2. Les modèles à traces multiples : le modèle d’Hintzman (1984, 1986, 1987, 1988, 1990)

Une deuxième catégorie de modèles épisodiques est représentée par les modèles à traces multiples. Comme nous l’avons évoqué, l’introduction de la variable fréquence dans les modèles d’exemples a permis le passage de la notion d’exemple à celle de trace dans la définition de l’unité mnésique.

Hintzman propose un modèle de mémoire épisodique, MINERVA 2 afin de simuler le fait que la mémoire peut générer des représentations abstraites comme les concepts à partir d’expériences spécifiques. Il a tout d’abord appliqué son modèle à la catégorisation et à la reconnaissance (Hintzman, 1984, 1986, 1987) puis l’a adapté aux jugements de fréquence (Hintzman, 1988).

Cet auteur suppose qu’il existe un seul système de mémoire dont les unités mnésiques sont des traces épisodiques qui codent chaque épisode de traitement. Dans cette perspective, la répétition d’un stimulus ne renforce pas une représentation antérieure mais produit une nouvelle trace qui coexiste en mémoire avec toutes les traces du même stimulus. Les connaissances abstraites ne sont pas stockées en mémoire mais émergent d’un bassin de traces multiples et épisodiques au moment de la récupération. La récupération en parallèle de ces multiples traces permet la récupération d’un concept.

Chaque expérience est représentée dans la trace par une configuration active de traits ou attributs, ceux-ci pouvant aller d’une simple tonalité émotionnelle ou d’un trait purement sensoriel à des propriétés plus abstraites.

Différentes expériences peuvent partager les mêmes traits et la similarité entre deux expériences est fonction du nombre de traits qu’elles partagent. Cependant, chaque expérience donne naissance à sa propre trace mnésique aussi similaire qu’elle puisse être d’une expérience antérieure.

Hintzman distingue les traces en mémoire qui ne sont pas directement accessibles à la conscience, des représentations actives sous les noms de mémoire primaire (PM) et mémoire secondaire (SM). Un stimulus agissant comme amorce peut être envoyé de la mémoire primaire à toutes les traces de la mémoire secondaire. En retour, la mémoire primaire reçoit un « écho » de la mémoire secondaire. Un certain nombre de traces sont activées simultanément selon la similitude qu’elles entretiennent avec l’information traitée, les traces partageant le plus de traits communs avec le stimulus amorce étant les plus fortement activées.

A travers les attributs qu’elle partage avec l’information traitée, l’activation d’une trace peut se diffuser aux attributs non similaires à cette information du fait d’être stockée dans la même trace.

L’écho reçu en mémoire primaire a deux caractéristiques : son intensité et son contenu.

L’intensité de l’écho dépend de la somme totale d’activation en mémoire secondaire qui est fonction du nombre de traces activées.

Le contenu de l’écho condense toutes les traces activées en parallèle et reflète tous les attributs communs de ces traces. Les caractéristiques qui distinguent une trace activée d’une autre sont ainsi masquées dans l’écho par ce processus de sommation de traits partagés.

MINERVA 2 est un modèle mathématique de simulation qui modélise la similarité d’une trace en mémoire au stimulus amorce.

S(i) = similarité d’une trace i au stimulus amorceNr = nombre de traits pertinents pour la comparaisonP(j) = valeur du nombre de traits du stimulus amorceT(i,j) = valeur du nombre de traits de la trace i
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Figure 5. Modèle Minerva 2 de Hintzman (1986)

MINERVA 2 modélise l’intensité et le contenu de l’écho en représentant chaque trace en mémoire et chaque stimulus amorce par un vecteur de valeurs de traits.

Chaque trait peut prendre la valeur +1 (activation de la propriété), la valeur -1 (inhibition de la propriété) ou la valeur 0 (indétermination).

L’apprentissage consiste à copier les traits d’une information dans une trace, chaque trait étant encodé avec une probabilité L qui s’élève avec le temps de présentation ou avec le nombre de répétitions de l’information. L’oubli, considéré comme l’inverse de l’apprentissage est encodé avec une probabilité F.

Hintzman ne nie pas la possibilité qu’il puisse exister des connaissances abstraites stockées en mémoire. Cependant ce postulat soulève selon lui le problème de leur apprentissage, de leur modification par l’expérience et du rôle du contexte qui caractérise la connaissance humaine. Il contourne ces questions en supposant que d’éventuelles connaissances abstraites stockées en mémoire n’auraient pas de statut particulier. L’information est abstraite au moment de la récupération plutôt qu’au moment de l’apprentissage, ce qui ne nécessite pas de réorganiser ou d’abandonner d’anciennes structures mnésiques. Une nouvelle expérience se traduit par une trace qui se rajoute aux anciennes. Ceci modifie la mémoire entière, le comportement du système étant sans cesse modifié par l’accumulation de nouvelles traces. De plus, l’activation en parallèle des traces et le reflet de cette activation dans l’écho selon la similarité entre leurs traits et ceux de l’amorce permet d’intégrer le rôle du contexte.

Afin de démontrer l’effet du contexte, MINERVA 2 intégrait dans certaines de ses expériences de simulation (1986) des traits contextuels à chaque trace.