, 1986) qui s’accumulent dans un seul système de mémoire. La similarité entre traces ou exemples est un déterminant majeur de leur récupération.

D’autres interprétations d’un seul système de mémoire ne partagent pas cette définition de l’unité mnésique trop statique et peu économique. Les traces ne seraient pas des entités tangibles qui s’accumulent mais des configurations actives d’informations à un moment donné. Selon Whittlesea (1987, 1990), leur format est variable en fonction de la spécificité de l’expérience, un stimulus est traité comme un tout ou des parties séparées selon le degré d’intégration de ses composants dans une tâche donnée. Les informations sont codées sur un mode distribué et récupérées en parallèle, d’où l’existence d’un réseau à l’instar du système nerveux. Les représentations en mémoire émergent des propriétés de ce réseau à travers la catégorisation des multiples informations qui y sont traitées, l’identification perceptive étant déjà un processus de catégorisation. Cette perspective dans laquelle se situe notre recherche met l’accent sur la variabilité de l’encodage et de la récupération de l’information (Whittlesea, 1987, 1990). La distance perceptive entre les unités mnésiques a une influence majeure dans la structuration des représentations.

Ces points de vue trouvent leurs sources théoriques dans les différentes conceptions de la représentation à l’intérieur de grandes disciplines comme la psychologie cognitive ou les neurosciences. De ces différentes conceptions découlent deux grands paradigmes : le paradigme cognitiviste et le paradigme connexionniste à l’intérieur desquels modèles et théories s’opposent et se complètent.

Le chapitre A présente différents points de vue quand à la notion de représentation : le point de vue de la psychologie cognitive proche du fonctionnement de l’ordinateur, le point de vue de la psychologie génétique qui étudie la genèse des représentations, le point de vue de la psychologie animale qui retrace leur évolution et enfin, le point de vue des neurosciences qui trouve ses sources dans le fonctionnement du cerveau.

Le chapitre B présente, de manière non exhaustive, les différentes modélisations qui en découlent pour arriver à celle qui nous paraît la plus pertinente dans l’explication des phénomènes mnésiques. Nous décrivons des modèles dits abstractionnistes ou symboliques, des modèles dits épisodiques, et enfin l’architecture connexionniste.

Le chapitre C présente le paradigme expérimental de Whittlesea (1987) dont nous nous sommes inspirés dans nos expériences.

Les chapitres D, E et F présentent la partie expérimentale de notre recherche. Nous avons étudié les effets de la prototypie et de la distance perceptive entre deux stimuli à travers des tâches de catégorisation et de discrimination de pseudomots.

Le chapitre G est une une discussion générale sur les aspects théoriques et expérimentaux de notre recherche.