2.2. Les modèles d’Anderson (1976, 1983, 1990)

Les travaux d’Anderson ont pour objectif de modéliser les origines de la connaissance humaine. Ses modèles dits propositionnels font l’hypothèse que les concepts sont stockés sous forme de propositions, la proposition étant la plus petite unité cognitive pouvant donner du sens à une phrase.

Ses théories s’inspirent des travaux de Newell et Simon (1972) sur la résolution de problèmes dont les concepts de base appartiennent au domaine de l’intelligence artificielle. Ainsi, dans son modèle, les fonctions cognitives sont réalisées par des règles de production.

Il travaille tout d’abord sur un système nommé HAM (Anderson & Bower, 1973) qui est une théorie de la connaissance déclarative humaine. Puis, son modèle ACT (Anderson, 1976) rajoute au système déclaratif un système procédural sous la forme d’un système de production. En 1983, le modèle ACT* intègre une théorie élaborée de l’acquisition de règles de production. Enfin, le système PUP (Anderson, 1990) remédie aux faiblesses du système ACT*. PUP est donc le modèle le plus complet d’Anderson sur l’acquisition de la connaissance humaine.

L’architecture des modèles ACT et ACT* est composée de trois systèmes de mémoire :

  • Une mémoire de travail qui gère les entrées et les sorties du système.

  • Une mémoire déclarative qui stocke les faits et les concepts sous divers formats (propositions, images, etc).

  • Une mémoire procédurale qui stocke des procédures sous la forme de règles de production.

La mémoire de travail est en relation avec les mémoires déclarative et procédurale par un processus de diffusion de l’activation. L’information venant de l’environnement est stockée tout d’abord dans la mémoire de travail sous une forme déclarative. Elle peut transiter dans la mémoire déclarative sous forme de faits généraux, ceux-ci pouvant être ensuite retransférés dans la mémoire de travail. Elle peut être enregistrée dans la MLT pour une utilisation future et récupérée dans la mémoire de travail si nécessaire.

Les procédures peuvent de leur côté additionner des buts et des faits en mémoire de travail, ces faits pouvant être stockés en mémoire à long terme. Elles sont créées à travers un système d’apprentissage qui inspecte les traces des procédures antérieures. L’apprentissage procédural est un apprentissage par le ’faire’.

La mémoire de travail est la partie activée de la connaissance, cette activation déclinant rapidement si elle n’est pas réactivée. Ce processus de déclin affaiblit les connaissances ou procédures peu utilisées et renforce les connaissances ou procédures les plus utilisées. De ce fait, l’apprentissage correspond à des changements en mémoire déclarative ou en mémoire procédurale.

Le modèle ACT* contient deux types de mécanismes : le mécanisme de compilation et le mécanisme d’induction.

  • La compilation de la connaissance est un processus permettant de transformer la connaissance déclarative en connaissance procédurale, c’est-à-dire de former à partir de faits déclaratifs des procédures à usage spécifique.

  • Le mécanisme d’induction permet de généraliser des procédures à travers une règle de production générale puis de restreindre la généralité à des règles de production qui nécessitent des distinctions. Ce processus d’apprentissage inductif est automatique et n’est donc pas soumis à des stratégies conscientes de la part du sujet.

Cependant, le fait que des sujets humains développent des stratégies a conduit les auteurs à réviser quelques points à travers le modèle PUPS qui intègre des mécanismes d’analogie et d’inférence causale. Le système commence avec une série de règles qui permettent d’inférer de l’expérience du sujet des relations causales.

Le modèle PUPS distingue trois niveaux de connaissance :

  • Le niveau de connaissance qui concerne l’information extraite de l’environnement et est associé à l’encodage de la connaissance déclarative. Le type d’apprentissage de ce niveau est empiriste. Il consiste à encoder des représentations déclaratives issues de l’environnement et de l’expérience.

  • La connaissance au niveau algorithmique qui réfère aux inductions et déductions internes. Le type d’apprentissage de ce niveau est rationaliste, c’est-à-dire qu’il est le résultat de raisonnements ou de computations internes.

  • La connaissance au niveau implémentation qui prend la forme des jeux de force dans l’encodage d’informations spécifiques. Le type d’apprentissage de ce niveau est nativiste (acquis de façon innée). Il consiste en l’ajustement des forces qui permettent le renforcement de la connaissance déclarative et procédurale en fonction de sa fréquence d’utilisation et de son adéquation.

Ainsi, ces deux auteurs défendent l’idée de différents systèmes mnésiques et proposent une classification ternaire de la mémoire.

Tulving (1983, 1984, 1995) distingue trois systèmes de mémoire : la mémoire procédurale, la mémoire sémantique et la mémoire épisodique. Ces trois systèmes sont dépendants les uns des autres de façon hiérarchique et sont associés à différents niveaux de conscience. Ils sont apparus progressivement dans l’échelle de l’évolution, de même qu’ils émergent progressivement chez un individu. Dans cette perspective, la mémoire est le fruit d’un processus évolutif, la mémoire procédurale précédant la mémoire sémantique, la mémoire sémantique précédant la mémoire épisodique dans le développement phylogénétique et ontogénétique.

Anderson (1976, 1983, 1990) distingue la mémoire de travail, la mémoire déclarative et la mémoire procédurale. La mémoire de travail stocke les informations venant de l’environnement et permet le renforcement des connaissances déclaratives et procédurales. La mémoire déclarative stocke des faits et des concepts déclaratifs, c’est-à-dire des connaissances qui peuvent être énoncées de façon consciente. La mémoire procédurale stocke des connaissances liées à des savoir-faire qui souvent sont automatiques. La mémoire de travail permet donc de faire du traitement de l’information alors que les mémoires déclarative et procédurale sont des systèmes de stockage.

Selon McKoon, Ratcliff et Dell (1986), le modèle d’Anderson est une alternative intéressante à la dichotomie sémantique-épisodique qui ne leur semble pas convaincante au vu des problèmes qu’elle soulève sur la récupération du sens des représentations épisodiques. La distinction déclarative procédurale permettrait selon eux de mieux rendre compte de deux fonctions fondamentales de la mémoire : la mémoire des faits et concepts et la mémoire des procédures. Bien que ces auteurs ne prônent pas l’existence de différents systèmes mnésiques, ils suggèrent que les termes déclaratif et procédural peuvent permettre de mieux interpréter certaines données expérimentales, notamment concernant les troubles chez les amnésiques.

Ainsi, la théorie des multiples systèmes de mémoire entraîne une distinction entre des connaissances liées à des fonctions différentes. Ces modèles ont servi l’interprétation d’un large éventail de données expérimentales en psychologie cognitive et en neuropsychologie concernant les différentes formes de dissociation décrites dans la littérature. Pour les auteurs de cette théorie, les phénomènes de dissociation sont la preuve de l’existence de systèmes mnésiques distincts. Pour d’autres, ils ne sont que l’épiphénomène des multiples propriétés d’un unique système.