1.1. La théorie de la diffusion de l’activation dans le traitement sémantique de Collins et Quillian (1969)

Un des premiers modèles s’inscrivant dans cette perspective est celui de Collins et Quillian (1969), les auteurs de la théorie de la diffusion de l’activation. Selon eux, la recherche en mémoire correspond à une diffusion de l’activation dans un réseau sémantique. L’activation se diffuse à partir d’un concept amorcé jusqu’à ce qu’une intersection avec un autre concept pertinent soit trouvée. Le modèle représente l’architecture de la mémoire comme un vaste réseau sémantique à l’intérieur duquel l’information est codée et organisée de façon abstraite et amodale. Les connaissances y sont stockées sous forme de concepts en des lieux précis, les noeuds du réseau. Ces noeuds sont reliés entre eux de façon hiérarchique par des liens qui représentent les propriétés du concept en fonction de ses liens avec d’autres concepts. Ainsi, la signification d’un concept dépend du réseau entier qui le représente.

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Figure 1. Réseau sémantique de Collins et Quillian (1969)

Selon Collins et Quillian (1969, 1972), les liens sont supposés avoir différentes valeurs d’accessibilité en fonction de la fréquence d’utilisation des concepts qu’ils relient.

La récupération de l’information se fait par l’activation des noeuds et la propagation de l’activité le long des branches du réseau. L’activation se diffuse tout d’abord à tous les noeuds liés au premier noeud puis à tous les noeuds liés à chacun de ces noeud et ainsi de suite. Les concepts sont évoqués à la suite d’une recherche active, d’où la comparaison avec une mémoire d’ordinateur. Afin d’évaluer une relation entre deux concepts, les sujets recherchent dans le réseau des liens entre les noeuds qui représentent ces concepts.

Le modèle distingue deux types de noeuds : les noeuds ’catégories’ (type nodes) qui représentent les catégories du langage naturel et les noeuds ’exemplaires’ (token nodes) qui représentent les individus de ces catégories.

Il existe cinq types de relation entre les noeuds du réseau : des relations de surordination-subordination entre un noeud catégorie et un noeud exemplaire, des relations de modification et des relations de conjonction-disjonction entre des noeuds exemplaires.

Selon le postulat de ’la faible théorie de l’économie cognitive’, la catégorisation d’un exemplaire dans un concept général ne nécessite pas de stocker toutes les propriétés du concept avec l’exemplaire. Par exemple, le fait d’apprendre que X est un oiseau n’impose pas de stocker toutes les propriétés des oiseaux avec X. Une inférence de la part du sujet permet de décider que X peut voler.

Une modélisation informatisée du réseau permet de simuler cette recherche. Celle-ci se fait en deux temps : le réseau active les deux noeuds pour lesquels il cherche une relation puis l’activation se diffuse à tous les noeuds liés à ces noeuds sources. A chaque noeud rencontré, le système laisse un indice (tag) qui indique le noeud précédent et le noeud source. Un noeud relie deux concepts quand apparaissent sur ce noeud les indices correspondant aux deux noeuds sources initiaux. C’est une intersection entre deux noeuds. En suivant les indices des noeuds de départ, le chemin qui conduit à l’intersection peut être reconstruit. Quand une intersection a été trouvé, il est nécessaire de refaire le chemin de l’activation pour décider si elle satisfait aux contraintes de la syntaxe et du contexte. Ceci permet au programme d’évaluer l’ensemble du réseau parcouru par l’activation afin de déterminer la nature de la relation entre les deux concepts initiaux. Ce type de règle de décision est utilisé par Collins et Quillian (1969) dans la compréhension de phrases. Par exemple, dans la phrase ’the faille leaves’ un chemin trouvé entre le concept ’to fall’ et le concept ’tree leaf’ doit être rejeté comme une mauvaise interprétation, parce que la syntaxe exige une forme de ’fall’ correspondant à l’interprétation. Quand un chemin activé est rejeté, d’autres chemins sont considérés dans l’ordre dans lequel ils sont activés.

Plutôt que de rendre compte de données expérimentales, la théorie de Quillian avait pour objectif d’implémenter le traitement et l’architecture de la mémoire sémantique humaine et la recherche en mémoire dans les ordinateurs. Le fait que cette théorie ait été développée comme un programme informatique lui a imposé certaines contraintes et a rendu sa validité psychologique peu réaliste.