1.1. La théorie du contexte de Medin et Schaffer (1978).

Les théories basées sur l’existence de ces concepts bien définis ou flous supposent que la performance dans une tâche de catégorisation est basée sur l’information abstraite (les sujets abstraient d’expériences particulières une tendance centrale de la catégorie ou prototype) ou sur un mélange d’informations abstraites et d’exemples particuliers. Des résultats expérimentaux démontrent que les sujets classifient des items prototypiques qu’ils n’ont jamais vus aussi vite et précisément qu’ils classifient d’anciens items (Homa & Chambliss, 1975 ; Posner & Keele, 1970) et qu’un plus grand oubli significatif est observé pour les anciens stimuli d’apprentissage que pour le prototype et des stimuli récents quand un délai de plusieurs jours est inséré entre l’apprentissage et les tests de transfert.

Selon Medin et Schaffer (1978), ces résultats peuvent être interprétés en terme de similarité entre les items sans supposer que l’information abstraite influence la performance. Ils expliquent une meilleure performance sur les stimuli prototypiques par le fait que ceux-ci sont susceptibles d’être similaires à un grand nombre d’exemplaires de la catégorie et peu similaires aux exemplaires des catégories alternatives. Plus le délai augmente, plus les sujets oublient ce qui est spécifique à chacun des exemplaires mais en extraient les points communs qui déterminent le prototype. Ce dernier ne serait pas stocké en mémoire mais émergerait de l’abstraction des traits typiques de tous les exemplaires.

La théorie du contexte suppose que les jugements de classification sont basés exclusivement sur la récupération d’exemples stockés en mémoire et qu’un stimulus fonctionne comme un indice de récupération accédant à l’information déjà stockée. Plus un stimulus est similaire à un exemple stocké, plus il est susceptible de retrouver l’information associée à cet exemple. Cette similarité est interactive : l’information au sujet du stimulus à catégoriser et de son contexte sont stockés ensemble en mémoire. L’amorce et le contexte doivent être activés simultanément pour retrouver l’information au sujet de l’événement. Un changement concernant l’amorce ou le contexte peut diminuer l’accessibilité de l’information. Cette non indépendance est donc une contrainte sur l’accessibilité de l’information stockée en mémoire.

Ainsi, les différentes dimensions d’un stimulus dans un contexte donné sont combinées de manière interactive et multiplicative pour déterminer la similarité globale de deux stimuli. Cette similarité globale correspond au produit des similarités des stimuli sur chacune de leurs dimensions. La règle multiplicative du modèle de contexte implique qu’un stimulus sera classé plus efficacement si il est très similaire à un deuxième stimulus, par ex différent sur une seule dimension et peu similaire à un troisième stimulus, par ex différent sur trois dimensions (S+S3) que si il a une similarité médium, c’est-à-dire si il est différent sur deux dimensions de deux stimuli de sa catégorie (2S2).

Le modèle prend en compte les éventuels effets de stratégie des sujets durant l’apprentissage. Ces effets peuvent moduler la saillance des différentes dimensions de l’information d’un stimulus et rendre l’information au sujet de ce stimulus incomplète. L’attention sélective est alors représentée par des changements quantitatifs dans les paramètres de similarité selon les dimensions du stimulus : la similarité est moindre quand la dimension qu’il représente est attendue car l’attention se portant sur cette dimension, la différence de similarité est détectée de façon plus précise.

Le modèle utilise une notation abstraite. Soit un stimulus ayant une valeur binaire (1 ou 0) sur 4 dimensions (ex : couleur rouge ou noir, forme triangle ou cercle, taille large ou petit, nombre : 1 ou 2). Un petit cercle rouge sera noté 1001. Ce code binaire est utilisé pour noter des relations de similarité : les deux stimuli 1111 (un large triangle rouge) et 1101 (un petit triangle rouge) diffèrent seulement en taille. Dans cet exemple, les paramètres de similarité sont les dimensions couleur, forme, taille et nombre représentés par les paramètres c, f, t et n quand leurs valeurs diffèrent entre deux stimuli et égal à 1 quand les deux valeurs sont identiques. La similarité des stimuli 1111 et 1101 sera notée 1x1xtx1 = t.

La probabilité de classer un exemplaire i dans la catégorie j est une fonction croissante de la similarité de l’exemplaire i aux exemplaires de la catégorie j stockés en mémoire et une fonction décroissante de la similarité de l’exemplaire i aux exemplaires associés aux catégories alternatives. Medin et Schaffer modélisent mathématiquement cette probabilité par une équation qui est égale à la somme des similarités de l’amorce i aux exemplaires de j stockés en mémoire divisée par la somme des similarités de l’amorce i à tous les exemplaires stockés en mémoire.

p = position c = couleur f = forme s = taillePA,1 = probabilité de classer le stimulus 1 dans A

La similarité entre deux indices le long d’une dimension est représentée par le paramètre de similarité dont la valeur varie entre 0 et 1, 1 représentant le maximum de similarité. En utilisant la règle multiplicative, le modèle permet des prédictions quantitatives concernant les probabilités de classification. Il prédit qu’en gardant constante la distance entre un stimulus et son prototype, la performance varie selon le nombre d’exemples stockés similaires à ce stimulus, ce qui le rend sensible à des effets de densité. A travers une série d’expériences, Medin et Schaffer (1978) démontrent la supériorité du modèle de contexte dans l’interprétation des données.