4. Les relations entre la représentation, la théorie de l’information, l’ordinateur et la logique

En 1937, Claude Shannon (cité dans Andler, 1992) démontre que les circuits électriques de relais et de commutation peuvent être interprétés dans le calcul Booléen tandis que Turing invente une machine électrique à multiplier basée sur la même idée que Shannon. Ces deux auteurs établissent le lien entre circuit électrique, calcul Booléen, arithmétique et logique propositionnelle. Ils démontrent que des formules propositionnelles ou Booléennes sont réalisables ou matérialisables dans des circuits électriques de même que le comportement des circuits est entièrement descriptible par des formules logiques ou arithmétiques.

Cette matérialisation de la logique dans des montages électriques est l’avènement de l’ordinateur et d’une psychologie cognitive qui modélise le système cognitif de façon hautement symbolique, sans se préoccuper du cerveau, support de l’activité mentale. Dans cette perspective, la description du système cognitif est strictement fonctionnelle. Elle ne se préoccupe pas d’une description physique, c’est-à-dire de ce qui se passe dans le cerveau au niveau des neurones. Cette démarche définit la thèse ’fonctionnaliste’. Au niveau fonctionnel, le système cognitif est caractérisé par des états mentaux, les représentations et par des processus qui conduisent d’un état à un autre, les traitements. La métaphore de l’ordinateur a longtemps influencé les modèles de la mémoire conçue alors comme un espace divisé en systèmes à l’intérieur desquels des unités d’information sont stockées de façon hiérarchique. Ces unités d’information combinées entre elles par des opérations (les computations) permettent la représentation définie ici comme l’attribution arbitraire de sens à des unités qui n’en ont a priori pas.

Une nouvelle discipline, la cybernétique, tentera de combler le fossé esprit-cerveau. La cybernétique est l’étude des régulations chez les êtres vivants et les machines. Elle est née de la publication en 1948 de l’ouvrage de Wiener « Cybernetics ou régulation et communication chez l’animal et dans la machine ». A la même époque, les neurophysiologistes Rosenbluet et Mc Culloch mettent sur pied des séminaires. Un mathématicien, W. Pitts établit le lien entre Wiener et Mc Culloch. Ils s’aperçoivent qu’un début de compréhension des mécanismes cérébraux et leur simulation par des machines ne peuvent résulter que de la compréhension de nombreuses disciplines. Warren Mc Culloch et Walter Pitts (1943) publient un article ’un calcul logique immanent dans l’activité nerveuse’, dans lequel ils démontrent la matérialisation possible de la logique propositionnelle et du calcul des prédicats dans des circuits d’éléments simples, ’des neurones formels’ qui sont des modèles simplifiés de neurones. Selon eux, l’esprit et ses productions symboliques peuvent être incarnés dans le tissu cérébral.

De ce creuset de travaux va émerger le projet d’une science de l’intelligence biologique solidaire d’une intelligence artificielle. C’est l’avènement de nouveaux concepts tels que auto organisation, régulation, mémoire distribuée, adaptation, émergence, système... Ce qui marquera profondément les nouvelles conceptions du fonctionnement mental qui trouvent tout leur sens au sein des neurosciences. En psychologie, ces conceptions caractérisent un nouveau courant, le connexionnisme qui remet en question les théories du fonctionnement mental basées sur la métaphore de l’ordinateur.