V. Une architecture distribuée de la mémoire : la modélisation connexionniste

1. Modèles cognitivistes vs modèles connexionnistes

On peut situer de façon générale les modèles symboliques dans un paradigme dit cognitiviste ou symbolique défini par les caractéristiques suivantes : les connaissances sont formalisées par des structures symboliques. Les processus cognitifs sont des manipulations symboliques décrites à un niveau relativement abstrait. Le traitement de l’information est localisé et modulaire. Le traitement de l’information repose sur des règles de type séquentiel, d’où la métaphore de l’ordinateur.

Cette modélisation de la cognition présente des inconvénients que l’on ne peut négliger : la perte ou le dysfonctionnement d’un symbole ou d’une règle provoque un dysfonctionnement de l’ensemble. Ces règles symboliques et la logique qui les manipule tendent à produire des systèmes rigides et fragiles, et des contraintes dures. Ce paradigme ne peut rendre compte des propriétés du cerveau tel que sa capacité auto-organisatrice, sa capacité à rester fonctionnel à la suite de dommages importants, ou sa souplesse d’adaptation à de nouveaux environnements.

Le paradigme connexionniste ou sub-symbolique est défini par les caractéristiques suivantes : les connaissances ne sont plus formalisées par des éléments particuliers (les symboles) mais par des configurations d’activité sur un grand nombre d’unités du système (les neurones). Les processus cognitifs sont étroitement dépendants des propriétés du cerveau. L’information est distribuée. Les règles portent sur la propagation de l’activité. Ces règles de modification de la force des connexions constituent des contraintes souples et n’ont d’implications que collectivement.

Le connexionisme est une modélisation particulière permettant de faire le lien entre données fonctionnelles et physiologiques, d’où la métaphore du cerveau. Du point de vue des neurosciences, il ne semble pas y avoir de règles ou de dispositif central dans le cerveau et l’information ne paraît pas être engrangée à des adresses précises. Le cerveau opère sur la base d’interconnexions entre ensembles de neurones, et ces connexions se modifient en fonction de l’expérience (Changeux, 1983). De par sa confrontation avec l’environnement, le cerveau produit sans cesse des changements en lui-même.

Cette formalisation de la cognition procède par abstraction à partir de structures neuronales plutôt qu’en formalisant symboliquement les structures mentales. Les structures mentales émergent des structures neuronales, les régularités symboliques émergent de processus parallèles distribués. Selon Smolensky (1988, 1992), cette différence entre le sub-symbolique et le symbolique nous ramène à des questions concernant les divers niveaux d’explication dans l’étude de la cognition.

Cette approche considère la mémoire comme un processus dynamique en constante évolution, comme un ’incessant processus de reconstruction’.