III. La notion de représentation en psychologie génétique

De nombreuses recherches en psychologie génétique tentent de comprendre comment les enfants parviennent à acquérir des représentations sur le monde. On sait actuellement que le développement cognitif dépend à la fois de la maturation biologique et des interactions avec l’environnement. Tout fonctionnement cognitif est à la fois biologique, psychologique et social.

L’enfant acquiert ses premières représentations dans des situations d’apprentissage dites ’apprentissage par l’action’. Dans ces situations, l’enfant agit sur l’environnement qui en retour lui renvoie des données. Il code alors l’état de cet environnement qui résulte en partie de sa propre action. Les premières représentations acquises sont donc liées à l’action.

L’acquisition de connaissances générales comme les concepts, les règles de raisonnement, etc, se déroule sur plusieurs années. Elle nécessite une multitude de situations d’interactions avec l’environnement et se fait à partir des résultats d’acquisitions plus ’locales’ concernant un domaine de connaissance spécifique. A travers la maturation du système nerveux et des interactions sociales, l’enfant acquiert des représentations imagées et des représentations conceptuelles.

Piaget (1937, 1963), précurseur de la psychologie cognitive a étudié le développement de l’intelligence dans une perspective constructiviste. Selon lui, des schèmes cognitifs élémentaires s’intègrent en des structures de plus en plus complexes au cours du développement de l’individu.

Bien qu’il considère le développement cognitif comme une caractéristique individuelle, il a dégagé les principales phases de ce développement et discerne trois stades :

Le premier stade est l’émergence de la pensée sensori-motrice, entièrement dépendante des actions. Les représentations liées à l’action se construisent principalement à travers le processus d’imitation inné chez l’enfant. Piaget considère l’imitation comme un processus intermédiaire entre la pensée en action du jeune enfant et la symbolisation ou ’’action intériorisée’ qui n’émergera que plus tard.

Le second stade est l’émergence de la pensée représentative qui se dégage de l’action. Elle apparaît avec la fonction symbolique, liée au langage. A travers le langage, les actions intériorisées sont graduellement coordonnées en des structures d’ensembles complexes dont des modèles logiques peuvent rendre compte. Cependant, Piaget considère cette pensée encore égocentrique dans le sens où l’enfant ne se perçoit pas comme pouvant se différencier de son environnement.

Durant le troisième stade, la pensée logique apparaît avec l’acquisition d’instruments conceptuels comme le concept d’ordre et la réversibilité. Selon Piaget, les opérations intellectuelles sont des actions intériorisées, réversibles et coordonnées en structures d’ensembles. L’enfant qui a acquis la capacité d’ordonner des informations et de comprendre qu’elles peuvent être réversibles a acquis un certain degré d’abstraction. A ce stade, l’activité individuelle est aussi de nature sociale. La coordination de ses propres actions avec celles des autres permet la maîtrise de coordinations plus complexes qui permettent à leur tour de participer à des interactions sociales élaborées. Ces interactions qui s’appuient sur une pensée capable d’abstraction sont elles-mêmes source de développement cognitif. La pensée logique décrite par Piaget est donc en relation avec l’échange et la coopération et permet à l’enfant d’avoir des représentations de lui-même, d’autrui et de son environnement.

Selon cette conception évolutive de l’intelligence, l’individu acquiert d’abord des représentations très concrètes, liées à l’action, puis à travers l’interaction avec l’environnement des représentations plus abstraites, les représentations imagées et les représentations conceptuelles.

Cette échelle d’abstraction observée dans l’ontogenèse se retrouve dans la phylogenèse. Il semble que seule l’espèce humaine ait accès aux représentations conceptuelles. Bien que l’on observe chez certains mammifères supérieurs un début de conceptualisation, les animaux ne possèdent que des représentations liées à l’action et des représentations imagées de leur environnement.