VI. Les représentations : résumé et conclusion

La notion de représentation est étroitement liée à l’avènement de la théorie du traitement de l’information, de l’utilisation de l’ordinateur comme métaphore du fonctionnement mental et de la logique contemporaine en tant que langage de la machine.

Selon le traitement de l’information, le système cognitif est caractérisé par des entités abstraites, les représentations, sur lesquelles opèrent des traitements à l’instar des ordinateurs. Ces derniers nécessitent des symboles interprétables sémantiquement pour l’utilisateur, ce qui rend incontournable le recours à la notion de représentation. La logique permet de formaliser une suite d’opérations et constitue le système de représentation abstrait utilisé dans le fonctionnement de l’ordinateur.

La représentation est donc au centre de la psychologie cognitive classique selon laquelle le fonctionnement cognitif se caractérise par du traitement sur de l’information dite symbolique. Cette information symbolique correspond à des états mentaux, les représentations dont le contenu est psychologiquement interprétable.

Cette perspective distingue deux formes de représentation : des représentations qui sont des connaissances bien stabilisées en mémoire et des représentations labiles construites en fonction d’une expérience particulière. Elle distingue également deux types de mémoire : la mémoire conceptuelle où sont stockés les concepts et la mémoire épisodique où sont stockés les souvenirs liés à des expériences spécifiques. Ces deux systèmes de mémoire fondent de nombreux modèles dans le paradigme dit cognitiviste.

La psychologie cognitive distingue trois types de représentations :

  1. Des représentations conceptuelles très abstraites, dépendantes du langage et bien stabilisées en mémoire.

  2. Des représentations imagées moins abstraites, pouvant être des connaissances stables ou des connaissances labiles et spécifiques à une situation.

  3. Des représentations liées à l’action, très concrètes pouvant être des connaissances stables telles des procédures automatiques ou des connaissances plus labiles permettant une adaptation à l’environnement.

La psychologie génétique nous permet de comprendre l’acquisition des représentations chez le jeune enfant. L’enfant acquiert tout d’abord des représentations liées à l’action dans des situations d’apprentissage dites apprentissage par l’action avec l’émergence de la pensée sensori-motrice. Puis, la pensée représentative se dégage de l’action et lui permet d’acquérir des représentations imagées. Enfin, les représentations conceptuelles apparaissent avec la pensée logique et l’acquisition d’instruments conceptuels complexes. On retrouve dans cette conception évolutive de Piaget les trois types de représentations que distingue la psychologie cognitive.

La psychologie animale et les données de l’éthologie témoignent de l’existence de certaines représentations chez les mammifères supérieurs. Ceux-ci semblent avoir une représentation structurée de leur environnement et la capacité de s’adapter à diverses situations. Les animaux auraient donc accès aux représentations liées à l’action et aux représentations imagées. Cependant, ils ne semblent pas avoir accès aux représentations conceptuelles qui nécessitent l’utilisation du langage dans sa fonction symbolique.

Ainsi, cette distinction que la psychologie cognitive situe sur une échelle d’abstraction (représentations conceptuelles, imagées et liées à l’action) se retrouve dans l’ontogenèse à travers le développement de l’enfant mais aussi dans la phylogenèse à travers le développement des espèces.

Enfin, les neurosciences démontrent une perspective radicalement différente de cette notion de représentation. Leur conception est dépendante de la compréhension du fonctionnement du cerveau et trouve sa source dans les réseaux de neurones et la plasticité des synapses. Les représentations ne sont plus des entités symboliques stables stockées en mémoire mais des phénomènes cognitifs émergeant de phénomènes nerveux qui fonctionnent en parallèle. Elles sont issues et codées par l’activité nerveuse d’une assemblée de neurones et se modifient sans cesse grâce aux propriétés plastiques du cerveau. Cette perspective ne nécessite plus de distinguer différents systèmes de mémoire. Elle interprète la mémoire comme un seul système dynamique aux multiples propriétés et fonde les modèles épisodiques et le paradigme connexionniste.

Ces quelques réflexions sur les représentations nous ont permis de voir combien cette notion est liée aux grands paradigmes théoriques de la cognition. Bien que central en psychologie cognitive, ce terme croise différentes approches et ses diverses interprétations ont profondément influencé les grandes théories de la mémoire. Ainsi, les modèles de mémoire trouvent leurs références dans la définition même de cette notion de représentation. En retour, cette définition trouve sa pertinence au sein de chaque modélisation.