3.2. Les dissociations de conscience

Freud fut une personnalité marquante dans l’introduction du concept conscient vs inconscient et ce domaine de recherche longtemps nié par la tradition béhavioriste a retrouvé sa place au sein des sciences cognitives.

Une forme de dissociation interprétée comme suggérant des mémoires spécifiques concerne les différents niveaux de conscience, chaque niveau étant dévolu à un système mnésique particulier. Tulving (1984) associe mémoire procédurale et conscience anoetic, mémoire sémantique et conscience noetic, mémoire épisodique et conscience autonoetic. Selon Anderson (1983, 1990), la mémoire déclarative nécessite la conscience du sujet alors que la mémoire procédurale peut être sollicitée de façon inconsciente.

Les travaux de Reber (1969) sur l’acquisition du langage démontrent que l’enfant peut faire des phrases correctes avant d’avoir acquis les règles de grammaire. L’enfant apprendrait des règles de façon inconsciente en les extrayant automatiquement de son environnement. Son protocole d’apprentissage de grammaire artificielle démontre un apprentissage implicite dans 70 % des cas sans prise de conscience explicite des règles instaurées. Selon ces travaux, les sujets extraient des régularités perceptives (lettres plus fréquentes que d’autres, configuration de lettres souvent répétées, etc) qui leur permettent cet apprentissage implicite sans pour cela être capables de le conceptualiser.

Il est généralement admis que l’acquisition d’une habileté nécessite tout d’abord une représentation consciente, et qu’ensuite avec la pratique, cette représentation déclarative se transforme en une représentation qui ne nécessite pas de demande attentionnelle (Anderson, 1983 ; Logan, 1988). Cependant, il semblerait que certaines habiletés peuvent être acquises sans traitement déclaratif et que l’encodage et la récupération de l’information peuvent se faire sans que soit nécessaire la conscience du sujet.

Hintzman (1990), relate certaines observations et expériences allant dans ce sens :

En psychologie cognitive, les termes mémoire explicite et mémoire implicite ont été proposés pour nommer respectivement la mémoire qui nécessite la conscience du sujet et la mémoire sans conscience. Cependant, ces termes restent confus dans le sens où ils sont souvent associés aux termes déclaratif et procédural qui dissocient la connaissance de faits ou de concepts et la connaissance de procédures comme dans le modèle d’Anderson (1983). Ils sont également associés aux termes épisodique et sémantique, l’information épisodique étant supposée être délibérée ou consciente alors que l’accès à l’information sémantique est supposée être automatique (Tulving, 1985).

Ces associations posent le problème de la légitimité de cette distinction explicite implicite. En effet, bien que basée sur un enchaînement d’automatismes, la connaissance procédurale pourrait être explicitée. De même, bien que définissant la connaissance qui peut être déclarée, la connaissance déclarative peut à un moment donnée dans l’expérience du sujet ne pas bénéficier d’un traitement attentionnel.

En fait, les termes mémoire explicite et mémoire implicite désignent des modes différents de stockage et de récupération de l’information. La mémoire explicite concerne des connaissances stockées et récupérées en mémoire de façon consciente tandis que la mémoire implicite concerne des connaissances stockées et récupérées en mémoire de façon inconsciente.

Il semblerait donc que les phénomènes de mémoire peuvent exister avec ou sans conscience dans des activités cognitives diverses comme par exemple l’apprentissage de procédures motrices qui enchaînent un certain nombre d’automatismes ou des activités cognitives purement conceptuelles. Ces deux modes de mémorisation seraient une des propriétés fondamentales de la mémoire et ne constitueraient pas forcément la preuve de deux systèmes de mémoire séparés.