II. Différentes formes de modèles de mémoire dans la littérature

L’étude de la mémoire nécessite la modélisation de son fonctionnement. Celle-ci doit préciser la nature et le format des unités mnésiques ainsi que leur organisation à travers une architecture donnée. Enfin, elle doit définir les règles de fonctionnement des opérations d’encodage, de stockage et de récupération de l’information.

On trouve dans la littérature des modèles variés, allant des interprétations extrêmes des modèles dits abstractionnistes ou symboliques aux modèles épisodiques. Selon le type de modèles, la distinction entre l’organisation et la nature des connaissances est plus ou moins marquée. Très prononcée dans les modèles abstractionnistes, cette distinction tend à s’estomper voire même à disparaître dans les modèles épisodiques. Dans les modèles connexionnistes, la nature des connaissances est étroitement dépendante de leur architecture car le passage de la structure à la fonction s’explique avec les propriétés du cerveau.

Les modèles de type symbolique tendent d’une part de définir les propriétés de la connaissance et d’autre part de chercher une organisation capable de rendre compte de ces propriétés. De ce fait, certains travaux portant uniquement sur la mémoire sémantique ont modélisé soit l’organisation des unités mnésiques (Quillian, 1969 ; Collins & Quillian, 1969 ; Collins & Loftus, 1975), soit la nature de ces unités (Rosch & Mervis, 1975). D’autres auteurs ont travaillé sur l’existence de mémoires spécifiques, distinguant différents systèmes mnésiques (Tulving, 1983, 1984, 1985, 1995 ; Anderson, 1976, 1983, 1990). Selon ces derniers, les connaissances sont organisées en mémoire en fonction de leur nature (connaissances sémantiques, épisodiques, déclaratives, procédurales).

Ces modèles se situent dans la perspective cognitiviste qui distingue plusieurs types de représentations et donc différentes mémoires. Ils se réfèrent aux propriétés de fonctionnement des ordinateurs de type Von Neumann (1958), d’où la ’métaphore spatiale’. Selon celle-ci, la mémoire est un espace où sont stockées des unités d’information à des adresses précises à l’instar des ordinateurs. Ces modèles sont dits fonctionnalistes car ils tentent de modéliser des processus psychologiques sans se préoccuper d’une quelconque réalité physiologique.

Les modèles épisodiques se fondent sur la nature entièrement épisodique des connaissances, d’où l’existence d’un seul système de mémoire. Dans cette perspective, les unités d’information sont des exemples (Medin & Schaffer, 1978 ; Nosofsky, 1986, 1988, 1991) ou des traces (Hintzman, 1986, 1987, 1988, 1990) qui codent des expériences spécifiques et au sein desquels émergent les connaissances sémantiques. L’accumulation de multiples traces ou d’exemples et leur récupération en fonction du contexte permettrait le stockage et la récupération d’un événement spécifique ou d’un concept.

La démarche des modèles connexionnistes est d’émettre des hypothèses sur l’architecture de la mémoire puis d’en déduire les propriétés des connaissances. Selon ces modèles dit réseaux de neurones, les phénomènes cognitifs sont issus de l’activité du système nerveux. L’information est codée, traitée et récupérée de façon distribuée au sein de larges réseaux qui fonctionnent en parallèle. Ces modèles se basent sur les propriétés du cerveau, en particulier la très grande densité d’interconnexions entre neurones et leur auto organisation, d’où la ’métaphore du cerveau’. Ils ont radicalement remis en question la ’métaphore spatiale’ qui, à la lueur des travaux contemporains est une conception statique de la mémoire.